Cupid's Nest, Tome 0 : My Ugly Biker

 Oups ! éructé-je. Est-ce que je viens vraiment de le dire à haute voix ?

Je fais volte-face et rive toute mon attention sur l’objet de ma convoitise. Robert Hayes, alias Rob. J’ai toujours su qu’un jour ou l’autre, il se jetterait dans mes filets. Et j’ai été patient, non ? Je l’ai remarqué pour la première fois l’été dernier. Devinez ma stupeur lorsque l’ami qui m’accompagnait à ce moment-là m’a révélé que cette créature sexy bossait dans ma rue depuis plus d’un an. Hélas, j’ai vite découvert que le sauvageon ne côtoie personne. Il est donc difficile à approcher. À notre époque, qui peut encore se résigner à une vie de solitaire ? Il m’intrigue.

Rob est grand, beau, et pourtant il marche en courbant l’échine et s’enlaidit. Oh… Je sais ce qu’il cache. Mais c’est plus drôle de le conquérir et lui donner l’envie de baisser sa garde.

Avec un petit coup de coude de ma part, bien sûr.

— Te plais-tu en ville ? lui demandé-je avec innocence.

Son regard me suit sans ciller.

— Ça va.

— Il vaut mieux, vu le climat de la région.

La ville se situe à 500 mètres d’altitude. En hiver, il fait très froid, les températures descendent allègrement sous le zéro. En été, nous avons droit à une chaleur humide. Les gens disent qu’il faut être né ici pour l’endurer. Effectivement, cela me change de mon Texas natal. Je me suis installé ici par choix, et je ne le regrette pas, car le taux de criminalité y est très faible.

Prenez notre artère commerçante, Main Street. Une enfilade de boutiques et d’entreprises au milieu des terrains de golf, l’aéroport, la raffinerie. Une fourmilière où des milliers de gens travaillent au quotidien. Mandan est l’extension de Bismarck, sa banlieue la plus récente, de l’autre côté du fleuve Missouri. Pour résumer, il s’agit d’un endroit où il fait bon vivre.

Mon petit barber shop est coincé entre un pressing et une boutique de fringues. Les voisins sont sympas. Les employés n’ont qu’à venir le midi ou à la sortie du boulot. Je m’efforce d’y maintenir un environnement détendu. Depuis que les barbus sont devenus à la mode en ville, je vends même des produits de beauté pour l’entretien des barbes. Les jeunes sont de plus en plus coquets, et reviennent dans des commerces comme le mien après une période d’une trentaine d’années où les barber shops étaient plutôt ringards.

Je saisis la tondeuse dans le panier à ustensiles et clipse le bon sabot. Je souris en tombant sur son expression réticente.

— Promis, tu seras content de ta nouvelle coupe, dis-je avec conviction.