Extraits

« Les deux Âmes - sœurs déplièrent leurs bras l’une vers l’autre en une étrange valse faite de mouvements fluides et délicats, dont l’élégance et la virtuosité confinaient au merveilleux. La danse des gestes les recouvrît bientôt toutes les deux d’une vive lumière presque palpable et, sous les feulements haineux des Félinides, apparût alors le Myrihande, son corps scintillant comme les rayons d’un soleil éternel. »

« — Le temps est un vrai renard. Il tourne autour de toi comme un ami, il t’apprivoise doucement, te laisse même parfois caresser son pelage...mais un jour, sans crier gare, il finit toujours par te mordre! »

« À toi, dont j’ai perdu les boucles blondes toutes emmêlées à mes paupières du temps où nous rendions au monde une parcelle de sa lumière...

Quand tu danses, y songes-tu? »

Morhled, le passeur des Trois Cités, avait donné ses ordres aux gardes du Mirador avant d'emprunter l'escalier menant aux niveaux inférieurs de la tour. Les informations qu'il venait de recevoir étaient d'une trop grande importance pour qu'il se risquât à prendre seul certaines décisions. Des divisions semblaient désormais couver au sein même de l'aristocratie, et cela le contrariait. Il devait se rendre au plus tôt à Doldometh auprès de son maître, et pour cela, il avait besoin de la plus rapide des montures.

Depuis leur arrivée, une jeune fille accoudée au comptoir, grande et longiligne, les épiait de son regard émeraude souligné par d'épais sourcils bruns. ses très longs cheveux d'un blond cuivré, lisses et soyeux, tombaient élégamment jusque d'en le bas de son dos voilé d'une robe claire et légère aux couleurs du soleil couchant.

Profitant du soleil dont les rayons embrasaient les murs blancs de la ville, Sisam travaillait sur les échafaudages du Temple de la Cité, vestige d'anciens cultes auxquels peu de citoyens s'intéressaient maintenant, hormis quelques historiens et d'incorrigibles rêveurs.

En pénétrant dans l'immense et luxuriant closerie, ils croisèrent une jeune fille d'à peine vingt ans aux longs cheveux dorés et à l'air espiègle, revenant d'une grande serre aménagée au coeur des jardins. Sa peau laiteuse se confondait presque avec le corsage de lin blanc qu'elle portait, croisé de délicats cordons qui laçaient à ses hanches d'adolescente une longue jupe beige richement décorée. Un magnifique diadème, orné d'entrelacs d'argent imitant des ailes de papillons, couronnaient son petit visage malicieux.

Extrait du prologue

La journée était passée vite, comme souvent dans les moments de bonheur. Sisam et Helya jouaient encore autour de l'enclos de la maison. Leurs parents les avaient enjoints à ne pas trop s'éloigner à cause de la nuit tombante, bien qu'à cette heure-ci les rues de la Cité étaient encore éclairées par les hautes torches suspendues aux colonnes de marbre qui jalonnaient les pavés.

Au croisement des ruelles, au milieu d'une grande fontaine, trônait la statue d'un ange mystérieux. Doté d'une multitude de bras empruntant à la grâce des songes, il déversait de ses mains de pierre plusieurs petites cascades d'eau auprès desquelles il faisait bon se rafraîchir, surtout en cette saison précocement estivale. L'une des plaisanteries favorites de Sisam consistait à plonger sa bouche dans la vasque de la fontaine, y gonfler ses joues d'eau, et poursuivre ensuite Helya pour l'asperger. Il n'allait pas déroger à la coutume, d'autant que cette journée d'anniversaire lui offrait toutes les excuses pour s'en donner à coeur joie. Loin de se laisser faire, la fillette profitait des quelques secondes durant lesquelles Sisam s'abreuvait pour l'inonder en dirigeant habilement de ses petits doigts l'un ou l'autre des jets sur son tortionnaire.

Leurs espiègleries se poursuivirent durant une bonne heure et ils s'écroulèrent enfin sur le rebord de la fontaine, ruisselants et le coeur battant, un large sourire vissé aux coins des lèvres.

- Tes parents ne te laisseront jamais rentrer dans cet état ! se moqua Sisam en écartant une grosse mèche noire qui lui barrait le visage. Tu vas devoir sécher au grand air !

- Ça nous laisse encore un peu de temps pour nous, alors, répondit-elle avec une mine réjouie.