Par-delà nos corps

Ce soir, en m’imprégnant de vos mots, la question que je me pose est : pourquoi avez-vous voulu mourir et moi vivre, vivre à tout prix ? Est-ce parce qu’il me manquait la poésie et la prescience de l’au-delà ? Jamais je n’ai su m’exprimer avec autant de délicatesse et de profondeur que vous, et j’ai souvent dû me servir de mon corps pour affronter les années. Cela ne m’a pas laissé le loisir, en ma jeunesse, de me lier à d’autres faiseurs d’art, ni de cultiver mon esprit autant que je l’aurais souhaité.

Puis, avec le temps, je me suis aperçue que les femmes ont un autre moyen de créer, beaucoup plus puissant. Ce n’est pas seulement parce qu’elles sont dominées par les hommes qu’elles pratiquent moins les arts socialisés. C’est aussi parce qu’elles ont en elles, en plus de leur esprit, une matrice, une sorte de creuset où tout peut advenir, le meilleur comme le pire. Là où il vous faut user de mots, de couleurs ou de musique pour sonder vos tréfonds, nous générons en nous un souffle qui nous met directement en lien avec l’autre monde. Aujourd’hui, cela ne me paraît plus si éloigné de votre quête archéologique de la vie. Comme vous à travers la peinture, la poésie, j’ai pu, au cours de mon existence, découvrir et sentir les différentes couches d’existence qui nous composent et nous animent. J’ai moi aussi pu sonder des profondeurs qui, pour beaucoup d’entre vous, restent inaccessibles.