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(dialogue entre les deux personnages principaux et Morgan est autiste)
Il ouvrit un autre tiroir.
— Ah, la voilà !
La boîte remplissait ses deux mains.
— Parfois, j’oublie où je mets les choses. Tu sais, vu comme je suis.
— J’oublie des choses aussi, alors ne t’inquiète pas pour ça.
— Prends ça.
Il me tendit la boîte.
— Tu vois, elle n’a pas été ouverte. Alors, tu peux l’ouvrir.
Je la fis tourner et rompis le scotch avec mon ongle.
— Voilà, et maintenant ?
— Sors quelques cure-dents. N’importe quel nombre mais ne me laisse pas les voir. Ensuite, jette-les sur le sol.
— La boîte entière ?
— Ouais, tous. Ensuite, je les compterai très vite.
— Il y en a plus de mille là dedans.
— Mille cinq cents.
Il indiqua la boîte.
— Mais je peux les compter, promis. Maintenant, prends-en quelques-uns.
Il se couvrit les yeux.
— Je ne vais pas regarder, mais assure-toi de ne pas me laisser voir.
— Je ne le ferai pas. Promis.
Je relevai le rabat et en comptai une douzaine. Même s’il me sortait le mauvais chiffre, il ne le saurait jamais. Nan. Je ne pouvais pas supporter l’idée de briser son ego fragile.
Je glissai les cure-dents dans ma poche et vidai le reste sur le sol.
— C’est bon, tu peux découvrir tes yeux.
— Tu es sûr ?
— Ouais.
— Tu les as tous fait tomber ?
Je secouai la boîte.
— Chacun d’entre eux.
Morgan tapota ses doigts sur sa paume puis les fit claquer près de son oreille. Je ne pouvais toujours pas voir ses yeux, mais il tourna lentement sa tête comme s’il suivait le flot de cure-dents qui recouvrait le sol de la cuisine.
— Morgan ?
Il se figea.
— Attends.
L’horloge sur le mur égrenait les secondes de silence. Je fis courir une main sur ma tête.
— Tu n’as pas encore fini ?
— Presque.
Il fit le geste pour déverser ses pensées, puis réussit à contenir sa main capricieuse dans une de ses poches. Son épaule sursauta à quelques reprises comme s’il n’était pas satisfait de l’arrangement.
Je me raclai la gorge.
— Très bien, je l’ai, dit-il.
— Parfait, combien ?
Morgan releva la tête et il n’y avait rien de doux, de subtile ni d’innocent dans ses yeux, et pas une seule larme sur ses joues.
— Bordel, je n’en sais rien ! Mais tu ferais mieux de commencer à nettoyer le foutoir que tu as fait. Je dois aller quelque part.
Il me poussa en passant devant moi.
— La pelle à poussière est dans le placard. Je vais attendre dans le camion.
La porte grillagée claqua en se refermant, et je restai debout dans la cuisine, tenant les cure-dents.
Afficher en entier« La lumière est une drôle de chose, Grant. On pense qu’elle nous montre ce que nous avons besoin de voir, mais en réalité, elle nous aveugle. C’est pourquoi je t’ai emmené ici. Je voulais que tu me vois. » […]
Dans le cas de Morgan, la lumière m’avait fait voir ses tics, les spasmes de ses muscles, et ses étranges mouvements, et j’ai été distrait par eux. Le noir faisait disparaître tout ça et me laissait assis à côté d’une personne, pas d'un comportement, un être humain, pas des défauts visibles. Quelqu’un de perspicace, vif d’esprit, déterminé, généreux, gentil et armé d’un diabolique sans de l’humour.
Quelqu’un de définitivement plus intelligent que moi.
Quelqu’un que je ne méritais pas.
(Trad. perso)
Afficher en entier— Attendons jusqu’à ce que nous soyons sur la route.
— À ce rythme, cela prendra qu’une semaine.
— Pas du tout.
— Un jour au moins.
— Morgan…
— Oh, regarde ! Nous venons d’être dépassés par une feuille !
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