C'est juste pas clair, ces histoires d'âge. Ça bouge sans arrêt, les âges. A peine le temps de s'y faire qu'il faut déjà en changer. Je suis toujours obligée de calculer quand on me demande l'âge que j'ai. Même pour toi, maman, c'est pareil, je n'ai jamais su quel âge tu avais, ni quel jour tu es née, ça ne m'a jamais intéressée, je voulais juste pas que tu vieillisses, ni que tu sois malade, ni que tu meures, c'est tout.

Il appelait ça la "fièvre sombre de l'adolescence". D'après lui, elle se caractérise par une colère ou le dégoût. Avec deux solutions possibles : ou bien on se tue ou bien on rêve de détruire le monde entier, parce qu'il est complètement pourri et qu'il n'y a vraiment plus rien à en espérer.

Je crois profondément, sincèrement, définitivement, à la cruauté naturelle de l'être humain. Je crois que la sympathie, l'amitié, l'affection, l'amour ne sont que des réactions de défense, qui nous font désespérément rechercher un soutien, une protection contre nous-mêmes et contre les autres.

Le temps use les montagnes, détruit les civilisations, creuse des rides dans les visages, mais ne change pas l'intérieur des gens.
[Mon âme est une porcherie]

J'ai l'impression que nous nageons entre les pages d'un roman - au beau milieu d'une histoire qui n'est pas vraiment la nôtre. C'est un sentiment extrêmement troublant.

La solitude, c'est ce qu'il y a de pire quand on vieillit, je crois. Pire que les douleurs en tout genre, que les intestins paresseux ou le souffle court en montant un escalier que l'on aurait grimpé quatre à quatre quand on avait vingt ans... la solitude est pire.

"J’ai seulement soixante-huit ans, Ralph. Je sais bien que dire soixante-huit et ajouter seulement, ça n’a aucun sens pour le Docteur Fontaine-de-Jouvence ; mais pour moi, si. Parce que ma mère est morte à quatre-vingt-douze ans l’an dernier et que mon père a vécu jusqu’à quatre-vingt-six ans. Dans ma famille, mourir à quatre-vingt ans, c’est mourir jeune… et si je devais passer douze ans dans un endroit où on t’appelle à la salle à manger par haut-parleur, je deviendrais folle."

Tout être est un volume de sang qui perle à chaque page coupée.

Ava hule mon nom.
Je vais.. je viens.
Plus rien n'a de sens.
Ava hurle mon nom.
Je vais.. je viens.. j'émerge et puis je sombre à nouveau dans une sorte de purée de pois épaisse, noire comme la mort.
Ava hurle mon nom.

"C'est à ce moment-là qu'Ivan m'a expliqué les règles. Et comment elles nous protégeaient. Parfois de nous-mêmes, d'ailleurs. Ces règles qu'on apprend avec le temps. Avec l'expérience. Parfois à la dure. Ces règles qu'on n'a pas besoin d'écrire, et qu'on n'oublie pourtant jamais."

La faim et le froid ne l’atteignent même plus.
On s’habitue à tout. Ou presque.
Benoît s’enfonce lentement dans une sorte de marécage vaseux. Plus on s’agite, plus vite on coule, paraît-il.
Alors, il bouge le moins possible. Une technique comme une autre.
De toute façon, ses muscles sont encore traumatisés par l'expérience sensorielle inédite gracieusement offerte par sa charmante geôlière!
Ces dernières vingt-quatre heures, ses seules activités se sont résumées à boire, pisser et prendre une douche heureusement chaude.
Pleurer aussi, de temps en temps.
Mais essentiellement, penser.
Ressasser le film de sa courte vie, dont l’épilogue semble déjà écrit.
Il a feuilleté les pages de son enfance, de sa jeunesse, de sa carrière de flic.

Première certitude : je ne suis pas dans ma piaule.
Mais où, alors ? […]
Il tourne la tête sur la droite, déclenchant une douleur assassine dans ses cervicales. Et là, il aperçoit…
Les barreaux. […]
Enfermé.
Son cœur s’extirpe lentement de la léthargie. Commence à battre fort. Très fort.
Dans un réflexe stupide, il cherche son arme. Pour se réconforter. Sauf que son holster est vide. Un vide effrayant.
Deuxième certitude : je suis dans la merde…

Il s'est approché de moi et je lui ai tendu le poème. Nous sommes retournés au canapé et il l'a lu avec beaucoup d'attention. Dans son dos, je répétais les vers en silence parce que bien sûr, ce poème, je le connaissais par cœur.

Un matin, en promenant les chiens, Artémis vit un arbre là où il n'aurait pas dû y en avoir.
Il se dressait à l'écart, dans un coin abrité à mi-côte. L'oeil naïf du simple passant y aurait vu sans doute un arbre comme les autres. L'oeil d'Artémis cependant était loin d'être naïf, et elle courait tous les jours dans ce secteur de Hampstead Heath. Cet arbre-là était nouveau : la veille encore, il ne s'y trouvait pas. Artémis reconnut en outre, au premier regard, une essence inédite, une variété d'eucalyptus complètement fantaisiste. Cet arbre-là n'aurait jamais dû exister, un point c'est tout.
Traînant les cabots derrière elle, Artémis approcha. Elle toucha l'écorce de l'arbre et le sentit respirer. Elle appliqua l'oreille au tronc et écouta les battements de son coeur. Enfin, elle regarda de tous les côtés. Tant mieux : l'heure était matinale, il n'y avait personne pour l'entendre. Déterminée à contenir sa colère - l'arbre, après tout, n'y était pour rien -, elle dit :
- Bonjour.
Silence. Au bout d'un bon moment, elle reprit :
- Bonjour.
- C'est à moi que vous parlez ? fit enfin l'arbre avec un léger accent australien.
- Oui. Je suis Artémis, annonça Artémis.
Si le nom disait quelque chose à l'arbre, il n'y parut pas. Artémis précisa :
- Déesse de la chasse et de la chasteté. C'est moi.
Il y eut à nouveau un silence, puis l'arbre se présenta :
- Moi, je m'appelle Kate. Je m'occupe de fusions-acquisitions chez Goldman Sachs.
- Savez-vous ce qui vous est arrivé, Kate ?
Le silence, pour le coup, n'en finissait plus. Artémis allait répéter la question lorsque l'arbre se fit entendre :
- Je crois bien que je me suis changée en arbre.
- C'est ça. Vous y êtes.
- Dieu merci. J'avais l'impression de devenir folle. L'arbre, cela dit, parut réfléchir un instant et ajouta :
- En fait, je crois que j'aimerais mieux être folle. Vous êtes sûre que je ne suis pas folle ?

Je t'aimerai toujours
La nuit comme le jour
Et tant que je vivrai
Tu seras mon bébé

Je m’appelle Marie. Et je suis seule.
Oh! je ne suis pas tout à fait seule. Comme la majorité des enfants, j’ai un papa et une maman. Mais je n’ai ni frère, ni sœur, ni copain, ni copine.

-Parlons sans couper les cheveux en quatre !
-Je ne veux plus qu'on me parle de cheveux !!!
-Puisque c'est comme ça... La barbe !..
-Non ! Ne pars pas !
-D'accord, mais ne me prends plus a rebrousse-poil !
-...
-Tout ceci est échevelé. Parle, nous t'écoutons !

-Nous allons torturer le druide ; il parlera !.. Tu parles ?
-Tu parles !!!

-Par tous les Dieux ! Que vous est-il arrivé ? Avez-vous été attaqués par une force supérieure en nombre ?...
-Supérieure en nombre...
-...on ne peut pas dire !!!
-Ils étaient un...
-...et pas bien gros avec ça !

Est-ce qu'on va me torturer encore longtemps ?.. Je n'ai pas que ça a faire, moi !

Il ne s'imagine pas a quel point je vais être loquace ! Je vais loquacer comme on n'a jamais loquacé !