Extraits

Ma petite, vous plaisantez ? J’ai mis plus d’un an pour organiser mon mariage. Le jour J, il y a eu un souci avec les serviettes de table. Elles n’étaient pas de la bonne couleur. Ça a gâché mon mariage.  Nous nous regardons, perplexes. Je me fiche clairement des serviettes.

Je suis toujours en attente, de quelque chose, sans savoir quoi. J’ai l’impression que ça va me tuer. Peut-on flirter avec la folie et s’en sortir sans une égratignure ? Je ne pense pas… 

Tu es parfaite pour lui… et pour moi. Je reste muette devant cette déclaration. Il ne m’avait jamais fait un tel compliment et pour une fois, je m’en sens digne. J’ai travaillé très dur pour être à sa hauteur et le mériter. Je lui souris. Les morceaux brisés réapparaissent et se réassemblent pour bricoler un nouveau cœur. Je grave cette phrase en moi. Avec Warren, les compliments si touchants sont rares. 

Ils ne semblent pas inquiets et se permettent même de parler entre eux. Ils rient et se taquinent, couverts de sang. Du sang de mon peuple. De personnes que je connais. La colère flamboie en moi. Ils ont tué mes gens. Ils rient comme si c’était la routine. Mes poings se crispent. La garde de l’épée rentre dans la paume de ma main. Ils se fichent d’avoir provoqué la mort de personnes. Ce monde est impitoyable. Je dois le devenir aussi si je veux survivre.

« Tu es une Gomez et les Gomez ne fuient pas ». Je ne fuirai pas devant un ennemi. Même si ce soir, je dois en mourir.

Je me contente d’éviter les attaques. Pourtant dès qu’un assaillant s’approche trop près de moi, un de nos hommes s’interpose. Ils ont tous reçu l’ordre de me protéger. Je reconnais des visages familiers tandis que je les abandonne à leur sort. Ils mettent leur vie en jeu pour moi.

C’est un test et je ne compte pas les décevoir. Ils ont placé leur confiance en moi. À moi de leur prouver qu’ils ont eu raison. Warren a fait le bon choix en se mariant avec moi.

Des larmes coulent mais ce ne sont pas les miennes. Je lève les yeux et découvre mon ami, silencieux, en pleurs. À mon tour, je le prends dans mes bras et le console. Dans les jardins, loin de l’agitation. Sans le savoir, je crois que j’apaise un tourment connu de lui seul.

Mon ventre se serre. Rien ne semble vrai, comme si nous jouions une pièce de théâtre dont les paroles étaient déjà écrites à l’avance.

Je fixe la trotteuse. Sa course est sans fin. Les minutes défilent, interminables.