Extraits

— Je ne pleure pas.

— Non ?

— Non.

— Alors qu’est-ce c’est, si ce ne sont pas des larmes ? l’interrogea tendrement Bias en effleurant ses cils de l’index.

Leïos détourna instinctivement la tête.

— Ce sont des fragments d’amour qui s’échappent.

il en fallait davantage à Konstantinos pour être déstabilisé.

Alors que l’idée même le faisait vomir, il posa un genou à terre afin de faire preuve d’une humilité qu’il était très loin de ressentir.

— Votre Altesse… Votre majesté, les salua-t-il.

— Relevez-vous.

La voix avait claqué dans l’air aussi impitoyable que les lanières d’un fouet, mais le corps de Konstantinos y réagit avec ardeur. Des milliers de frissons lui hérissèrent la peau, et tout en effronterie, il plongea rapidement son regard dans celui qu’il devrait enlever d’ici quelques heures.

— Et vous, qui êtes-vous ? s’enquit froidement Leïos.

— Mon… mon esclave, Majesté, intervint Rinio.

Konstantinos se raidit, ouvrit la bouche mais n’eut pas le loisir d’étayer le mensonge du prince, car, après un bref hochement de tête en guise d’adieu, sa « Majesté » les dépassa, visiblement pressée.

— Si lui est un esclave, moi je suis Blanche-neige, l’entendit-il chuchoter à l’intention du grand blond près de lui. Konstantinos serra les poings de rage. Il haïssait tellement ces Atlantes !

— Esak. C’est un conseiller des plus efficaces. Je ne sais comment te remercier de l’avoir placé à mes côtés. Une vraie perle. Une sorte de Google capable de te verser une coupe de vin au miel. J’en suis fan.

— Donc, en vérité et quoique tu essaies de me faire croire, nous avons bien là une trahison, non ?

— Oui, confirma Bias à contrecœur. Il avait beau ne pas apprécier Nikos, cela n’enlevait en rien ses qualités de stratège et de soldat, tout en abondant dans la direction que prenaient les pensées de Leïos. C’était un dilemme pour lui.

Leïos hocha plusieurs fois d’affilée la tête pour ensuite percer d’un seul regard celui de Nikos, alors que ce dernier attendait calmement sa sentence, même si une certaine appréhension était perceptible dans ses yeux clairs.

— J’imagine que ce genre de trahison se punit de façon radicale…

Le mutisme des deux Atlantidéens face à lui fut une réponse plus éloquente que des mots prononcés à haute et intelligible voix.

— Mais nulle inquiétude, je vais vous sauver, cher Strategos. Si vous me jurez fidélité, dévotion, à moi et nul autre et respectez votre allégeance : je tairais votre trahison. Personne, sauf les hommes présents en cet instant, ne sauront un jour que vous avez faillis à votre premier serment. Vos petites indiscrétions se terminent ici, mon cher. Ah. J’oubliais. Désormais, outre celle de protéger l’île et Atlas, vous aurez une vocation supplémentaire, Strategos. Leïos les contempla tour à tour, pendant qu’une expression sereine et amène tirait ses traits exotiques.

— Vous devrez me garder en vie, au péril de la vôtre. Je veux que vous le promettiez sur votre sang. De nuit comme de jour, vous serez obsédé par le fait que je sois sain et sauf. Si je meurs, vous mourrez.

Le visage de Bias afficha un ébahissement non feint.

— As-tu… ce pouvoir ? s’enquit-il d’une voix éteinte.

La première réaction du descendant dé Delphis fut de s’approcher de lui puis d’un index taquin, effleurer brièvement son torse nu. — Je ne sais pas… à ton avis, j’aurai dit cela gratuitement ? Lier ma vie à un parfait inconnu qui me déteste sûrement, moi et tout ce que je représente… penses-tu que j’en ai le pouvoir, Bias ? Sur ce, il leva suffisamment la tête pour planter son regard dans le sien. Trop estomaqué par la montée crescendo de la puissance de Leïos, Bias ne répondit pas, mais il avait l’intime conviction que oui, le roi d’Atlas en avait maintenant le pouvoir : celui de vie ou de mort sur ses sujets, et ce, sans même les tuer. Leïos acquiesça, comme d’accord avec ses pensées.

Nikos s’agenouilla, son glaive à plat dans l’une de ses mains, la tête humblement courbée.

Á l’aide de sa lame, il se coupa la paume et fit verser quelques gouttes de sang sur la terre d’Atlas. Cette dernière en un clignement de paupières, l’absorba entièrement sans en laisser une trace. Magie qui laissa Nikos pantois.

— Par mon sang, je jure fidélité, loyauté et dévotion à Atlas, ainsi qu’à mon seigneur et maître, sa Majesté Leïos dé Delphis, Roi des rois. Que ma vie dépende de la sienne, si je faillis à mon devoir de le protéger, ou de protéger le royaume, il ne me restera que la mort pour dignité.

Nikos avait prononcé son allégeance d’un timbre vibrant qui dévoilait ô combien il mettait une ferveur sincère dans ces mots.

Cela satisfit Leïos qui s’avança jusqu’à saisir son visage en coupe afin de l’obliger à le lever vers le sien.

Là, sous le regard attentif de Bias, il pressa ses lèvres sur celle du Strategos pour un chaste baiser cérémonial afin de sceller leur alliance.

Nikos avait l’habitude de ce genre de conclusions solennelles, ce qui ne l’empêcha nullement d’être troublé et quelque peu subjugué par sa Majesté.

— Si tu m’oublies, je meurs. Si tu cesses de me désirer, je meurs. Si je ne te touche pas, je meurs.

— Il a la prestance d’un roi, souffla Evae.

— Non.

En entendant cette réponse, elle se tourna vers sa mère, étonnée. Kléio, après une dernière œillade en direction du couple royal d’Atlas, exécuta un demi-tour sur elle-même.

— Il a la prestance d’un Dieu, acheva la reine

— Pataquès ?

— Oui, « Pataquès ». Cela signifie faire toute une histoire de pas grand-chose.

— Tes sentiments pour moi sont un « pataquès » ?