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Chapitre I
Six mois.
Six mois à rester cloîtrée dans la chambre de Gabriel sans bouger.
Allongée sur le clic-clac où je lui donnais son biberon, je contemplais son petit lit à barreaux vide. Mon cœur aussi était vide. Ma mère et mon fils étaient morts prématurément, percutés par un véhicule qui ne les avait pas vus en pleine nuit. Tout était de ma faute, j'avais appelé ma mère en la suppliant de mettre Gabriel à l'abri chez ma tante en attendant mon retour.
J'avais découvert la macabre mission qu'Arakel devait accomplir et il était hors de question qu'il supprime mon fils, même si celui-ci était un démon.
Sans mon intervention, ma mère et mon bébé seraient peut-être toujours en vie.
Il aurait eu huit mois aujourd'hui. Il tiendrait assis, marcherait peut-être à
quatre pattes et jouerait avec ses petites voitures. Je l'imaginais brun avec ses beaux yeux noirs, me regarder en rigolant aux éclats.
Enfermée dans mon mutisme, je rêvais du jour où je pourrais enfin le rejoindre, le serrer dans mes bras. J'avais essayé plusieurs fois de mettre fin à mes jours, me taillant les veines, absorbant des médicaments ou des cuillères entières de poussière de pierre de lune mais mon pouvoir d'auto- guérison réagissait bien trop vite. Le sang d'Arakel coulait maintenant dans mes veines, le sang le plus puissant qu'un Natif puisse posséder. J'étais condamnée à rester ici jusqu'à ce que la mort naturelle m'emporte.
Patrice (ou Ara en Sinaïen), mon père adoptif, venait me voir tous les jours dans ma chambre de jeune fille. Il restait avec moi de longues heures, me tenant la main en silence. Lui aussi souffrait de l'absence de ma mère mais comme tout bon Natif, il arrivait à contrôler sa peine et continuait à
vivre presque normalement. Moi je n'étais qu'une pseudo-Native, une erreur de la nature. Mon futur époux m'avait transformée ainsi pour éviter que je ne m'éteigne après un terrible accident de voiture le soir même où je fonçais pour rejoindre ma mère chez ma tante. J'aurais préféré la douce mort sur Sinaï à cette vie en enfer. Maintenant, il était trop tard, je ne pouvais plus redevenir humaine. Il fallait que je vive ainsi, me nourrissant de sang et d'énergie vitale. Ce que je ne faisais pas d'ailleurs, espérant ainsi abréger mes souffrances.
Afficher en entierLe Créateur se pencha vers moi, étonné par une telle révélation.
— Est-ce vous ?
J’avalai péniblement ma salive avant d’essayer d’articuler une phrase potable.
— Ça ne s’est pas passé tout à fait comme ça.
— Oui ou non ?
— Beuh… euh… je crois que oui.
— Mais vous faites toujours autant d’idioties ?
Mon tendre Judas ne put s’empêcher d’en rajouter.
— Vous n’imaginez même pas !
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