Extraits

Au fond, se dit-il, la vraie justice ne peut exister. La seule qui vaudrait consisterait à défaire ce qui a été noué au moment du drame, et c'est impossible.

Elle pensait avoir peur, elle comprend qu'elle est au-delà de la peur. Elle ne s'appartient plus, elle est un jouet entre les mains des autres.

Kolia, son amour et son cauchemar. Comme elle l'aime, ce frère qui a ruiné sa vie!

Lorsqu'elle entend quel sort a été décidé pour Léna, Anne se prend -lentement, oh, très lentement- la tête entre les mains. Les larmes jaillissent maintenant, salutaires et bienvenues, et redoublent quand Léna vient enlacer sa soeur.

Vous, les jurés, pouvez bien condamner mon frère à vingt ans, et ma soeur à cinq! se dit Anna avec tristesse. Que savez-vous de la détresse effarée dans laquelle je survis, moi qui ne suis pas jugée? Que savez-vous de la souffrance des accusés et des tourments abominables de leurs proches? Quoi qu'il se passe ce soir, j'ai la certitude d'avoir été, moi, condamnée à la peine maximale.

Quoi qu'il se passe ce soir, j'ai la certitude d'avoir été, moi, condamnée à la peine maximale.

Michèle Frémont, qui s'est volontairement laissée aller à la grandiloquence, arrange ostensiblement les manches de sa robe, comme pour se forcer au calme.

Quand elle reprends, elle a changé de ton: sa voix, tout à l'heure vibrante de colère, se teinte d'émotion contenue.

-Je le jure, répond Karine en levant la main droite, parce qu'elle croit ce geste indispensable, bien qu'on ne lui ait rien demandé de tel.

Non, poursuit-elle silencieusement, je n'oublierai pas que l'accusé est présumé innocent, et que rien ne le condamne d'avance, surtout pas moi.

Monsieur le président, je ne cherche pas à excuser ce qu'il a fait, je dis simplement que les circonstances de sa vie l'ont rendu fou pendant quelques jours. Kolia n'est pas un vrai criminel, c'est un type bien qui a basculé en trois jours.

Anna retient un rire amer. Elle a l'impression d'avoir déjà 100 ans.