Extraits

"Comment le fisc et un obscur organisme d' Etat pouvaient-ils l'accuser d'avoir accumulé une énorme dette, à la limite du détournement de fonds, et lui faire un procès qui risquait de le ruiner et de plonger sa famille dans la misère? On le menaçait de saisir son salaire et de placer ses biens sous séquestre, donc de mettre fin à sa carrière. Si économe et si attaché à la bonne gestion, l'Empereur le chasserait de la cour."

Vienne, le 6 janvier 1785

Qui avait dénoncé Thamos l'Égyptien, l'initiateur de Mozart ? Un voisin ou un curieux ? Habitué à déplacer son laboratoire, l'alchimiste n'emporta qu'un sac d'or.

Par bonheur, les policiers manquaient de discrétion. Bruits de bottes, quintes de toux, ordres aboyés... Sûrs de leur succès, ils progressaient en terrain conquis.

Chaque domicile secret de Thamos était pourvu d'une issue masquée. Il ôta quelques briques et s'engagea dans un couloir aboutissant à une ruelle bordée d'entrepôts. Au moment où il fit crisser la neige, une violente déflagration réveilla le quartier.

Le fourneau alchimique venait d'exploser au nez des représentants de l'ordre.

Serein, le comte de Thèbes regagna son hôtel parti­culier. La bonne société ne vantait-elle pas sa générosité envers les pauvres et les orphelins ? Discret et influent, ce riche Oriental bénéficiait d'une excellente réputation. Personne ne le soupçonnait de pratiques occultes que condamnaient le pouvoir et l'Église.

Vienne, le 7 janvier 1785

Thamos l'Égyptien inspecta les alentours de l'im­meuble où se célébrerait l'initiation de Mozart au grade de Compagnon Franc-Maçon. Certain qu'aucun guet­teur ne surveillait le local de la Loge À la Vraie Union ', il songea à son maître, l'abbé Hermès, qui lui avait révélé les secrets des prêtres de l'ancienne Egypte avant de disparaître, massacré par les fanatiques musulmans.

Sans doute Thamos ne reverrait-il jamais son pays natal. Aussi remplissait-il sa mission en transmettant la tradition initiatique à quelques Francs-Maçons, au pre­mier rang desquels figurait, après de longues années de formation, le Grand Magicien, Wolfgang Mozart, reçu Apprenti à vingt-huit ans, le 14 décembre 1784.

Depuis la récente création de la Grande Loge d'Au­triche, la Franc-Maçonnerie viennoise apparaissait comme une institution presque officielle, fidèle soutien de la politique libérale de l'empereur Joseph II.

Thamos ne croyait pas à cette vision idéelle. Malgré des enquêtes stériles, il restait persuadé qu'une sorte de démon, tapi dans les ténèbres, observait les faits et gestes des Francs-Maçons avec l'intention d'anéantir l'Ordre.

Mais il fallait profiter de cette accalmie pour conduire Mozart vers les Grands Mystères et lui don­ner toutes les clés qui lui serviraient à façonner des oeuvres magiques dont le rayonnement dépasserait son temps.