Extraits

En remontant l'allée de ma maison ce jour-là, je chantais. Je vous assure. Quand j'y songe aujourd'hui, ça me rend malade.

Où que se pose mon regard, l'absence de Matt était criante. Je ne prenais conscience que maintenant de la place qu'avaient prise ses affaires ; elles avaient fini par envahir notre maison - ma maison, devais-je me rappeler continuellement. Je suis restée allongée sur mon lit les yeux clos, mais, chaque fois que je les rouvrais, je remarquais un autre objet manquant : sa pendule, sa radio... Tout ce qu'il possédait.

Plus que tout, je me sentais humiliée. Mes joues me brûlaient ; pas à cause de l'injustice de son départ, même si j'avais du mal à l'accepter, mais parce que j'avais honte.

À quoi avait-il occupé son temps la semaine précédant son départ ? Ses journées ? Il n'avait rien changé à ses habitudes, même si, en y repensant, je ne me rappelais pas la dernière fois où je l'avais entendu chanter en se rasant. J'en avais simplement déduis que son travail le préoccupait. Il n'avait pas semblé particulièrement pressé de quitter la maison, mais il ne s'était pas arrangé non plus pour que je parte avant lui. Avait-il tourné dans le quartier avec sa voiture, attendant d'être sûr que je ne sois plus là pour revenir ? À deux reprises, cette semaine-là, il m'avait appelée sur ma ligne fixe au bureau pour discuter du programme de la soirée, ce qu'il faisait rarement. En fait, il avait simplement voulu vérifier que j'étais bien au travail ; mais, sur le moment, j'avais été sensible à cette charmante attention. Mon estomac s'est noué alors que je m'imaginais Matt à la maison, le jour du départ, en train de faire ses bagages comme un dément, allant presque jusqu'à effacer ses empreintes digitales pour ne laisser aucune trace derrière lui.

Au bout de quelques minutes, j'ai de nouveau regardé l'écran; dans mes contacts, j'ai vainement cherché Matt à la lettre M. Paniquée, j'ai remis ça avec S pour Stone, son nom de famille. Il n'était plus répertorié.