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Des femmes, des vieillards étaient assis un peu partout, les yeux fermés. Certains s’étaient allongés sur les bancs ; chacun avait près de soi sa valise. Deux femmes, avec des enfants en bas âge, se serraient dans un coin sombre ; on entendait les enfants pleurer doucement. Dans un autre coin un couple d’amoureux se tenait étroitement enlacé. L’homme était un militaire. Nous nous assîmes près de la bouche d’aération. C’était là notre place. Papa s’adossa au mur blanc, humide, et ferma les yeux
Afficher en entier-Oui; mais il y a dix ans, ce n'était pas la même chose. Les temps ont changé; et maintenant je ne peux pas tolérer un Juif dans ma maison.
Le président fit un signe de dénégation:
-Depuis que vous êtes membre du Parti national-socialiste, vous ne pouvez tolérer aucun Juif dans votre maison. Pouvez-vous m'assurer que vous n'allez pas vous inscrire prochainement à un parti qui se prononcera contre les catholiques, ou contre les végétariens? ...
Afficher en entierJe fus immédiatement saisi par l'atmosphère de désolation qui régnait dans ce lieu : les fenêtres étaient masquées par une accumulation de toutes sortes de choses : des taches claires sur les murs témoignaient encore de l'emplacement des meubles ; à même le plancher, il y avait un lit de fortune fait d'un ramassis de vieilles couvertures, d'un matelas éventré et de chiffons ; la table, au milieu, semblait être la seule pièce d'ameublement encore utilisable ; un chandelier de cérémonie en argent y était posé avec la bougie en train de brûler.
M. Schneider était assis à la table. Je m'enquis de Frédéric. M. Schneider eut un haussement d'épaules.
Afficher en entierPendant ce temps, le regard du président vagabondait par la fenêtre. Les gens, dans l'assistance, devenaient bruyants. Mme Schneider s'épongeait le front avec son mouchoir, tandis que Frédéric lui caressait le bras. Soudain, on vit M. Resch quitter la salle d'audience et son avocat revenir vers le président.
Afficher en entierEn 1925, la plupart des Allemands avaient vu fondre toutes leurs économies : la grande dévaluation venait de se produire. Quant aux perspectives de trouver des emplies correctement rémunérés, elles étaient minimes. Partout, la misère et le chômage ne faisaient que croître.
C'est pourquoi l'inquiétude de mes parents fut d'autant plus grande, lorsque je vins au monde : il allait falloir, moi aussi, me nourrir et me vêtir.
Frédéric Schneider naquit juste une semaine après moi. Ses parents habitaient dans la même maison que nous, à l'étage au-dessus. Son père était fonctionnaire des Postes. En ce temps-là, mes parents le connaissaient à peine. En dehors d'un salut poli le matin, quand il partait travailler, d'un autre salut le soir à son retour, les échanges de paroles étaient rares.
Les occasions de rencontrer Mme Schneider, une brunette de petite taille, étaient encore moins nombreuses. Sitôt après avoir fait ses courses ou balayé son palier, elle disparaissait derrière sa porte. Quand on la croisait dans la rue, elle vous adressait un sourire, mais jamais ne s'arrêtait . Il fallut attendre la naissance, quasi simultanée, de moi-même et de Frédéric pour que des liens se nouent entre nos deux familles.
Afficher en entierIl va falloir que je rentre, me cria-t-il. Papa va bientôt arriver. Et nous devons aller ensemble faire des achats. Peut-être qu’on va me donner, à moi aussi, une balle comme la tienne !
J’approuvai en sautant à pieds joints au-dessus d’une plaque d’égout et, comme quelqu’un approchait, j’interrompis le jeu un instant. Dès que le passant se fut éloigné, je renvoyai la balle à Frédéric. Mon geste le surprit et il manqua la balle. Il y eut un bruit clair, un bruit de verre cassé, et la balle me revint, roulant innocemment sur la chaussée. Bouche bée, Frédéric contemplait les débris de la vitrine, je me penchai pour ramasser la balle sans bien réaliser encore ce qui s’était passé. Mais une femme avait surgi devant nous, elle s’en prit à Frédéric et se mit à vociférer en le secouant par le bras. A ses cris, les portes et les fenêtres s’ouvrirent tout autour de nous et très vite les curieux se rassemblèrent.
– Petits brigands ! Vauriens !
Devant la porte de la boutique, un homme fumait sa pipe avec indifférence, les mains dans les poches ; c’était le mari de la commerçante.
– Ce lourdaud de Juif, disait la femme à qui voulait l’entendre, casse ma vitrine pour voler mes marchandises ! Puis, se tournant vers Frédéric : Mais tu as manqué ton coup cette fois encore ; je t’ai à l'œil. Je te connais bien, tu ne m'échapperas pas. Vous autres, canailles de Juifs, on devrait tous vous exterminer. Ça vous met par terre une affaire avec leurs grands magasins, et ça vient, en plus, vous voler. Attendez un peu, Hitler va vous faire voir !
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