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Extrait

Extrait ajouté par pebram 2022-05-18T09:56:04+02:00

PROLOGUE.

Trente-cinq ans plus tôt, Athènes, salle Mycènes, dans le sous-sol du palais.

L'empereur Sthénélos, désigné comme le général des armées en chef, restait impassible devant le mur d’écrans représentant la carte du monde. Toutes les secondes, de nouveaux éléments s’affichaient, re-présentant des départs de tirs provenant des quatre coins de la planète. Son aide de camp se tourna vers lui et l'implora :

— Impact dans vingt-deux minutes, mon général. Il vous faut vous rendre dès maintenant à l’abri antiatomique, je vous en conjure. C’est la seule issue possible si vous voulez survivre.

Le système des alliances avait parfaitement fonctionné, contraire-ment à celui de la dissuasion nucléaire. Le chaos était imminent, l'hu-manité proche de l'extinction.

— Combien de missiles nous ciblent pour l’instant ? demanda l'empereur.

— Quatre, mon général.

— Conséquences probables ?

Le militaire déglutit, avant d'annoncer fermement :

— D’après nos estimations, mon général, celui qui vise Athènes ferait plus de 100 mégatonnes. Tout ce qui sera dans un rayon de 10 kilomètres autour de la cité sera instantanément détruit dès l'impact. Le souffle irradiera ceux qui seront jusqu'à 80 kilomètres aux alentours. Les trois autres missiles ciblant les plus grosses mégalopoles seront légèrement moins puissants... mais dévastateurs malgré tout.

— Quelles sont les chances de survivre, pour ceux qui ne seront pas dans un abri ?

— Relativement faibles, mon général. Les radiations qui se dis-perseront à travers le pays tueront ceux qui auront survécu aux impacts. Et ceux qui s'adapteront mourront tôt ou tard de faim ou de soif.

— C'est-à-dire ?

— Eh bien... d'après nos simulations, mon général, le risque d'un hiver nucléaire pouvant durer plusieurs années est de plus de 98 %.

Sthénélos hocha la tête. Derrière lui, sa femme Nicippée regardait impuissante le macabre spectacle de la fin du monde qui se dessinait sur le mur d'écrans. Comme pour rassurer l’enfant qu’elle attendait, elle caressait son ventre, inlassablement.

— Tout ça à cause d’une putain d’histoire de règlement de comptes de cette ordure d’Amphytrion… maugréa Stélhénos. Quelle idée a eu ma nièce de l’épouser… Si mon défunt frère Electryon peut nous voir, de là où il est, il doit être bien triste.

Une dizaine de militaires, équipés de casques et d’oreillettes, par-lait bruyamment autour de lui tout en tapotant sur des claviers d’ordinateurs, donnant des ordres et en transférant certains. Le nombre d’impacts déclarés ne cessait de se rajouter sur la carte du monde. Tout à coup, l’un d’entre eux se leva et annonça :

— Mon général, plusieurs ennemis ont lancé des missiles hors de la stratosphère, soufflant tous les satellites, les nôtres mais aussi les leurs. Les communications seront désormais en mode dégradé.

— Impact dans vingt-deux minutes, résonna une voix féminine vi-siblement peu sensibilisée à l’horreur de la situation dans le haut-parleur principal de la pièce.

— Sthénélos, il faut vraiment que vous rejoigniez l’abri antiato-mique, reprit l'aide de camp. Il n’y a plus rien à faire maintenant pour le pays. Mais de votre côté, vous devez impérativement vous mettre à l'abri, vous ainsi que votre descendance…

Il hocha la tête et soupira en mettant sa veste.

— Bien. Déclenchez l’opération Arès.

— À vos ordres, mon général. À tous, tenez-vous prêts à déployer tous les missiles nucléaires en réserve sur nos assaillants.

— Ils nous réduiront peut-être à néant, mais ils devront assumer la conséquence de leurs actes, maugréa-t-il.

— Bien, mon général. Ce sera fait, lui répondit-il en le saluant.

— Bonne chance, lui dit-il avant de lui serrer la main.

Il prit l’ascenseur qui l'amena au toit de l’immeuble, suivi par sa femme et encadré par deux gardes du corps. Un militaire descendit de l’hélicoptère de type Chinook qui les attendait, pour les aider à monter. Une fois dans les airs, ils filèrent vers l’abri antiatomique numéro 12, à quelques kilomètres dans les montagnes de Koutalas. En survolant sa capitale qu’il admirait pour la dernière fois dans toute sa splendeur, Sthénélos attrapa la main de son épouse et la serra. Il comprit en voyant son visage se décomposer que quelque chose n'allait pas.

— Qu'y a-t-il ?

Elle toucha son ventre avant de laisser s'échapper le cri qu’elle gardait au plus profond d’elle depuis de longues minutes. Elle essuya son entrejambe, et constata en sanglotant :

— Je suis en train de perdre les eaux... Le bébé… Je crois qu’il ar-rive…

— Mais ce n’est pas possible ! Il ne doit pas naître avant encore au moins deux mois !

— Ah ! hurla-t-elle. Je te promets que… ce ne sont pas de banales contractions…

L'empereur observa sa femme, dépité. Il tenta de la rassurer :

— Tiens bon. Une équipe médicale te prendra en charge une fois dans l’abri. Vous avez entendu, vous ? ordonna-t-il dans le micro de son casque. Transmettez les ordres !

Le militaire aux commandes confirma d'un signe de la main. Elle répondit à son mari par un léger sourire forcé, avant de se remettre à hurler de toute son âme en se tordant de douleur pour contenir une nouvelle contraction.

À un peu moins d’une centaine de kilomètres au nord, dans l’abri numéro 10 de la ville de Thèbes, le petit millier de privilégiés autorisés se pressait devant le tunnel d'accès principal, tentant de ne pas pa-niquer malgré l’alarme stridente qui retentissait.

— Impact dans huit minutes.

— Allez, on se dépêche ! Vérifiez que vos formulaires sont bien remplis ! hurla un humanoïde militaire de type B23.

— Le sas commencera à se fermer dans cinq minutes. Une fois le décompte final commencé, si des forcenés essaient de rentrer, abattez-les, lui ordonna un supérieur.

— Reçu, répondit-il.

Alcmène, qui venait de pénétrer dans les lieux après une intermi-nable attente, se jeta dans les bras du responsable de l'abri, le sénateur Créon. Elle le serra longuement avant de l’embrasser.

— Merci, mon oncle, sans toi… je ne sais pas ce qu’on serait de-venus.

Il lui sourit en retour et toucha son ventre arrondi.

— Eh bien, ils sont combien là-dedans ?

— Il y a deux garçons : Alcide et Iphiclès. Et j’espère qu’ils pour-ront un jour connaître autre chose que cet abri.

— C’est tout ce que je leur souhaite.

Le sénateur leva les yeux et vit le mari de sa nièce, le visage caché sous une capuche, qu’il ôta pour lui faire face. Il lui serra la main fer-mement.

— Amphytrion…

— Merci, Créon, pour ton aide, répondit-il.

— Je le fais avant tout pour Alcmède. Il est trop tard pour revenir sur ce coup d’État qui t’a valu ta place et le beau merdier dans lequel tu nous as mis. Je suppose que vu la situation actuelle, on ne saura probablement jamais comment notre bon Electryon est mort.

— Contrairement aux rumeurs, je peux te jurer que ce n'est pas moi. C'est une longue histoire, et...

— N'en parlons plus. Mais je t'en conjure, tiens-toi à carreau. Un régicide, ça peut vite semer le trouble, surtout dans un huis clos comme celui-ci où tout va rapidement devenir électrique. Mon rôle est de faire en sorte d'éviter ça, et je joue ma peau à te protéger de la sorte.

— Tout ira bien, je te le promets.

— N'oublie pas que tu as une nouvelle identité ici. Si l’actuel em-pereur apprenait que tu es là…

— Il n’en saura rien. Fais-moi confiance.

— Bien. Les humanoïdes vous indiqueront vos quartiers, dit-il avant de les abandonner, vivement attendu par d’autres militaires afin de finaliser la bonne organisation des lieux.

Accompagné par le décompte dans les haut-parleurs annonçant la fermeture de la porte d'accès, Amphytrion, suivi de sa femme, fut con-duit jusqu'à leur habitation, qui offrait un point de vue légèrement su-rélevé sur l'abri. Une fois leurs affaires posées, ils observèrent l'im-mensité du bâtiment, afin de prendre les marques de leur prochaine demeure pour un temps incertain. Il caressa le ventre de sa moitié en esquissant un sourire. Le couloir principal provenant du sas d'entrée ne désemplissait pas et amplifiait les cris des enfants, les pleurs des bébés. On pouvait deviner sur les visages fermés des adultes l’appréhension de la situation.

— Dire que tout est ma faute... soupira Amphytrion.

— Pas seulement la tienne, répondit Alcmène.

Quelques mois plus tôt, pour que sa femme s’offre à lui après son mariage, elle lui avait fait jurer qu’il devrait tôt ou tard la venger de l'assassinat de ses frères. Il s’était exécuté, et pour preuve, il lui avait rapporté la tête des bourreaux à l'origine de ces crimes. Sa dulcinée avait tenu sa promesse et lui avait donné son corps en retour durant une nuit qui lui avait semblé interminable. Elle en portait les fruits.

— Pourvu que personne n'apprenne que tu es là, et que nous sommes probablement à l'origine de ce conflit, dit-elle en caressant son ventre arrondi.

D'importants patriarches de familles ancestrales avaient été assas-sinés, et rapidement, la situation s'était envenimée. Suite à de nom-breux rebondissements, Electryon, le précédent empereur, avait péri. Amphytrion fut directement accusé d’être le coupable principal. Il parvint à s'échapper le jour de son procès. Sa tête mise à prix à travers le monde, il avait dû fuir la capitale avec sa femme. Se faisant passer pour des clandestins, ils avaient réussi à arriver jusqu'à Thèbes, où un intermédiaire de l’oncle d’Alcmède les avait cachés, en attendant que les choses se tassent. Malheureusement, la situation mondiale était trop tendue depuis quelques années, il ne manquait qu'une étincelle pour qu'une guerre atomique n'éclate. Malgré les pourparlers de ce qui était devenu bien plus qu'un simple règlement de comptes, une des familles endeuillées à la tête d'un pays avait décidé de se venger. Ils avaient été les premiers à déclencher le feu nucléaire. La sixième grande extinction venait de débuter.

— Impact dans trois minutes, annonça le haut-parleur.

Amphytrion entendit les mitraillettes résonner aux abords du sas d’entrée, situé au bout d’un long couloir. Quelques instants plus tard, la porte principale suivie des auxiliaires se referma. Le temps sembla se disloquer. Il n’y avait plus qu’à espérer que cet abri, creusé au plus profond des montagnes, les protège suffisamment de la puissance et de la folie de l’être humain. Terrés comme des lapins, ils attendaient, le pied ferme mais les mains tremblantes, que la fin du monde tel qu'ils l'avaient toujours connu ait lieu.

— Impact dans trente secondes.

— Accroche-toi, ma chérie.

Des lumières rouges s'allumèrent, et une sonnerie stridente reten-tit.

— Couchez-vous ! hurla soudain un militaire.

Amphytrion aida sa femme à s'allonger et se blottit contre elle en lui serrant la main. Elle se mit à pleurer.

— J'ai peur...

— Tout ira bien, ma chérie, j'en suis sûr.

Malgré les cris, tout le monde s’exécuta. Au silence de mort suc-céda à l'ultime annonce :

— Impact dans 5, 4, 3, 2, 1… Impact.

La structure souterraine fut secouée comme si elle avait été ébran-lée par un tremblement de terre durant d'interminables secondes. La luminosité générale du site vacilla. À l'extérieur du site, des milliers d'âmes venaient de se retrouver carbonisées. Un champignon atomique de plusieurs kilomètres de haut se dressa jusqu'au ciel, et contempla paisiblement les radiations invisibles et tueuses qui se chargeraient de décimer les survivants aux alentours.

Les vibrations cessèrent petit à petit, jusqu'à s'arrêter totalement. Amphytrion murmura à sa femme :

— Ça y est, c’est fini.

Quelques instants plus tard, dans l’abri numéro 12 des montagnes de Koutalas, la femme de l'empereur accouchait.

— Allez, poussez encore une fois ! Plus fort !

Nicippée hurla et, tout en tenant la main de son mari, elle donna tout ce qu’il lui restait en elle, en espérant que ce serait la dernière fois.

— Je le vois, il arrive, annonça la sage-femme.

L'empereur se figea en observant le corps sortant de son épouse, violacé, minuscule.

— Pourquoi il n'y a aucun cri ? Pourquoi je ne l'entends pas pleu-rer ? s'inquiéta immédiatement Nicippée.

Le médecin s’empressa de couper le cordon ombilical entourant le cou du nouveau-né et ordonna à voix basse à ses collègues de préparer le respirateur artificiel pour les grands prématurés. Une sage-femme récupéra le nourrisson et l'enveloppa dans un linge, avant de disparaître avec.

— Mon bébé, comment va mon bébé ? Pourquoi l’a-t-elle emme-né ? hurla Nicippée.

Le médecin murmura quelque chose à une infirmière, qui alla im-médiatement chercher une seringue et se positionna derrière Nicippée.

— On va s’occuper de lui, annonça-t-il d'une voix tremblante. Vous savez, il est né avec beaucoup d’avance, et il va sans doute avoir besoin d’un peu d’aide dans les premiers temps, mais… ça va bien se passer, ne vous inquiétez pas.

— Laissez-moi ! Laissez-moi voir mon bébé !

Il fit un signe et l'infirmière injecta un produit, endormant instan-tanément Nicippée. Il se retourna alors vers le père et lui demanda :

— Je suis désolé, je n'avais pas le choix. Elle sera plus calme à son réveil.

— Je comprends, soupira l'empereur.

— L'enfant... Il est né avec beaucoup d’avance. Je ne sais pas si… Enfin, vous avez déjà songé à un nom pour ce garçon ? demanda le médecin.

— Oui. Mon futur successeur sur le trône, fils de Sthénélos, petit-fils du grand général Persée, s’appellera Eurysthée. Et ce sera un grand empereur.

— Bien.

— Et il vivra, j’en suis certain. Il en va désormais de votre survie dans cet abri.

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