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"Est-ce qu'un silence peut être assourdissant?" Avant de les laisser débuter la rédaction, Suzanne avait demandé si quelqu'un connaissait le terme pour désigner ce genre d'association antagoniste. C'était Muriel Gauthier qui avait répondu, la fille qui avait tenté de se suicider quelques jours auparavant : "Un oxymore...c'est comme ça que ça s'appelle, madame...un oxymore."
Afficher en entierPuis c'est au tour du père de passer entre deux rendez-vous. La vie continue malgré tout. [...] Un incident de parcours, le cri de sa fille. Il ne dit presque rien. Il lui prend la main. Les mots ne viennent toujours pas. Comment des mots jamais prononcés pourraient-ils venir ?
Afficher en entierPendant ce temps, lui, me souriait. Il savait qu'il allait crever d'une quinte de toux plus forte que les autres, mais il me souriait. Il savait qu'il ne verrait pas son fils grandir et il me souriait, sûrement parce qu'il souhaitait par dessus-tout que le souvenir que j'emporterai de lui serait ce sourire-là. Et ça n'a pas loupé.
Afficher en entierC'était tout de même pas si difficile que ça de mourir. Quelque chose qu'il fallait faire un jour ou l'autre. Ça ne devait pas faire bien mal, vingt centimètres de lame froide dans le ventre. Il ne s'était pas foutu de la gueule du type. Du premier choix, cette lame. Achetée à un armurierde la rue de la Cité aux airs de Robert Mitchum.
Afficher en entierNuit horizontale.
Nuit verticale.
Pas vu la lumière depuis deux jours.
Deux jours que je me réveille avec un terrible mal de crâne, que je ne sais pas pourquoi je suis enfermé ici, dans une pièce froide et humide, que je n’ai aucune idée de ce que j’ai mangé, que l’odeur de ma sueur ne parvient plus jusqu’à mes narines, que mes doigts n’ont rencontré que des murs. Deux jours que je me libère dans un seau rempli d’eau de Javel. Deux jours que je suis réduit à un animal piégé au fond d’un trou.
Une menotte prolongée d’une chaîne fixée au mur m’enserre le poignet gauche. La chaîne mesure environ trois mètres. La longueur nécessaire pour atteindre la porte, l’effleurer. Ce qu’il faut pour me faire parfois oublier la menotte et avoir la sensation qu’on m’arrache l’os du poignet, comme s’il s’agissait d’une souche pourrie.
J’ai beau chercher, je ne comprends pas ce que je fais là. Pourquoi moi ?
On s’est probablement trompé de personne. Je fouille dans ma mémoire à la recherche du moindre indice. En vain.
Afficher en entierRester éveillé.
À tout prix.
Je veux surprendre la prochaine venue de mon geôlier à la porte. Une seule chose peut me permettre de ne pas m’endormir : la douleur physique. Je dévisse le compartiment à piles de la torche, et j’y introduis le manche de la fourchette en plastique que le type a posée sur mon plateau le premier jour. Je me rapproche ensuite de la porte. M’assois contre le mur, pose la torche de façon à ce que les dents de la fourchette se trouvent en l’air, lève mon bras juste au-dessus, en faisant appel à tous les câbles de mon corps, à toutes les connexions. Si jamais je m’endors, mon avant-bras entrera en contact avec les dents de la fourchette. Ce sera suffisant pour me réveiller.
Je ressens une douleur. Des perles de lumière dansent dans l’obscurité. Quand les obscurités superposées de mon sommeil s’annulent, elles laissent apparaître des fragments de lumière, comme des fragments de mémoire. Le dormeur dans son trou ne dort pas. Trois petites marques rouges en forme de têtes d’épingle, parfaitement alignées sur mon avant-bras.
La douleur.
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