Extraits

- Vous êtes le chef de gare ?

- Non, je suis le petit chaperon rouge, répondit le vieux machinalement, le regard ensommeillé.

- Vous n'avez pas entendu que j'appelais ? Demanda Parker qui commençait à s'énerver.

- Je vous ai très bien entendu, mais à cette heure la gare est fermée.

- Et pourquoi vous n'avez pas répondu ?

- Pourquoi ? Vous alliez bien finir par me trouver.

Parker compta jusqu'à dix avant de reprendre.

- Quand passe le prochain train ?

- Je vous ai dit que la gare est fermée, on ne s'occupe pas du public. Dehors, il y a un panneau avec les horaires.

- Il annonce que les trains sont suspendus jusqu'à nouvel ordre.

- Ben alors, pourquoi vous demandez ? Vous les portègnes, vous croyez que tout le monde est à votre disposition.

Parker voulut de nouveau compter jusqu'à dix, mais n'arriva qu'à trois.

- Bordel, mais qui vous a dit que j'étais portègne !

- Et vous, qui vous a dit que j'étais chef de gare ?

- Vous n’avez pas un journal plus récent ? Ces nouvelles, je les connais déjà.

- Relisez-les, dans quelques jours elles seront de nouveau d’actualité.

La vie monotone et ennuyeuse dans ces régions obligeait les gens à inventer des légendes pour avoir un sujet de conversation le soir.

Le camion traçait en roulant une ligne qui séparait la plaine en deux : d’un côté, l’Occident, Parker et le passé, de l’autre, l’Orient, avec Maytén et l’avenir, mais il suffisait d’un léger virage pour que les moitiés se mêlent comme un jeu de cartes, alors il restait d’un côté Maytén, le passé et l’océan, et de l’autre les montagnes, Parker et l’avenir. Et ainsi, virage après virage, les deux parties se combinaient comme des ingrédients malaxés qui pouvaient se changer en pain, ou former une pâte immangeable.