Extraits

— Quoi de neuf ? demanda-t-elle.

— Tu veux m’accompagner à Ikea ce soir ? proposa-t-il avec un mélange de nonchalance et d’espoir dans la voix.Elle cligna des yeux, déboussolée.

— Ikea ? répéta-t-elle.

— Ouais. J’ai besoin de meubles pour chez moi – une bibliothèque et des étagères. Je me suis dit que tu pourrais me donner un coup de main pour les assembler. On pourrait se commander une pizza après.Elle haussa un sourcil.

— Et tu me demandes ça après avoir assisté à mes prouesses en matière de meubles en kit ?Caleb se remémora le flot continu de jurons en espagnol sur le stand de la DiceCon et esquissa un sourire.

— Ce n’est pas un problème. Je m’y connais. Je voulais juste te voir ce soir et passer un peu de temps ensemble. Sauf si tu as quelque chose d’autre de prévu.

— Bon, je te dois une explication.Isabel but une longue gorgée pour laisser le temps à sa montée d’angoisse de se dissiper. Elle allait le laisser parler sans l’interrompre.

— Oh que oui.Caleb contempla sa tasse puis releva les yeux vers elle.

— Je ne savais pas où tu bossais lorsque j’ai fait ta rencontre et que je t’ai aidée avec les étagères. J’avais postulé chez PI Games, mais ce n’est que lorsque je t’ai revue à la soirée et que tu m’as dit vivre à Tampa que j’ai pensé que les deux étaient peut-être liés.

— Et cela ne t’a pas traversé l’esprit de me demander où je travaillais ? s’exclama-t-elle.Bravo pour l’absence d’interruption. Elle but à nouveau pour se forcer à se taire et à écouter.

— Je t’ai recherchée sur Google ce soir-là, après t’avoir raccompagnée à ton hôtel. C’est là que j’ai découvert que tu étais chez PI.

Imbécile, imbécile, imbécile. Caleb ne prêta pas attention à la neige qui tombait tandis qu’il traversait au pas de charge la passerelle le séparant de son hôtel, les mains fourrées dans les poches. Il aurait dû se douter que tout ceci n’était qu’une supercherie. Lui qui avait été sur le point de lui déclarer sa flamme alors qu’elle s’était servie de lui tout du long pour son petit jeu. Bien sûr, en y repensant, tout était clair. Son impatience à coucher avec lui quelques heures seulement après l’avoir rencontré, son envie de préliminaires en plein centre des congrès malgré le risque de se faire prendre, et le fait de l’avoir ramené dans sa chambre ce soir. Y avait-il seulement une chose de la liste qu’ils n’aient pas faite ? Peut-être que « faire en sorte que ton partenaire trouve ton sex toy » y figurait et qu’il ne l’avait pas vu. Qu’elle aille se faire foutre. Elle et tout le reste.

— Ils pourraient rentrer à leur hôtel, depuis le temps ! ironisa Isabel, juste pour briser le silence.La situation la mettait mal à l’aise mais pas pour les raisons qu’elle aurait imaginées ; elle avait chaud, elle angoissait et elle était tout excitée alors que leur discussion était probablement le pire tue-l’amour au monde.Caleb sourit.

— Je ne sais pas. C’est parfois stimulant de s’embrasser en public.

Isabel passa la langue sur ses lèvres, qui s’étaient desséchées. Voilà un signal fort que même elle pouvait reconnaître. Puis un verrou sauta dans son cerveau, ou alors elle perdit momentanément la raison, ou bien encore quelque chose se produisit en elle qu’elle serait bien incapable d’expliquer, et elle se retrouva à avancer vers Caleb sans penser aux conséquences. Mais si étonnant que fût son geste, il la surprit encore plus en comblant la distance entre eux et en l’embrassant le premier.

Envolé, le sentiment de complicité. Isabel sentit un mélange de colère et de ressentiment s’emparer d’elle et fusilla Lloyd du regard.

— Comment ça, ça compense ? Tu es en train de dire que je ne suis pas une vraie fille ? Ou c’est parce que je suis une geek ?