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Je vis, je meurs : je me brûle et me noie.
J'ai chaud extrême en endurant froidure :
La vie m'est et trop molle et trop dure.
J'ai grands ennuis entremêlés de joie :
Tout à coup je ris et je larmoie,
Et en plaisir maint grief tourment j'endure :
Mon bien s'en va, et à jamais il dure :
Tout en un coup je sèche et je verdoie.
Ainsi Amour inconstamment me mène :
Et quand je pense avoir plus de douleur,
Sans y penser je me trouve hors de peine.
Puis quand je crois ma joie être certaine,
Et être au haut de mon désiré heur,
Il me remet en mon premier malheur.
Afficher en entierTant que mes yeux pourront larmes épandre
A l'heur passé avec toi regretter,
Et qu'aux sanglots et soupirs résister
Pourra ma voix, et un peu faire entendre ;
Tant que ma main pourra les cordes tendre
Du mignard luth, pour tes grâces chanter ;
Tant que l'esprit se voudra contenter
De ne vouloir rien fors que toi comprendre,
Je ne souhaite encore point mourir.
Mais, quand mes yeux je sentirai tarir,
Ma voix cassée, et ma main impuissante,
Et mon esprit en ce mortel séjour
Ne pouvant plus montrer signe d'amante,
Prierai la mort noircir mon plus clair jour.
Afficher en entierLe plus grand plaisir qui soit âpres amour, c'est d'en parler.
Afficher en entierAlors de fard et eau continuelle
Elle essayoit se faire venir belle,
Voulant chasser le ridé labourage
Que l'âge avoit gravé sur son visage
Afficher en entierLas ! que me sert que si parfaitement
Loua jadis et ma tresse dorée,
Et de mes yeux la beauté comparée
À deux Soleils, dont Amour finement
Tira les traits causes de son tourment ?
Où êtes-vous, pleurs de peu de durée ?
Et mort par qui devait être honorée
Ta ferme amour et itéré serment ?
Doncques c'était le but de ta malice
De m'asservir sous ombre de service ?
Pardonne-moi, Ami, à cette fois,
Étant outrée et de dépit et d'ire ;
Mais je m'assur', quelque part que tu sois,
Qu'autant que moi tu souffres de martyre.
Afficher en entierOn voit mourir toute chose animée,
Lors que du corps l’âme subtile part :
Je suis le corps, toi la meilleure part :
Où es-tu donc, ô âme bien aimée ?
Ne me laissez pas si longtemps pâmée :
Pour me sauver après viendrais trop tard.
Las ! ne mets point ton corps en ce hasard :
Rends-lui sa part et moitié estimée.
Mais fais, Ami, que ne soit dangereuse
Cette rencontre et revue amoureuse,
L’accompagnant, non de sévérité,
Non de rigueur, mais de grâce amiable,
Qui doucement me rende ta beauté,
Jadis cruelle, à présent favorable.
Afficher en entierTout aussitôt que je commence à prendre
Dans le mol lit le repos désiré,
Mon triste esprit, hors de moi retiré,
S'en va vers toi incontinent se rendre.
Lors m'est avis que dedans mon sein tendre
Je tiens le bien où j'ai tant aspiré,
Et pour lequel j'ai si haut soupiré
Que de sanglots ai souvent cuidé fendre.
Ô doux sommeil, ô nuit à moi heureuse !
Plaisant repos, plein de tranquillité,
Continuez toutes les nuits mon songe ;
Et si jamais ma pauvre âme amoureuse
Ne doit avoir de bien en vérité,
Faites au moins qu'elle en ait en mensonge.
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