Passion Xiveri : Unis pour la vie, Tome 4 : Prisonnière du sauvage de Heimo

Il y a un bruit sourd et un cri et, pendant un moment, le temps ne passe plus. Svera hurle une seconde fois et ce nouveau son est un poing qui descend dans ma gorge, attrape mes entrailles et les arrache à travers mes dents brisées. Le temps que mes pieds mettent à me porter jusqu’à sa porte me semble une éternité. L’ouverture de la porte prend une autre éternité. Je me précipite à l’intérieur de sa chambre où son parfum – une fumée odorante, un bois profond, une épice cramoisie – enveloppe toute chose. Arrivé là, je découvre que cet arôme parfait est ruiné par des parfums étrangers. Il y a des mâles dans sa chambre.

Trois mâles.

L’un d’eux a sa main autour de son poignet tendu. Ses poings sont serrés. A-telle essayé de se battre ? Cette idée me rend fou. Un autre se tient en retrait et observe. Le dernier tient un couteau.

- Svera…

Ma voix est froide, calme. Je ne ressens rien. Les mâles dans la pièce se tendent, se retournent et me voient. Ils se dispersent et s’agitent, comme s’ils ne savaient pas si je suis là pour les réprimander ou pour les rejoindre. Je ne suis là ni pour l’un ni pour l’autre, cependant. Je suis ici pour les éviscérer. Pour faire en sorte qu’ils n’aient jamais existé. Svera s’arrache à la prise du mâle. L’élan l’envoie en arrière sur le nid. Elle pousse rapidement l’extrémité de son costume pour couvrir ses pieds. Elle me fixe de ses grands yeux brillants et humides. Son menton tremble. Ma rage monte et atteint son apogée. J’incline mon menton vers elle pour lui indiquer le mur le plus éloigné et elle comprend facilement ce que je veux dire. Elle rampe jusqu’au bord du nid et roule par-dessus. Elle se réfugie dans l’espace étroit entre le nid et le mur pour être à l’abri du sang qui va pleuvoir.

– Krisxox, me dit un mâle.

Je ne sais pas de qui il s’agit, mais cela n’a pas d’importance. Je lui fais un signe de tête, pour lui donner la permission de parler. Ses crêtes s’enflamment de blanc, de noir et de rouge. L’horreur m’assaille quand je constate qu’il ne me craint pas. Il me considère comme un allié. Pense-t-elle aussi cela de moi ? Dans un moment de faiblesse, je décide que si c’est le cas, je vais devoir lui prouver le contraire. Je le prouverai à tout le monde. Et à moi-même pour commencer…

– Nous voulions vous rendre service en faisant sortir cette humaine répugnante de chez vous, dit l’un d’eux.

Le troisième mâle ajoute :

– Son espèce est une abomination ! Cette humaine pense qu’elle peut nous dicter notre conduite. Elle croit qu’elle peut établir des règles pour nous dire comment interagir avec les humains. Elle veut que nous nous reproduisions avec son peuple sur un pied d’égalité. C’est dégoûtant. Nous allions lui rappeler qu’elle n’est rien de plus qu’un animal en la donnant à manger aux cavras. Celui-ci semble être leur chef, c’est donc lui qui mourra dans les pires souffrances. Après ce discours prononcé sur un air entendu, il rit. Il rit. Il rit et je grimace pour montrer toutes mes dents. En voyant ce rictus, les mâles se regardent. Celui qui est sur le côté droit recule. Il mourra en second alors, puisque c’est le plus lâche.

– Vous voulez dire que vous vous êtes introduits tous les trois dans ma maison, celle de votre Krisxox, pour massacrer la femelle dont j’ai la charge ?

Je parle comme mon père, juste avant qu’il me fouette. Il le faisait pour me rendre plus fort, disait-il. Ça a marché. Et maintenant je vais montrer à ces mâles ce qu’est la force. Ils se regardent à nouveau. Celui de droite porte sa lâcheté sur ses crêtes maintenant. Elles brillent d’une couleur taupe. Il est incertain.

Le chef reprend la parole.

– Nous voulions vous faire une surprise. Nous savons que vous ne la gardez que parce que Raku vous l’a ordonné, mais il est faible. Il n’y a qu’à voir la façon dont il s’est laissé manipuler par l’oud hybride pour s’en convaincre. C’est dégoûtant. Oud.

C’est un terme si grossier que je ne me souviens pas de la dernière fois que je l’ai entendu. Il me remplit d’excitation guerrière. Il a l’odeur de la senteur qui inonde la plaine de la bataille juste avant un assaut, ce parfum métallique flotte dans la pièce. Je hoche la tête.

– Vous croyez donc que c’est la seule raison pour laquelle je surveille la femelle ? Parce que le Raku me l’a ordonné ?

Ils acquiescent tous, mais ne parlent pas. Quand je fais un pas de plus vers eux, ils semblent tous les trois se recroqueviller. Je relâche la prise sur mes crêtes et laisse le pouvoir du Xanaxana les remplir d’une couleur que je passe la majeure partie de mes solaires à essayer de de cacher.

– Putain de xok, maudit le chef.

Leurs crêtes maintenant roses s’enflamment tout autour de moi. La peur s’est emparée d’eux. Nox, pas la peur : la terreur. Je veux qu’ils soient aussi terrifiés que Svera l’a été.

– Vous faites erreur, je murmure.

Puis je lève ma main gauche et, tandis que les couleurs brillent à travers moi, je les achève tous les trois. C’est calme et serein que je m’installe dans la transe de la bataille. Le temps n’existe plus. Seuls la stratégie et les coups à parer comptent. Les mouvements donnent lieu à des actions alors que je saisis le meneur par les cheveux et par les plaques de son dos. Il se retourne et adopte une position de combat – une position que je lui ai enseignée – et lorsqu’il me donne un coup de pied, je dois le relâcher pour éviter la lame qu’il sort de son kilt d’entraînement. Il me charge à nouveau, mais c’est comme s’il se déplaçait au ralenti. Je m’écarte facilement, saisis sa main armée d’un couteau et, alors qu’il trébuche, je lui passe le bras derrière le dos et le casse. Il hurle et je lui donne un coup de pied dans les deux genoux sur le côté. Ses deux jambes sont cassées. Je le pousse en avant, attrape le couteau et le jette sur le lâche qui tente de s’enfuir. Il l’atteint dans le bas du dos, comme je le voulais. La colonne vertébrale est sectionnée net entre la deuxième et la troisième vertèbre, ce qui paralyse ses jambes. Il tombe au sol et je me tourne vers le mâle restant. Il se met en position de combat, mais au moment où je feinte vers lui, il essaie de s’enfuir. Je le retrouve sur le seuil, je l’attrape par l’arrière de la tête et je lui écrase le visage contre le mur, puis à nouveau assez fort pour briser la moitié inférieure de son visage, abîmant son nez, sa bouche et sa mâchoire, mais pas assez fort pour l’aveugler. Nox, je veux qu’il voie tout. J’attrape les mâles dans la chambre de Svera et je les traîne dans le hall par les cheveux. Je les traîne au-delà des fosses de cuisson, hors de la maison et sur la plate-forme qui l’entoure.