Extraits

Le désespoir menaçait de m’emporter, mais je me battais, m’accrochant à une unique pensée. Shay m’aime. Il risquerait tout pour me retrouver et me libérer. Parce que c’est ça, l’amour, non ? C’est sûrement ça.

J’avais tout risqué pour sauver Shay. Laissant se calmer mes membres tremblants, je fermai les yeux et je vis son visage. Je me rappelai la liberté que j’avais ressentie dans ses bras, la possibilité d’une vie différente de tout ce que j’avais imaginé. Je me demandai si ma capture avait mis fin à ce rêve… s’il avait jamais eu la moindre chance de se réaliser.

Les larmes sont finalement venues. Heureusement que j’étais seule. Au moins, personne ne verrait dégouliner ma honte, rapide et brûlante, sur mes joues. Les gouttes ont touché mes lèvres. Elles étaient amères et piquantes, comme les choix que j’avais faits, tous les virages que j’avais pris pour arriver ici – cet endroit si peu familier que j’avais l’impression d’avoir atteint la fin de tout.

Je détournai les yeux, me sentant ridicule de ressentir une telle jalousie à chaque fois que je les voyais ensemble. Ils se sont trouvés et ils sont heureux. Peu importe si j’ai rencontré le bonheur et si je dois le laisser derrière moi.

Avant Shay, je n’avais jamais ri comme ça, aussi libre et légère, mon corps secoué de joie plutôt que de colère. Mais alors même que je laissais le rire m’emporter, je me demandai si l’union signifiait qu’il ne serait bientôt plus là et qu’avec lui disparaîtrait à jamais toute chance de ressentir ça à nouveau.

J’essayai de lui montrer les crocs, mais cette tentative se solda par un sourire. Viens, Mowgli. Allons tuer Bambi.

Un rire hautain résonna dans mon esprit. Tu te rends compte que tu mélanges les personnages Disney, n’est-ce pas ? Des personnages Disney. Vraiment, Calla, tu me fais de la peine.

– Ne pleure pas, Calla, murmura-t-il en essuyant mes larmes. Tu n’es pas obligée de faire ça. Je me fiche de ces Gardiens. Personne ne peut contrôler ta vie à ce point. C’est dingue.

Je l’ai foudroyé du regard, lui montrant mes canines acérées.

– Écoute-moi, Shay. Tu es un imbécile. Tu ne sais rien. Tu ne comprends rien. Ne t’approche plus de moi.

– Calla !

Il tendit la main, ne reculant qu’en me voyant changer de forme et essayer de lui mordre les doigts. Il criait encore mon nom lorsque je me suis enfuie parmi les ombres de la forêt.

– Shay, s’il te plaît, écoute-moi. Le pouvoir de guérison des Protecteurs est sacré pour nous. Nous devons seulement nous guérir mutuellement. Ce que j’ai fait… Quand je t’ai sauvé, j’ai violé nos lois. Ça pourrait me coûter la vie si quelqu’un de mon monde l’apprenait. Tu comprends ?

– Tu as risqué ta vie pour me sauver ?

Il a fait un pas vers moi. Le sang battait à mes oreilles.

Puis, il a pris mon visage entre ses mains, s’approchant jusqu’à ce que ses lèvres touchent presque les miennes. J’ai frémi. Alors que je le regardais dans les yeux, sentant son souffle chaud sur ma peau, j’ai su que je recommencerais s’il le fallait, quel qu’en soit le prix.

– Je n’ai jamais voulu te mettre en danger, Calla, souffla-t-il. Jamais.

Voyant dix paires d’yeux de Protecteurs fixées sur lui, Shay s’est mis à trembler. Il a parcouru la salle du regard en cherchant à repérer ses partenaires de chimie organique et s’est précipité à leur table en me lançant un dernier regard plein de regret.

Un rire sombre sortit de la gorge de Ren.

– Il faut croire que tu as raison, Lily. Voici une illustration de la courbe d’apprentissage.

Je souris faiblement tout en froissant mon sac en papier, trop consciente de la déception qui me tiraillait depuis que Shay venait de s’éloigner.

J’ai tenté le sort et maintenant il me pourchasse. J’aurais dû laisser l’ours le tuer. Mais à la seule idée qu’il puisse être blessé, je n’arrivais plus à respirer.