Peindre les couleurs du vent

Pologne, 17 janvier 1945

La neige recouvre la campagne. Toute cette pureté met du baume au cœur de Doris. Assise à l’arrière de l’automobile, entourée de ses collègues masculins, elle prie pour que cette décision de repli, à laquelle elle se soumet emplie d’espérance, représente l’ultime étape de son combat.

Bien qu’elle soit confortablement installée, coincée dans cet habitacle enfumé, ce parcours lui paraît interminable. Les autres médecins qui l’accompagnent noient leur ennui dans une consommation effrénée de cigarettes. Encore une fois, elle se retrouve la seule représentante de son sexe dans cet univers d’hommes. De plus, sa jeunesse l’exclut doublement de leur conversation. Dans ce monde misogyne, être femme et médecin-chimiste à 30 ans a appris à Doris à tenir sa place fermement et discrètement. Elle savait en choisissant cette carrière qu’elle devrait se battre pour s’imposer. Son ambition, son implication et sa passion pour son métier ont réussi à la faire accepter dans cette communauté. Pour atteindre ce but, elle ne cède à aucune compromission, elle est probablement un des praticiens les plus zélés de l’équipe. Elle ne ménage pas son temps ni son corps. D’ailleurs, elle a décidé de cacher au mieux ce dernier pour renvoyer exclusivement autour d’elle l’image de la professionnelle et non celle de la femme. Ses longs cheveux blonds et épais sont toujours enfermés dans un chignon sévère. Elle évite soigneusement de paraître sans sa blouse et aucun maquillage ne magnifie son visage. Elle a également banni les sourires de la gamme des expressions qu’elle s’autorise. Elle s’applique à entretenir un côté revêche qui ne lui correspond pas. Elle considère que sa carrière le mérite et l’y contraint. C’est ainsi que bien qu’elle se sache belle femme, elle réussit à éloigner les hommages masculins qui ne pourraient que la desservir.