Extraits

— Il fait nuit si tôt, en ce moment.

— Aujourd’hui, c’est le solstice d’hiver, le jour le plus court de l’année.

— Super, merci beaucoup. Quelle idée de choisir le bip jour le plus court de l’année pour mon anniversaire.

Il rit et passa son bras autour de moi.

— Ah, mais c’est la nuit la plus longue…

— Scandaleux !

Il battit des paupières, l’air innocent.

— Quoi ? Ça fait plus de temps pour les films, non ?

— Bien sûr…

Son visage s’éclaira un peu, et il me quitta avec un long baiser et la promesse de revenir avec toutes les miches de pain que nous pourrions transporter.

— Lend !

J’avançai brusquement, le cognai, et nous roulâmes ensemble deux marches plus bas, atterrissant en tas sur le gravier.

— Tu es réveillé !

— Evie ! Je suis… Ouah, pourquoi ai-je mal partout ?

— Tais-toi, dis-je en attrapant sa tête et en l’attirant dans un baiser.

Il faisait froid et nous étions par terre, mais ça m’était égal, ça ne pouvait pas compter, pas quand je pouvais toucher mon Lend et qu’il pouvait me toucher, lui aussi. Je savais qu’il m’avait manqué, mais ce n’est qu’à cet instant que je m’aperçus à quel point j’avais été vide et désespérée d’être séparée de lui.

— Peut-être, dit-il en couvrant mon cou de baisers, que nous pourrions rentrer à l’intérieur ?

— Peut-être, approuvai-je sans me lever.

Lend se pencha en avant et écrasa ses lèvres sur les miennes dans un baiser désespéré, puis il s’éloigna.

— Je t’aime, dit-il, son masque disparaissant pour ne laisser que lui, juste lui le temps d’un battement de cœur, et je m’apprêtai à me lever et à être perdue pour toujours. Puis son être d’eau fut remplacé par…

Lend me prit dans ses bras, se retourna et s’assit sur le canapé, moi sur ses genoux. Ses vacances de Noël tombaient on ne peut mieux. Après les événements fous du mois dernier — dont, mais pas seulement, la découverte que mon père était une fée, mon abandon dans le Chemin des fées par un Jack vengeur, avant que je parvienne enfin à retrouver Lend —, nous avions besoin de temps ensemble pour nous détendre. J’avais fini par comprendre que ceci était la seule réponse dont j’avais besoin à propos de ma vie. Plus d’inquiétude sur le temps qui me restait, plus de prise de tête sur ce que j’étais ou ce que je n’étais pas. J’étais là, maintenant. Et heureuse.

C’est ça le truc avec les dragons : je n’y connais absolument rien.

Ce qui rendit d’autant plus compliqué le fait de débarrasser des ratons laveurs l’allée derrière le restaurant. J’y trouvai, au lieu d’un petit bandit masqué, un pâle corps sinueux dont le dos et les épaules étaient hérissés de pointes dressées comme des pics. Sa gueule était semblable à celle d’un loup, avec un long museau barré de deux épaisses défenses saillantes qui s’enroulaient au-dessus des lèvres. Oh, et des griffes. Des griffes acérées.

— Tu n’es pas un raton laveur, murmurai-je.

— Non, petite, je ne suis pas une petite bête.

Une odeur de charbon envahit l’air alors que sa voix sans âge, haut perchée et douce, se faisait entendre, me choquant momentanément encore plus que le fait qu’un dragon traînait derrière les poubelles. Il parlait. Enfin, évidemment qu’il parlait, Evie. Franchement, quelle sorte de dragon mythique digne de ce nom ne parlerait pas ? J’étais tout aussi effrayée qu’agacée, mais, au moins, le dragon ne sentait pas aussi mauvais que les licornes.