Extraits

Et ce pauvre jeune homme se cachait les yeux avec la paume de sa main, et de nombreuses fois, par la suite, dans sa vie, il frissonna, voyant toute l'inhumanité qu'il y avait dans l'être humain, toute la grossièreté cruelle qui pouvait se cacher derrière le raffinement de l'éducation et la mondanité et; Dieu! même chez un homme dont le monde proclame la noblesse et l'honnêteté...

(Nouvelle: Le manteau)

La police reçut l’ordre de se saisir du fantôme mort ou vif, et de lui infliger une sévère correction qui pût servir d’exemple aux autres.

Comme il rêvait sans cesse à son futur manteau, cette rêverie lui fut une nourriture suffisante, encore qu’immatérielle. Bien plus : son existence elle même prit de l’importance ; on devinait à ses côtés comme la présence d’un autre être.

Alors, le malheureux jeune homme se voilait la face, et plus d’une fois u cours de son existence, il frissonna en voyant combien l’homme recèle d’inhumanité, en constatant quelle grossière férocité se cache sous les manières polies, même, ô mon Dieu, chez ceux que le monde tient pour d’honnêtes gens...

Sa raison se troubla : hébété, sans but, ne voyant rien, n’entendant rien, ne sentant rien, il erra toute la journée. Nul ne put savoir s’il avait ou non passé la nuit quelque part ; le lendemain seulement une sorte d’instinct machinal le ramena à son logement, blême, l’air hagard, les cheveux en désordre, le visage marqué des signes de la folie.

Les songes finirent par être toute sa vie, et dès lors toute sa vie prit un tour étrange : on peut dire qu’il dormait éveillé et qu’il veillait en rêve.

Fuyez, pour Dieu, fuyez au loin le réverbère ! Et vite, aussi vite que vous pouvez, passez au large. Heureux encore si vous vous en tirez avec une coulée de son huile puante sur votre élégant manteau. Mais outre le réverbère tout respire l’imposture. Elle ment à longueur de temps, cette Perspective Nevski, mais surtout lorsque la nuit s’étale sur elle en masse compacte et accuse la blancheur ou le jaune pâle des façades, quand toute la ville devient éclair et tonnerre, quand des myriades d’attelages débouchent des ponts, quand les postillons hurlent sur leurs chevaux lancés au galop, quand le démon lui-même allume les lampes uniquement pour faire voir les choses autres qu’elles ne sont.

Oh, ne vous y fiez pas, à cette Perspective Nevski ! Je m'enroule toujours dans ma cape quand il m'arrive de l'emprunter, et j'essaie de ne pas regarder du tout les objets que j'y rencontre.

Comme le destin se joue de nous d’une façon étrange, mystérieuse ! Obtenons-nous un jour ce que nous désirons ? Atteignons-nous un jour ce vers quoi, semblait-il, nous avions bandé toutes nos forces ? Tout se passe à rebours.

Mon dieu, ce que c’est que notre vie ! une discorde perpétuelle entre le songe et la réalité !