Extraits

Il déglutit. La tentation se faisait chaque jour plus forte. Il n’aurait jamais dû y aller la première fois. Chaque fois qu’il en ressortait, il risquait de perdre son emploi. Il savait qu’il ne devait pas s’y rendre. Qu’il devait être plus fort que ça.

Par certains côtés, son travail n’avait pas beaucoup changé depuis l’Effondrement. Il s’occupait toujours des affaires de crimes et rendait la justice, même s’il savait que la police humaine aurait réprouvé ses méthodes alors qu’elles étaient traditionnelles

Lorsque les humains commencèrent à faire des expériences avec le collisionneur de hadrons, certains prédirent que des trous noirs avaleraient le monde, mais cela n’arriva jamais. En fait, durant les premières années, rien de notable ne survint. Rien qui aurait pu les préparer à ce qui allait se produire.

- Je peux te poser une question ?

Édra soupçonnait que c'était une question à laquelle il ne voulait pas répondre, sinon Jordan ne lui demanderait pas la permission.

- Vas-y.

- Mais tu n'es pas obligé de répondre.

- Je m'en doutais.

Jordan pourrait ne pas aimer la réponse.

- Quand j'étais à l'école, j'adorais lire des bouquins sur la mythologie. Jusqu'à quel point les mythes sont-ils vrais ? À quoi ressemblait ton monde ?

Édra ferma les yeux un moment. Ce n'était pas une question.

C'était l'histoire de toute une vie et rien de moins que la mémoire des Mythos. Comment pouvait-il lui expliquer que ce qui avait survécu ne représentait qu'une fraction des civilisations de Tariko, qui se recoupaient et coexistaient étroitement et de manière antagoniste, en dépendant à la fois des Mythos et de leurs dirigeants ? Comment lui expliquer que, pendant des siècles, les humains avaient dépouillé leur monde de ses trésors et ses richesses ? Comment pouvait-il décrire sa beauté et sa rudesse, le contrecoup de la perte qui le réveillait encore la nuit et le faisait souffrir ?

Il franchit la distance qui les séparait et leva la main. Il s'attendait à ce que Jordan se dérobe, mais il n'en fit rien. Il passa un doigt sous la bretelle de satin noir et la remit en place sous son T-shirt.

- On ne parle pas de ce genre de choses.