Des semaines sont passées au cours desquelles j'ai découvert que l'absence a une consistance. Un peu comme celle du miel qui s'étale davantage quand on voudrait le retirer, un liquide gluant en tout cas, dans lequel on se débat.

La dépression, pour être élégante, doit rester sobre.

Il m'est indifférent, mais je regrette toujours les absents. Ils me rappellent les évènements qui ne me sont pas arrivés, les situations que je n'ai jamais vécues. Ils me font me demander s'ils ne sont vraiment pas là, ou pas plutôt cachés quelque part pour surgir soudain.

Peut-être qu'il y a des gens, des femmes, de nature plus simple et plus saine que les autres... Des êtres qui n'ont pas la mauvaise habitude, le réflexe stupide, de se torturer, se malmener.
Se haïr.

Si elles prétendent le contraire, si elles s'inventent des prétextes pour éviter cette activité, c'est à cause des regards sur leurs corps. Des commentaires sur leurs corps. Des conseils qu'on leur donne, et qu'elles ne demandent pas, pour modifier leur corps. Sa forme, sa texture, ses proportions.

N'empêche que dès lors, je me suis sentie proie. Bête curieuse. Même pour les vieux, même pour les petits.

J'avais quatorze ans et un corps inachevé. J'étais en chantier et pleine de lignes droites là où maintenant, elles sont en courbes. J'avais les côtes creuses, les cuisses maigres, le visage encore rond de l'enfance toute proche.

Je fouille les rames des yeux. J'ai besoin d'une semblable pour affronter, diluer, répartir équitablement le poids du regard des hommes.

Coco n'est pas une femme. C'est juste une petite fille qui saigne trop tôt.
Et ce n'est pas un peu de rouge, au fond d'une culotte en coton, qui change tout.
Ça doit être plus progressif et patient, de devenir une femme.

Parfois, je gave mes oreilles de musique pour ne plus entendre mes pensées.

C'était grisant de pédaler dans les rues noires et désertes, de voir les maisons encore endormies après les agapes de la veille. Il y a des moments comme ça, quand je suis en décalage complet avec le monde, où j'arrive à y attraper de la beauté, à discerner l'intérêt d'être à rebours, ça me donne des forces.

J'ai senti le lent poison de la nostalgie s'insinuer dans mon cœur. Difficile de résister au désir vain et égoïste de ressasser les gloires d'autrefois, la simplicité des jours meilleurs. Dans les couloirs de la mémoire, tout semble plus rose.

Il s'agit de cette mélasse qui nous colle à la peau et dans laquelle on s'embourbe tous du matin au soir et du soir au matin.
Le présent.
Je me le représente souvent comme une sorte d'immense pièce de théâtre que l'on serait tous obligés de jouer sans avoir eu l'opportunité, ni de jeter un coup d'œil au texte ni de faire une quelconque répétition avec ses partenaires. Du théâtre d'impro, en quelque sorte.

C'est fou, d'avoir un coeur qui fonctionne mal, déjà brisé vingt fois, jamais réparé, et de continuer à l'entendre se fracasser comme s'il était tout neuf, chaque fois que la vie ou les autres te font mal.

Très bien, je me tiendrai tranquille, mais tu ne perds rien pour attendre. J'ai toujours la poisse, je te signale. Je vais sûrement me casser l'autre jambe. Non mais vise un peu cette godasse ! C'est la mort assurée ou je ne m'y connais pas !

Il y a un petit monstre dans mon cerveau qui contrôle le doute.
Le doute en lui même est une chose stupide. Il n'a ni sentiments, ni sensations, il est aveugle et traîne une longue chaîne bien lourde. Le monstre, en revanche, est intelligent. Il surveille tout et quand je suis totalement sûre de moi, il délivre le doute et le laisse courir en liberté. Et même quand je sais qu'il arrive, je ne peux pas le stopper.

À votre place, je saisirais l'opportunité. C'est un métier d'avenir, les vieux vont bientôt dominer le monde.

Les pires choses qu'on fait, ça nous définit pas,
ni les pires choses qu'on nous fait à nous.
On est plein de trucs au-delà de ça.
Comme par exemple...
On est toutes les fois
où on se prépare un bol de céréales,
où on regarde Buffy contre les vampires,
où on aide une vieille dame à descendre du bus.
On est les bons, les brutes et les idiots, tout à la fois,
tu vois ?

Je ne suis pas tradi, vous savez. L'amour est trop beau pour entrer dans des cases.

Parce que quand tu es amoureux, ce n'est pas que tu vois mieux, mais tu as moins peur de te cogner partout.