Orléans

J'étais vraiment curieuse de lire ce roman autobiographique de Yann Moix, le personnage est à la hauteur de l'écrivain et l'écrivain à la hauteur du personnage.Toublant et troublé qui de sa petite enfance jusqu'à l'âge adulte a subit les sévices physiques inhumains de son père et psychologique de sa mère. Un enfant qui c'est construit dans ce brouillard familial, il s'est réfugié dans la lecture, la musique et l'écriture. C'est un personnage très complexe qui est certainement dans le besoin de reconnaissance et surtout le besoin d'amour des autres, d'une grande culture même s'il avoue être assez fainéant il ne cesse de s'instruire et de créer.J'aime Yann Moix par son ambiguïté, elle me trouble, ce livre m'a définitivement éclairé sur le vrai du faux de toute cette médiation autour de ce livre qui dérange et pour cause. Il rejoint le thème du consentement de Vanessa Springora qui dénonce toutes les violences quelles qu'elles soient, surtout le fait de légitimité donnée à ceux qui infligent des mauvais traitements aux enfants.Comment peut on accepter de tels agissements, pourquoi personnes ne dénoncent cette violence inacceptable. Quelle société peut fermer les yeux au nom de la famille.

Le livre est divisé en deux partie, la première qui m'a bouleversé raconte tous les sévices tout le désamour de son père et de sa mère, l'écriture est très crue difficile aussi, je n'ose imaginer ces personnes et surtout ce petit enfant martyrisé, traumatisé qui se refugie dans un monde qui n'appartient qu'à lui.

La seconde partie raconte sa vie à l'école, la violence qu'il y subit aussi par des enseignements peut scrupuleux et dont les actes sont soutenus par ses parents, celles des autres enfants et adolescents auxquels ils essaient de plaire. La rencontre avec toutes ces filles enfantines et adolescentes qui le font fantasmer mais qui l'ignorent l'humilient.

Le lien entre les deux, la musique, le jazz qu'il adore, l'écriture, les écrivains auxquels il s'identifie jusqu'à en oublier sa propre personne.Et puis enfin après sa majorité, il arrive enfin à être sa propre personne, affirmer l'homme qu'il est devenu, aussi intelligent que complexe.

Ma grande déception dans son roman, j'aurais aimé connaître ce que sont devenus ces rapports avec ses parents, ce qu'il en devient de ces actes de maltraitance.

J'ai bien aimé ce livre même s'il ne m'a pas passionnée. Je ne suis pas fan de l'autofiction qui consiste à ce qu'un auteur se mette en scène dans un passé ou un présent qui n'intéresse que lui ou ses proches. Par contre, j'ai aimé ce que j'ai découvert - pensait savoir - sur Moix en le suivant ça et là dans ses apparitions télévisuelles.

Effectivement, il est assez prétentieux dans sa façon de s'exprimer, mais je ne peux m'empêcher, vu ce qu'il relate de son passé, de penser qu'il s'agit d'un mécanisme d'auto-défense chez lui, un besoin presque irrationnel de se sentir exister au-delà de la violence et du désir d'annihilation de ses parents. Parce qu'il ne s'agit que de ça et de rien d'autre vu la nature des sévices prodigués avec soin par ses géniteurs.

Le roman se divise donc en deux parties, la première se penche sur la maltraitance, les humiliations subies par le jeune Yann, jusqu'au jour où il devient trop grand pour que son père lui administre une énième volée de son cru.

La deuxième se penche sur les petites humiliations de ses camarades, les coups de cœur qu'il a pu avoir pour toutes les filles qu'il a croisées jusqu'au moment où il dépose son premier manuscrit.

Le lien entre les deux? L'art, et plus particulièrement la littérature, sa seule issue concrète. C'est l'histoire d'un survivant qui n'a que les livres pour s'échapper, peu importe si, enfant, il comprenait ou non ce qu'il lisait (Gide, Kafka, Sartre, Péguy entre autres...), peu importe s'il touchait à peine du bout des doigts les pensées complexes qui s'alignaient sur les pages, qu'il sache qui était Gide ou ce qu'aimait Kafka. La littérature, puis l'écriture, devient son seul moyen d'évasion.

Alors est-ce que tout ça est vrai ou pas? Je peux difficilement croire que ça ne l'est pas, même si j'admets pouvoir me tromper. Mais Moix est une mauvaise victime, Orléans n'est pas assez misérabiliste pour attirer la compassion. Perso, c'est ce qui m'a plu. Il y a une certaine distance, et en même temps les souvenirs sont crus et vivaces. Comme il le dit lui-même, c'est "un roman d'humiliation comme il existe des romans d'initiation.". C'est peut-être pour ça qu'il a créé la polémique alors qu'il n'a jamais caché avoir été un enfant battu. Dommage que ça n'ait pas servi la cause, que ça n'ait pas déclenché de véritables discussions sur la maltraitance, institutionnelle et autre, des enfants.

J'ai lu ce livre en cinq jours, et encore, je ne le lisais que le soir. Sinon je l'aurais fini en une journée. Il est probablement l'une de mes meilleurs lectures de l'année 2019. Je m'explique : l'écriture est fluide et belle. Ce livre est un vrai "page-turner". Je pense avoir préféré la première partie, intitulée "Dedans", qui se passe, entre autre, dans le cosmos familiale de Yann Moix. Il y décrit par exemple les nombreuses sévices qu'il aurait reçu étant enfant, de sa maternelle à sa classe de mathématique spéciale. Tout au long du livre, on ressent un certain malaise envers la personnalité des parents (que ce soit la violence du père ou la folie, très malaisante, de sa mère). Je pense encore à plusieurs scènes qui me sont resté en mémoire, et je le dis : je m'en contre fout de savoir c'est la vérité ou pas. Je ne déteste pas Yann Moix, je l'admire. J'admire son esprit critique ; j'admire sa façon d'écrire... Il est probablement l'un de mes écrivains préférés. Ayant lu, du même auteur, "Anissa Corto" et "Vie et Mort d’Édith Stein", c'est de loin mon préféré sur les 3. Je sais, c'est peu, mais je n'ai pas encore réussi à trouver "Jubilation vers le ciel", "Partouz" ou encore "Naissance", et je voulais attendre avant de lire "Rompre". Pourquoi est-ce que je crois Moix ? Parce que, en janvier 2019, lors de la sortie de "Rompre" et avant "Orléans", son frère postait ceci : "Mon frère est un petit prince que l'on a assassiné. J'étais là. J'ai vu. Je me suis tu. Yann, nous savons tous les deux." Parce que, encore, il raconte également son enfance martyre dans "Naissance" (Prix Renaudot 2013), et que ces parents n'ont rien dit, pareil pour "Panthéon" et pour tous ses autres romans qui traitent tous, depuis 1996, de l'enfance battue. Parce que je crois sa grand-mère. Je suis déçu qu'on lui ait coupé la roue du Goncourt ; croyez-moi, il l'aurait obtenu, et ça aurait été mérité.

Lisez Orléans, vous serez émue, et heureux pour lui à la fin de la première partie (j'ai souris).