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Sara-Jane, impatiente, ne put s’empêcher de taper du pied. Juan Ortega était le dernier petit ami en date de Nell. À l’entendre, c’était « le grand amour de sa vie ». Cette fois, sa cousine en était certaine. Avec une ironie qu’elle se reprochait, Sara-Jane avait compté que c’était le troisième « homme de sa vie » que Nell lui présentait en deux ans.
Le jeune Mexicain fréquentait la même université qu’elles à Philadelphie, mais il était inscrit aux cours de sciences politiques alors que Nell suivait un cursus en management et que Sara-Jane se consacrait à l’histoire de l’art. Il venait d’une famille très aisée, et s’il était plutôt beau garçon, dans le style latino – « chevelure d’ébène d’une douceur de soie et des yeux couleur obsidienne », comme le clamait Nell avec un lyrisme excessif –, bien élevé et cultivé, Sara-Jane ne l’aimait pas trop, sans vraiment savoir pourquoi.
Afficher en entierSara-Jane se cacha les yeux dans un geste mélodramatique. Aux dernières vacances, sa mère avait surgi en plein milieu de son stage équestre dans le Montana, sous prétexte qu’elle n’avait pas répondu à ses appels de la matinée. Il ne lui était pas venu à l’esprit que, dans les montagnes, sa fille était tout simplement hors réseau. Pire : Anabeth Delaney n’était pas arrivée en voiture comme une maman normale, mais en hélicoptère, avec quatre hommes d’escorte armés ! La jeune fille avait éprouvé la honte de sa vie face aux autres membres du groupe. Elle n’avait même pas osé rester pour terminer la semaine avec Nell et était rentrée directement à la maison. Ce jour-là, elle s’était mise en colère. Elle avait pleuré, crié et n’avait plus adressé la parole à sa mère pendant presque un mois.
Afficher en entierEn revanche, la mère de Nell, Susan, avait été très amusée à l’idée de mener en bateau cette belle-sœur un peu trop moralisatrice avec qui elle ne s’était jamais très bien entendue.
— D’un autre côté, vous auriez dû lui en parler, dit soudain sa cousine après s’être attachée. Tante Anabeth aurait peut-être compris qu’elle doit te lâcher les basques ! Nous avons dix-huit ans, presque dix-neuf, zut ! Enfin, c’est fait. Nous y sommes. Regarde, on part.
La porte de l’avion venait d’être fermée, et le personnel entamait le protocole de sécurité pour le décollage. Quelques minutes plus tard, l’appareil prit de la vitesse, et les roues quittèrent le tarmac gelé de l’aéroport de Philadelphie. Sara-Jane se dit que sa mère pourrait découvrir le pot aux roses et piquer une crise : plus personne ne pourrait les arrêter maintenant.
Afficher en entierDans un éclat de rire, les deux jeunes filles se laissèrent tomber sur leurs sièges. Elles avaient remonté la passerelle en courant et en chahutant, ce qu’elles n’auraient jamais osé faire en présence de leurs parents. Elles avaient eu l’air de deux folles !
À les voir si semblables, si complices, on aurait pu les prendre pour des sœurs. Luxueusement vêtues, elles se ressemblaient étonnamment pour des cousines, avaient la même taille, les yeux clairs et cette allure typique des américaines issues des familles riches des grandes villes de l’Est, aux dents blanches et parfaitement alignées – grâce à un coûteux traitement orthodontique. Si Nell avait les cheveux foncés, coupés au carré, Sara-Jane était une véritable blonde, comme l’étaient ses ancêtres, ces nobles anglais dont sa mère était si fière. Sa chevelure lisse, épaisse et longue lui attirait de nombreux compliments.
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Juste après l’atterrissage, Sara sentit son ange se faufiler derrière elle. Personne d’autre ne l’entendit chuchoter :
— Si tu as besoin de moi… pour n’importe quelle raison.
La jeune femme attendit d’être seule pour plonger la main dans la poche arrière de son jean. Elle en sortit le papier qu’il y avait glissé, plié en quatre.
Pas de nom. Pas de numéro de téléphone. Juste une adresse mail.
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