Extraits

Gabe ne répondit pas immédiatement, étudiant plutôt le jeune homme. Il était sûr qu’il découvrirait que son histoire était plus compliquée que cela s’il venait à l’engager. Pas qu’il ait vraiment le choix. Les jeunes du coin avaient tous trouvé des jobs qui payaient mieux sur les plus grandes exploitations, et il n’y avait pas beaucoup d’étrangers qui venaient en ville. S’il ne prenait pas ce type, il devrait faire tout le travail seul cette saison, ce qu’il peinait déjà à faire jusqu’à présent.

— Qu’est-ce que tu sais faire ? demanda-t-il bien qu’il ait déjà pris sa décision.

Même si le gamin ne pouvait qu’à peine s’occuper des chevaux les plus jeunes, il aurait une paire de mains supplémentaire pour tout le travail manuel.

— À peu près tout ce dont un cheval a besoin, répondit le beau jeune homme aux yeux bruns. Brosser les bêtes, remplir l’abreuvoir, nettoyer l’écurie, leur faire faire de l’exercice, leur apprendre à accepter la selle et la bride, les dresser… J’ai déjà fait un peu de tout.

Bien que Gabe ait l’impression d’avoir atterri au paradis des chevaux, il savait qu’il devait y avoir anguille sous roche. Si ce gamin était aussi doué qu’il le prétendait, pourquoi ne travaillait-il pas sur un des plus grands ranchs, où il se ferait bien plus d’argent que ce que Gabe pouvait lui offrir ? Il n’allait toutefois pas insister plus. Sans aide, il risquait de perdre son ranch.

— Ça fera l’affaire, déclara-t-il. Je ne peux pas te payer tout de suite. Dès que les chevaux seront vendus, je te donnerai une belle somme. Pour l’instant, ce sera juste le gîte et le couvert.

— C’est ce que disait l’annonce au bureau de poste, répondit le jeune homme d’un air résigné.

— Je m’appelle Gabe Sutton et je suis le propriétaire, se présenta-t-il, se retenant d’ajouter « pour l’instant ».

— Flynn Tomlinson, répondit le jeune homme en avançant de quelques pas pour lui serrer la main. Je travaille ici.

Le sourire qui accompagna cette dernière phrase alla droit à l’entrejambe de Gabe. Toute idée de travailler proche de Flynn pour garder un œil sur lui s’envola : il savait qu’il serait bien trop distrait pour accomplir quoi que ce soit s’il devait regarder ce jeune homme toute la journée. Il avait admiré son joli petit fessier un peu plus tôt ainsi que ses longues jambes et le dos mince qu’il devinait sous la veste en daim et la chemise en jean, mais lorsqu’il s’était retourné Gabe avait dû retenir un sifflement d’admiration. Il secoua la tête, chassant ses pensées. Ils avaient du travail à faire.

— Allons manger, ensuite je te ferai faire le tour et on se mettra au boulot.

Lorsque Gabe remarqua Flynn derrière la porte, il saisit une serviette et la laissa tomber sur son pied. Il ne voulait pas que Flynn le voie. Il espérait que son geste n’avait pas l’air trop délibéré, aussi tendit-il la main pour prendre les vêtements secs que Flynn lui avait amenés.

— Merci. Il commence à faire froid ici. Tu pourrais m’amener une autre serviette, s’il te plaît ? Elles sont dans le placard du hall d’entrée.

Gabe devait faire sortir Flynn de la pièce. L’attention et l’inquiétude affichées sur le visage du gamin étaient trop pour lui à cet instant, surtout après ce qu’il s’était passé dans l’écurie. Gabe retira la serviette de son pied et commença à nettoyer la blessure. Elle lui faisait toujours mal après tout ce temps et courir vers le corral un peu plus tôt en ignorant complètement l’élancement dans sa jambe n’avait pas aidé. La douleur l’aidait toutefois à ne pas penser à ce qui s’était passé ensuite. La dernière chose dont il avait besoin était une nouvelle érection rien qu’en repensant à l’enthousiasme avec lequel Flynn l’avait laissé se servir de lui. Bordel, il en avait eu vraiment besoin. Sa main s’était montrée totalement insuffisante depuis qu’il avait embrassé Flynn et depuis ce premier baiser il n’arrêtait pas de se demander ce que ça ferait de se faire pénétrer par lui.

Gabe ferma les yeux et prit une profonde inspiration au moment même où Flynn rentrait à nouveau dans la salle de bain. Surpris, Gabe attrapa la serviette qui traînait et la plaça devant son entrejambe. Tout espoir d’avoir été assez rapide disparu devant l’expression de Flynn, qui semblait à la fois surpris et mal à l’aise. Pendant un instant il lui sembla que Flynn allait dire quelque chose, mais il n’en fit rien, au grand soulagement de Gabe. La situation était déjà bien assez embarrassante comme ça.

— “Faire nuages et pluie” est un euphémisme chinois pour le sexe. “Celle qui amène nuages et pluie” est une femme de la nuit, une prostituée, expliqua Flynn. Les nuages sont censés être le mélange de ce qui est mâle et ce qui est femelle, le ciel et la terre. Et la pluie représente le point culminant de leur union. Ça vient d’un vieux mythe de la création chinois dans lequel le ciel, le Grand Père, et la terre, la Grande Mère, sont un couple conjugal sans cesse en train de faire l’amour. 

— La vérité, c’est que j’ai besoin de toi. Je ne peux plus gérer ce ranch tout seul. 

C’était étrange de prononcer ces mots à haute voix, et bien qu’ils soient vrais ils n’en restaient pas moins difficiles à entendre.

— Je resterai, répondit doucement Flynn, sans le regarder. Si tu as besoin de moi, je resterai. Maintenant, on a du travail qui nous attend. 

Sur ces mots, Flynn sortit de la cuisine. Gabe le regarda se diriger à grands pas vers l’écurie. Inutile de lui courir après. Sachant que Flynn avait horreur d’une cuisine mal rangée, Gabe nettoya son assiette et ses couverts avant de sortir à son tour. 

Gabe se força à arrêter de remuer nerveusement.

Bon Dieu, on aurait dit qu'il était sur le point de perdre à nouveau sa virginité.

Mais bon, il n'avait pas l'habitude d'attendre que son amant remonte pour venir se coucher à côté de lui. Il pouvait se forcer à rester immobile, mais il ne pouvait pas empêcher son cœur de battre à mille à l'heure.

Flynn mit une éternité à revenir. Gabe se demanda si le jeune homme n'avait pas changé d'avis et n'attendait pas patiemment à la cuisine que Gabe s'endorme. Non, il ne ferait pas ça. Flynn allait revenir, et ensuite... Gabe ne savait pas ce qui allait arriver ensuite.

C'était aussi stressant que la première fois qu'il avait vraiment couché avec un mec, la première fois qu'il était allé plus loin que des séances de tripotage.

Sauf que cette fois-ci ce n'était pas juste un type quelconque, cette foisci c'était Flynn, et il commençait à avoir des sentiments pour lui, d'un genre qu'il n'avait encore jamais ressenti.

Etait-ce donc ça tomber amoureux ?