Commentaires de livres faits par Noumie
Extraits de livres par Noumie
Commentaires de livres appréciés par Noumie
Extraits de livres appréciés par Noumie
Elle revoit à présent la table telle que la veille, alors qu'elle est la dernière à s'en aller après avoir étouffé la lampe ; elle goûte la quiétude de la salle encore tiède où une famille heureuse a pris plus tôt son dîner ; elle s'attarde sur les recoins obscurs que la faible éclairage pare de quelques perles de lumières ; et son regard revient à la table où il n'y a plus qu'un verre d'eau à côté d'une cafetière et de trois gousses d'ail oubliées. Alors elle comprend que Maria, qui traverse parfois le foyer aux heures sombres du sommeil, est venue dans la nuit et a changé les gousses de places -quelques centimètres- et le verre d'eau aussi -quelques millimètres plutôt- et que cette translation infime de cinq éléments triviaux a entièrement changé l'espace et, d'une table de cuisine, engendré une peinture vivante.
Celui qui veut s'y prendre comme il convient, doit, dès son jeune âge, commencer par rechercher les beaux corps. D'abord, s'il est bien dirigé, il doit n'en aimer qu'un seul, et là concevoir et enfanter de beaux discours.
Ensuite il doit reconnaître que la beauté qui réside dans un corps est sœur de la beauté qui réside dans les autres. Et s'il est juste de rechercher ce qui est beau en général, notre homme serait bien peu sensé de ne point envisager la beauté de tous les corps comme une seule et même chose.
Une fois pénétré de cette pensée, il doit faire profession d'aimer tous les beaux corps, et dépouiller toute passion exclusive, qu'il doit dédaigner et regarder comme une petitesse.
Après cela, il doit considérer la beauté de l'âme comme bien plus relevée que celle du corps, de sorte qu'une âme belle, d'ailleurs accompagnée de peu d'agréments extérieurs, suffise pour attirer son amour et ses soins, et pour qu'il se plaise à y enfanter les discours qui sont le plus propres à rendre la jeunesse meilleure.
Par là il sera amené à considérer le beau dans les actions des hommes et dans les lois, et à voir que la beauté morale est partout de la même nature; alors il apprendra à regarder la beauté physique comme peu de chose.
De la sphère de l'action il devra passer à celle de l'intelligence et contempler la beauté des sciences; ainsi arrivé à une vue plus étendue de la beauté, libre de l'esclavage et des étroites pensées du servile amant de la beauté de tel jeune garçon ou de tel homme ou de telle action particulière, lancé sur l'océan de la beauté, et tout entier à ce spectacle, il enfante avec une inépuisable fécondité les pensées et les discours les plus magnifiques et les plus sublimes de la philosophie ; jusqu'à ce que, grandi et affermi dans ces régions supérieures, il n'aperçoive plus qu'une science, celle du beau dont il me reste a parler.