Mystères à L.A., Tome 2 : Disparus sous le soleil

Singularité temporelle ou non, le crépuscule tombait quand j’arrivai à la maison pour y trouver Jon installé sur le canapé, un gros bouquin ouvert sur ses genoux. Mon bel Apollon studieux. Il leva la tête vers moi et dit d’une voix bougonne :

— Le retour du fils prodigue.

Les petites phrases assassines de Jon ne me perturbaient plus.

— Je ne suis pas ton fils, heureusement, répondis-je avec un grand sourire car j’étais content de le voir et je savais que son irritabilité n’était qu’une façade. Fais attention, si le vent tourne, tu resteras coincé avec ta grimace.

Je laissai tomber mes sacs sur une chaise et grimpai sur le canapé.

— Qu’est-ce que tu lis ?

— Je révise.

Il glissa une feuille dans son livre pour marquer la page et le mit de côté. Le titre en blanc sur la couverture jaune proclamait L’Art asiatique .

— Je vois que tu es tombé du wagon à livres, dit-il en désignant le sac en toile qui contenait mon butin.

— Tu mélanges tout de nouveau. Être dans le wagon veut dire être sobre. Ça vient de l’époque de la prohibition, on parlait du wagon à eau. Je le sais, je l’ai lu dans un livre. Si tu en tombais, ça voulait dire que tu replongeais dans ton addiction à l’alcool.

— Mais tu as une addiction aux livres, protesta-t-il.

— Oui, mais si je tombais du wagon à livres, je n’aurais plus rien à lire, expliquai-je.

C’était d’une logique imparable. Me semblait-il. Jon y trouva une faille.

— Sauf si les livres tombent avec toi – comme la télé qui tombe du camion.

Ces derniers temps, on regardait Les Sopranos qu’un ami nous avait prêté en DVD.

— Est-ce que tu me compares à un gangster ? demandai-je en grimpant sur ses genoux.

Mon derrière maigrichon trouvait parfaitement sa place sur ses cuisses musclées.

Jon garda un visage sévère.

— Tu es gangster spécialisé en fantasy et un terroriste en romans historiques. Recherché par le FBI, la sécurité nationale et la bibliothèque municipale de Los Angeles.

Il avait accentué cette dernière partie. Une petite lumière s’alluma dans ma cervelle.

— Est-ce que tu es en train de dire que je devrais m’inscrire à la bibliothèque.

Je gigotais pour trouver la meilleure position. Il se redressa et me souleva avec lui jusqu’à ce qu’on soit parfaitement emboîtés comme deux pièces d’un puzzle.

— Je t’ai déjà inscrit en ligne. Tu n’as plus qu’à passer à la bibliothèque la plus proche pour récupérer ta carte.

— Mais, mais… si je prends des livres à la bibliothèque, je serai obligé de les rendre.

C’était le seul reproche que j’avais à faire à cette noble institution.

Jon n’eut pas l’air de se rendre compte de la gravité de la situation.