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Commentaires de livres faits par Pepe-3

Extraits de livres par Pepe-3

Commentaires de livres appréciés par Pepe-3

Extraits de livres appréciés par Pepe-3

Chapitre 1
- Je suis assez vieux pour savoir ce que j’ai à faire, allez oust, dehors ! Sortez de ma maison ! hurla le fantôme au cheveu rare et à la mâchoire édentée en brandissant sa canne à tête d’oiseau.
- Vous n’êtes pas « vieux », vous êtes mort, Aaron, remarquai-je, agacée.
Le boulot d’une faucheuse est loin d’être aussi facile que la plupart des gens l’imaginent, parce que même si une majorité de défunts acceptent de passer dans l’au delà, il existe une petite minorité d’esprits récalcitrants qui estiment que la mort est un concept largement surfait et qui cherchent à s’incruster un peu plus longtemps dans le monde des vivants. En particulier ces maudits français. Je ne sais pas ce qu’il se passe dans la tête de ces gens, mais entre les complotistes qui vous expliquent que la mort n’existe pas et que c’est une vaste machination, et les révoltés qui hurlent à l’abus de pouvoir et vous traitent de fasciste, ils vont finir par me rendre dingue…
- Raison de plus pour me foutre la paix ! tonna-t-il d’un ton furieux.
Je passai nerveusement ma main sur mon visage. Ma journée avait commencé à 4 heures du matin par l’élimination d’un nécromant qui avait capturé l’âme de son ex-femme (il n’avait pas digéré le montant exorbitant de sa pension alimentaire) , j’avais dû ensuite guider les âmes d’une quinquagénaire et de sa belle-mère ( ces deux idiotes, trop occupées à se disputer et à se reprocher mutuellement la responsabilité de l’accident de voiture qui venait de leur couter la vie, avaient loupé leur ascension). Et ce n’était qu’un début. Au fil des heures, ma journée n’avait fait qu’empirer. Il était à présent deux heures du matin passées et j’étais affamée, sale, épuisée et je n’avais qu’une envie : prendre un bon bain et avoir une vraie nuit de sommeil.
- Oh croyez-moi, je ne demanderais pas mieux mais je dois faire mon boulot.
- Quel boulot ?
- J’ai pour mission de vous guider vers le grand tout.
Il releva le menton en guise de défi.
- J’en ai rien à faire du grand tout, je veux rester ici et puis c’est tout !
Mouais et moi je voulais aller me pieuter et abandonner ce crétin à son triste sort. A chacun son karma.
- Aaron, à cause de vous, j’ai une mère sous antidépresseurs, des enfants traumatisés qui font des cauchemars et un homme entre deux âges sur le point de faire un infarctus ! Vous ne croyez pas que ça suffit comme ça ?
- Il ne s’agissait que de quelques plaisanteries. Ce n’est quand même pas ma faute si mon neveu, sa femme et leurs affreux bambins n’ont pas le sens de l’humour.
Ben ouais, voir des tableaux se fracasser sans raison sur le sol, les portes de sa maison s’ouvrir et se fermer toutes seules ou entendre des bruits de pas inexpliqués, bref, vivre dans une maison hantée, incite généralement davantage à la panique qu’à la crise d’hilarité…Va comprendre.
- Ils ne sont pas les seuls. Toute la rue est en train de se cotiser pour embaucher les services d’un médium !
Il haussa les sourcils, soudain intéressé.
- Ça marche vraiment leur truc de médium ? Vous pensez que s’ils en font venir un et que je lui demande de dire à mon neveu de faire réparer ma vieille horloge, il pourra lui transmettre mon message ?
Je lui jetai un regard incrédule. Les seules personnes capables de communiquer avec les esprits étaient les chamans, les nécromants ou les yamaduts, et il nous était formellement interdit de faire étalage de nos dons devant de simples mortels.
- Non. Les médiums humains sont soit des illuminés, soit des escrocs.
- Dommage… Bah ce n’est pas grave, tant que ce crétin et sa famille décampent d’ici...
N’ ayant probablement pas d’enfants, son neveu et sa femme avaient dû hériter de la maison d’Aaron, mais ça n’avait visiblement pas l’air de lui plaire.
- Pourquoi ? Pourquoi tenez-vous tant à les faire fuir ? demandai-je d’un ton curieux.
- C’est ma demeure et ces idiots ont tout changé. Regardez ces horribles papiers peints qu’ils ont mis dans le salon, et ces rideaux !
J’embrassai rapidement la pièce du regard. Là, il n’avait pas foncièrement tort, ces immenses fleurs orange et marron posées sur les murs avaient largement de quoi filer la nausée, tout comme les bibelots juchés sur les étagères, mais…
- Ils sont chez eux. Ils font ce qu’ils veulent.
Il frappa sa canne sur le sol.
- Si j’avais su, j’aurais légué ma maison à Ruffy !
- Ruffy ?
- Mon caniche !
Je poussai un soupir. Les fantômes étaient pleins de regrets. C’était d’ailleurs pour cette raison que les esprits devenaient des fantômes. Ils pensaient pouvoir régler après leur mort, les problèmes qu’ils n’avaient déjà pas su régler de leur vivant.
- Et je suis certaine qu’il en aurait été ravi. Allez, venez, il est temps de me suivre.
- Ah non !
- C’est un ordre, pas une négociation.
- Je m’en fiche ! De toute façon, il doit forcément y avoir une erreur !
- Une erreur ?
- Une confusion de nom ou autre. Je ne devais pas mourir, j’en suis certain ! Je veux faire une « réclamation » !
Les défunts perdaient à la fois leurs souvenirs et leur personnalité petit à petit, mais ce n’était pas le cas d’Aaron. Non lui, avait décidé de se montrer éternellement pénible.
- Quand on est mort, on est mort, il n’y a ni méprise, ni recours possible.
- Ça, c’est vous qui le dîtes, mais rien ne me force à vous croire.
- Je suis une porteuse d’âmes, je ne vois pas l’intérêt que j’aurais de vous mentir.
Il me dévisagea d’un air sceptique.
- Une porteuse d’âmes mon œil ! Tout le monde sait que les faucheuses ont de longues capes noires et des faux !
Je levai les yeux au ciel.
- Navrée de vous décevoir, mais ma cape est au pressing et ma faux avait besoin d’être aiguisée.
- Vous vous fichez de moi ?
Je haussai les épaules.
- C’est vous qui avez commencé.
Il plissa les yeux.
- Bon ça suffit ! Sortez de chez moi !
Je faisais toujours mon maximum pour convaincre les esprits de me suivre de leur plein gré parce que ça rendait mon job plus facile et que je préférais user de mes talents de diplomate plutôt que de mon pouvoir de coercition, mais c’était un choix délibéré de ma part, pas une obligation. Et j’étais bien trop fatiguée pour continuer ce petit jeu avec lui. Mon quota de patience était épuisé et « content ou pas content », il allait devoir se plier aux règles, comme tout le monde.
- Vous ne direz pas que je ne vous ai pas prévenu, rétorquai-je tandis que la magie de mort se déversait dans mes veines comme une cascade dans une gorge profonde.
- Que faîtes-vous ? fit-il soudain d’un ton prudent en regardant ébahi, la lumière argentée qui emplissait mes yeux.
Pointant un doigt dans les airs, je dessinai un sigle incandescent et une lumière vive et blanche apparut soudain dans la pièce.
- Vous la voyez cette fois ?
- Quoi ?
Poussant un soupir, je laissai mon pouvoir se propager et la luminosité gagna soudain en intensité.
- Non, non, non ! Arrêtez ça ! Je ne veux pas ! J’ai… j’ai encore des tas de choses à faire, je ne suis pas prêt ! -hurla-t-il d’un ton affolé.
Personne ne l’est jamais.…
- Vous peut-être pas, mais moi, je n’ai pas l’éternité devant moi.
Pour être honnête, je n’en étais pas complètement certaine. C’est le problème quand on est la fille d’un vampire, autrement dit d’un immortel et d’une sorcière de guerre, on ignore si on est mortelle ou non. Je pouvais tout aussi bien vieillir et mourir dans quelques décennies que vivre pendant des siècles. Je n’en savais fichtrement rien et pour tout dire, je ne tenais pas vraiment à le savoir.
- Non, non, attendez !! On peut… je suis sûr qu’il y a un moyen de…
- Ne détournez pas vos yeux de la lumière Aaron, ordonnai-je d’une voix qui n’était déjà plus tout à fait la mienne.
Les pupilles du fantôme se dilatèrent tandis qu’il découvrait le paysage féérique qui venait d’apparaitre au centre de la tornade lumineuse.
- Beau, si beau…, murmura-t-il.
Mes yeux noyés d’étoiles se posèrent sur le fantôme. L’expression de son visage avait changé du tout au tout :ses traits ne reflétaient plus ni colère ni frustration, mais il arborait un sourire béat, extatique, tandis qu’il contemplait les prairies recouvertes de fleurs en forme de petites lunes scintillantes qui semblaient s’étendre à l’infini , les papillons aux ailes couleur de nuit qui virevoltaient en laissant une jolie trainée de poussière dorée à chaque battement d’ailes et qu’apparaissait lentement, au fond, à demi suspendue, la rivière arc en ciel. La rivière aux esprits.
- Allons-y, il est l’heure, fis-je en me débarrassant de mon enveloppe corporelle comme d’un manteau trop chaud.
Abandonner mon corps au beau milieu du salon d’une maison inconnue ne me plaisait pas et je ne parvenais jamais vraiment chasser le sentiment de malaise que je ressentais à chaque fois qu’il me fallait m’en séparer pour franchir le Tolan, la porte du royaume des morts. Mais que voulez-vous que je vous dise ? Ce n’était pas non plus comme si on m’avait donné le choix. J’avais déjà de la chance de pouvoir conserver mon apparence charnelle sous ma forme « spirituelle », je ne pouvais pas non plus me montrer trop exigeante.
- Où … où allons-nous ? bredouilla-t-il en me suivant dans le cercle lumineux.
- Sur la voie.
- Quelle voie ?
- Celle qui mène vers le grand tout.
Quelques mètres plus loin, il demanda à nouveau, en clignant des paupières comme s’il venait brusquement de se réveiller :
- Où allons-nous ?
Je n’étais pas surprise de l’entendre reformuler la même question. Plus Aaron s’enfonçait dans l’au-delà, plus sa conscience s’écoulait et disparaissait dans la blancheur nacrée qui nous entourait. Encore quelques mètres de plus et il finirait par aussi oublier son nom, son passé, l’endroit où il se trouvait… encore quelques mètres et il ne serait plus qu’une coquille vide…
- Quelle importance ?
- Je… je ne sais pas.
Je lui souris sans rien dire et continuai à avancer.
- Où… où allons… ?
Il se figea puis regarda autour de nous, l’air perdu.
- Tout va bien, Aaron.
Il ne s’agissait pas d’un mensonge à proprement parler mais je ne pouvais m’empêcher de ressentir une sorte de tristesse à ce stade, une petite sensation de perte. L’Aaron que j’avais sous les yeux allait disparaitre à jamais. Il allait renaitre, certes, mais pas dans cette version. Pas avec ces émotions, ces souvenirs. Cette personnalité.
Je l’enveloppai de mon pouvoir et son expression s’apaisa aussitôt. Paix, chaleur, sérénité… tels étaient les effets de la magie des yamaduts. Tels étaient les effets de la magie de mort.
- Oui, oui, tout va bien, répondit-il.
Je lui souris à nouveau. Aaron n’apparaissait plus sur mon radar comme un fantôme mais comme une âme à part entière. Une jolie âme. Une âme pure. Ce qui me surprenait un peu. Rares étaient les gens qui pouvaient se vanter d’avoir une âme aussi claire et si on m’avait posé la question encore quelques instants plus tôt, je n’aurais certainement pas imaginé qu’il puisse appartenir à cette minorité, cette toute petite minorité de personnes qui n’avaient pas grand-chose à se reprocher.
- Nous sommes arrivés, annonçai-je quelques minutes plus tard.
- Arrivés ?
Je hochai la tête, consciente qu’il ne parvenait probablement plus vraiment à percevoir le monde qui l’entourait, qu’il était incapable de formuler une pensée cohérente et qu’il ne comprenait pratiquement plus le sens des mots.
- Approchez-vous un peu, voulez-vous ? fis-je en le poussant avec ma magie.
Il ne chercha pas à résister et avança vers la rivière aux mille couleurs tandis que je restais, muette, à l’observer. Je regardai un instant L’âme d’Aaron s’écouler dans le flux, puis, une fois que le grand tout l’eut entièrement bu et aspiré comme un baigneur entrainé vers le fond par un courant marin, je fis demi-tour et m’éloignai doucement.
Chapitre 2
- Eh ! La belle au bois dormant, tu attends quoi pour bouger tes fesses ? Un baiser du prince charmant ?
- Pourquoi ? Tu as son numéro de portable ? grommelai-je, les yeux fermés
- Allez Leo, il est temps de décamper ! insista Ariel à nouveau.
- Laisse-moi deux minutes, deux toutes petites minutes…
- On ne les a pas.
Bon sang, qu’est-ce qu’il croyait ? Que je pouvais réintégrer mon corps et retrouver mes capacités motrices en quelques secondes après un voyage dans l’au-delà ? Je n’étais pas idiote, je savais parfaitement que je me trouvais dans le salon de la maison d’Aaron et que le charme d’endormissement qu’Ariel avait lancé à sa famille risquait bientôt de s’estomper et qu’il nous fallait disparaitre au plus vite, mais je pouvais à peine remuer mes jambes et je n’étais pas encore certaine de pouvoir me relever.
Je l’entendis bruyamment soupirer.
- Très bien, à trois, je te soulève et je te porte…
Je grimaçai. Ariel possédait certaines d’indéniables qualités mais la sollicitude n’en faisait définitivement pas partie.
J’ouvris lentement les yeux.
- Comme si tu en étais capable…
- Oh mon ange, quand il s’agit de toi, je suis capable de tout, remarqua-t-il en approchant son visage à quelques centimètres du mien.
Je retins mon souffle. Regarder Ariel d’aussi près était comme se faire physiquement frapper. Il était d’une beauté si irréelle, si surnaturelle, que c’en était presque douloureux. Je savais que j’aurais dû être immunisée depuis le temps, mais non. La perfection de ses traits, de ses magnifiques cheveux noirs et ses yeux bleu-vert étincelants, restait toujours aussi saisissante.
- Ecarte toi.
- Pourquoi ?
- Je ne peux plus respirer.
- Je peux arranger ça, murmura-t-il en approchant ses lèvres si près des miennes que je pouvais sentir son souffle dans ma bouche.
- Continue à faire l’idiot et je t’arrache les yeux !
Son regard pétilla d’amusement.
- Désolé, je ne peux pas m’en empêcher. J’adore l’effet que je te fais.
- Quel effet ? tu délires, répondis-je en me relevant d’un bond.
- Tu rougis, mon ange.
- Et maintenant tu hallucines. Si j’étais toi, je songerais à consulter.
- Inutile, je n’ai aucun problème.
- Hum… voyons voir…comportement violent, troubles de la personnalité, désordres émotionnels, ego surdimensionné…
Il arqua un sourcil.
- Mon ego est à la bonne dimension, autrement dit proportionnel à mes nombreux talents.
- Tu n’es vraiment qu’un arrogant salopard, grommelai-je en me dirigeant vers le hall d’entrée.
- Me flatter ne te mènera nulle -part.
- Baisse-toi ! lançai-je d’un ton d’urgence en sortant sur le perron.
Il s’accroupit aussitôt, aux aguets et les yeux irradiants de magie et je ne pus réprimer un frisson. A chaque fois qu’il faisait ça, à chaque fois, ça signifiait que quelqu’un allait mourir.
- Position ? Cible ?
- Aucune. Je craignais juste que ta grosse tête ne t’empêche de franchir la porte.
La lumière reflua de ses yeux et il me regarda l’air de dire « Non mais tu te fiches de moi ? »
- Ah ! Ah ! c’est hilarant.
Je remarquai tout à coup qu’il pinçait légèrement les lèvres.
- Tu ne vas pas bouder, quand même ?
Il me dépassa et se dirigea vers la voiture garée en face de la maison, avant de brusquement se retourner et de me demander d’un ton excédé :
- Bon, on y va oui ou non ?
Non, bien sûr qu’il n’allait pas bouder. Les tueurs à sang froid, les princes de glace comme lui, ne boudaient pas. Ils flinguaient, dépeçaient, éviscéraient, démembraient et ensorcelaient pour exprimer leur mécontentement, mais ils ne boudaient pas. Où avais-je la tête ?
- Ceinture, ordonna-t-il tandis que je me glissais sur le siège avant de la voiture.
- Tu as des problèmes d’élocution ? Tu t’es brûlé la langue ? demandai-je d’un ton taquin.
- …
- Ne t’en fais pas, si tu as une raison médicale qui t’empêche d’ajouter « s’il te plait » à la fin de tes phrases, je peux très bien les terminer pour toi. Regarde …
Je formai un bec de canard avec ma main puis claquai rapidement mes doigts contre mon pouce en disant avec une voix aigüe de petite fille :
- Je m’appelle Ariel et je n’ai jamais appris à « merci, pardon, désolé, s’il te plait… », mais je sais compter jusqu’à trois. Un… deux… oups ! C’est quoi après « deux », déjà ?
Il leva les yeux au ciel.
- Si j’étais toi, j’éviterais de me lancer dans une carrière de comique.
- Je pourrais te surprendre…
Il poussa un soupir.
- Leo, je ne démarrerai pas cette putain de bagnole tant que tu n’auras pas bouclé ta ceinture.
- Tu réalises que je pourrais passer à travers la vitre et m’en sortir sans une égratignure ?
- Leo, gronda-t-il en me fixant sévèrement.
- D’accord, d’accord mais c’est ridicule, fis-je en m’attachant d’un geste rageur.
- Cesse de te comporter comme une enfant, tu veux ?
- Ce n’est pas me comporter comme une enfant que de te rappeler combien je suis difficile à tuer.
Il esquissa un petit sourire.
- Personne n’est difficile à tuer, en tout cas, pas avec des moyens adéquats et une bonne préparation.
Si ces mots étaient sortis de la bouche de n’importe qui d’autre, j’aurais probablement objecté, mais Ariel n’était pas seulement un tueur doué, c’était l’un des meilleurs…
- C’est ta manière de me dire que tu n’as jamais manqué une cible ?
Ses lèvres se retroussèrent en un sourire moqueur.
- Jamais. Et toi ?
- Je ne…
Les mots moururent dans ma bouche tandis que des crampes me perforaient soudain brusquement l’estomac.
- Que t’arrive-t-il ? fit-il en me jetant un regard inquiet.
- Je ne me sens pas très bien.
Il fronça les sourcils en me dévisageant :
- Tu claques des dents.
- J’ai froid …
- A quand remonte ton dernier repas ?
- On a dîné avant de venir, donc ça ne fait pas plus d’une quinzaine d’heures.
- Je reformule : depuis combien de temps n’as-tu pas bu de sang ?
Je réfléchis.
- Je n’en sais rien, peut-être 24 ou 48 heures.
- Pas étonnant que tu sois aussi faible ! gronda-t-il avant d’ouvrir sa portière et de se diriger vers le coffre de la voiture.
Quelques instants plus tard, il se réinstallait face au volant et me lançait une poche de sang.
- Tiens ! Attrape ça !
- Merci mais je suis une vampire civilisée, j’aurais pu attendre d’être à la maison.
Il arqua un sourcil.
- Je ne connais aucun vampire civilisé, juste des vampires prudents.
Depuis que la guerre qui dévastait la communauté surnaturelle avait pris fin, les clans avaient conclu de nombreux accords. L’un d’eux interdisait aux Nosferatu de se nourrir directement des humains et nous contraignait à nous approvisionner dans des banques de sang privées.
- Encore tes ridicules à priori ?
- Pas des à priori, des faits. Les vampires ont besoin non seulement de sang pour survivre mais aussi de chasser …c’est dans leur nature. Un prédateur reste un prédateur… Il suffit d’observer ton père…
Il sourit, une lueur moqueuse dans le regard et ajouta en faisant démarrer le moteur ;
- Ou mieux, ta mère…
Mon père, un ancien et puissant vampire régnait sur les Nosferatu du vieux continent et ma mère, la reine des Vikaris était à moitié sorcière et à moitié démon, mais ni l’un ni l’autre n’était foncièrement mauvais.
- Ils ne sont pas les monstres que tu imagines…
- Ah non ?
- Non, et si tu les connaissais mieux, tu verrais qu’ils ont aussi de bons côtés.
Il me jeta un regard dubitatif, son torse se mit à trembler comme s’il était secoué par des spasmes puis un rire tonitruant s’échappa de sa gorge.
- De bons « quoi » ? Mouah ! Ah ! ah !
Okay. Mon père, Michael, pouvait se montrer parfois un peu excessif (comme la fois où il avait fait décapiter les membres de sa garde de jour avant de planter leurs têtes sur une pique), mais ça n’empêchait pas les Nosferatu de vénérer le sol qu’il foulait sous ses pieds. Quant à maman…ouais, bon là d’accord, on ne devient pas reine des impitoyables et terrifiantes sorcières de guerre, sans avoir un gout prononcé pour le massacre et le meurtre, mais …
- Je ne plaisante pas, ils peuvent se montrer très gentils et …
Je m’arrêtais brusquement de parler tandis qu’il redoublait d’hilarité.
- Oh non arrête, je n’en peux plus !
Je plissai les yeux.
- Je vais te tuer, je vais te tuer avant de brûler ton cadavre et de saler la terre où tu seras enterré.
- Mauvaise idée, répondit-il en tentant de reprendre son sérieux. Je suis le seul à savoir conduire et donc à pouvoir trimballer tes fesses n’importe où.
Là il marquait un point. Il me fallait encore attendre un an et mes dix-huit ans pour pouvoir obtenir un permis de conduire français, mais je comptais bien le passer aux Etats-Unis. A condition bien sûr que ma mère m’autorise enfin à rentrer à la maison et ça, ce n’était pas gagné. Mon stage de formation chez les Vikaris était censé durer trois mois mais ça faisait maintenant près de sept mois que j’étais coincée ici et que ma mère continuait à repousser la date de mon retour.
- Je pourrais engager un chauffeur.
- Ne te gêne pas, miss Daisy, précise juste dans ton annonce qu’il devra aussi servir de garde-corps, d’assistant pour tes meurtres, de croque-mort et de fossoyeur …
Si Avec ça, si les postulants ne se bousculent pas au portillon…
- C’est une façon subtile de réclamer une augmentation ?
Il s’esclaffa à nouveau.
- Tu en as les moyens, sale petite fille riche !
- Je ne suis pas une petite fille riche.
Un petit rire s’échappa de sa gorge.
- As-tu la moindre idée de la somme astronomique que Raphael te verse chaque mois ? Et je ne parle même pas des somptueux cadeaux que t’offre ton père …
Mon père… ce mot continuait à résonner étrangement à mes oreilles… ce n’était pas une sensation désagréable mais un peu déroutante…cela faisait pourtant plusieurs mois que je résidais régulièrement dans le château de Michael et que nous faisions lentement connaissance, mais bizarrement, quelque chose au fond de moi, continuait à se demander si c’était bien réel…
- Je n’ai rien demandé.
Les mots étaient à peine sortis de ma bouche que je voulais les ravaler. Je ne voulais pas paraitre ingrate. Raphael, le petit ami de ma mère, mon mentor et le maître de tous les vampires, veillait à ce que je ne manque de rien et surtout pas d’argent… Et Michael, mon père biologique, son vassal, le roi des Nosferatu d’Europe, essayait de compenser toutes ses années d’absence en me couvrant de présents aussi onéreux qu’inutiles… et je leur en étais extrêmement reconnaissante, mais je mentirais si je disais qu’être la petite fille chérie de deux des plus puissants immortels de ce monde, était toujours de tout repos.
- Et tu n’auras jamais à le faire.
Bizarrement, je n’étais pas certaine de savoir si ça devait me réjouir ou m’inquiéter…
- Mais bon, parce que c’est toi et que je t’aime bien, je peux aussi accepter un paiement en nature si ça t’arrange, ajouta-t-il avec un petit rire.
- Voilà qui est très généreux de ta part, répondis-je d’un ton ironique.
Il me fit un clin d’œil.
- J’ai le sens du sacrifice.
- C’est effectivement la première réflexion qu’on se fait quand on te rencontre … on se dit tout de suite « waouh, c’est dingue ce que ce tueur à gages a le sens du sacrifice ».
J’étais de mauvaise foi parce que je savais pertinemment qu’Ariel ne faisait plus partie des « Uturu » ( un clan de sorciers assassins dont les plus éminents membres se font appeler « ombres » parce qu’on ne parvient à détecter leur présence qu’une fois qu’ils ont atteint leur cible ), mais j’adorais le titiller, et puis ce n’était pas non plus comme s’il avait définitivement cessé toute activité criminelle ou qu’il s’était complètement rangé. Non, ça aucun risque. Tueur il était, tueur il était resté. Il mettait juste ses talents à profit pour servir une plus noble cause : la mienne.
Il grimaça.
- Tu veux que je te dise ? Tu as mauvais esprit.
Je souris sans répondre et laissai mon regard errer sur les paysages environnants. L’aube paraissait s’éterniser comme si la nuit se retirait à contrecœur et que les ténèbres luttaient avec acharnement pour tenir la lumière le plus longtemps possible à l’écart. Je n’étais pas un véritable vampire, mais je ressentais toujours quelque chose de spécial, une sorte de peine infinie et de détresse quand je voyais pointer l’aube. Je n’en avais jamais parlé et je ne pensais pas que maman ou que quiconque à part Ariel, ne l’ait jamais remarqué mais c’était infiniment douloureux. Presque aussi douloureux qu’une blessure physique. Et je me sentais fragile et désemparée à chaque fois que ça se produisait.
- Le soleil se lève, tu te sens bien ? demanda Ariel en m’entendant soupirer.
Je me forçai à sourire.
- Je ne comprends pas pourquoi ça me fait toujours cet effet.
Il hocha la tête en signe de compréhension puis répondit doucement :
- Tu devrais profiter du voyage pour dormir un peu. Tu as vraiment une petite mine.
Une petite mine ? Baissant le pare-soleil, j’observai mon reflet en fronçant les sourcils. J’avais l’air trop pâle, presque malade. Mes yeux émeraude semblaient dévorer pratiquement mon visage et mes joues s’étaient légèrement creusées, ce qui indiquait que j’avais perdu du poids et qu’il était grand temps pour moi, soit de prendre des vacances, soit de me nourrir davantage. Possiblement-les deux. Décembre était le mois le plus chargé de l’année pour les faucheuses, mais cela faisait plus de six semaines que nous étions en plein coup de feu, je ne voyais toujours pas le bout du tunnel, j’étais complètement rincée. Trop rincée pour pouvoir continuer longtemps à ce rythme.
- Changement de plan, annonçai-je après quelques secondes de réflexion.
- Je dois avoir peur ?
- On va s’arrêter à mi-chemin et trouver un hôtel où dormir quelques heures. J’en ai ma claque, je veux dormir dans un vrai lit et récupérer un peu avant de rentrer.
- Je ne suis pas sûr que ce soit très prudent.
Non, ça ne l’était pas. Traverser un territoire appartenant à un autre clan sans autorisation pouvait s’avérer hautement problématique en cas de contrôle. Les déplacements des créatures surnaturelles sur le continent européen ( pour ne pas dire, partout dans le monde) étaient réglementés et les infractions aux lois en vigueur, sévèrement réprimandées. Mais je n’étais pas une créature magique ordinaire et je n’obéissais qu’aux ordres d’Hela, la déesse de la mort.
- Il reste douze heures de route et on n’a pratiquement pas dormi ces derniers jours, on a besoin de repos, fis-je en fouillant dans la boite à gant.
- Tu sais ce qu’il risque d’arriver si on se fait repérer ?
Oui. On risquait de devoir se battre et tuer quiconque pourrait poser problème. Mais la probabilité de nous attirer ce genre d’ennuis était faible et j’étais prête à prendre le risque en échange de quelques heures de sommeil.
- Je sais, oui.
Un rire cascada dans sa gorge.
- Je vais finir par croire que j’exerce une très mauvaise influence sur toi.
Il s’arrêta ensuite de rire puis demanda en me voyant fouiller dans la boite à gant :
- Qu’est-ce que tu cherches ?
- Ton portable, le mien est déchargé.
- Dans la poche de mon blouson.
Je détachai ma ceinture quelques secondes, attrapai son perfecto de cuir noir sur la banquette arrière. Puis, après une recherche rapide sur internet, je bookai un hôtel sur notre trajet.
- La chambre est réservée, fis-je en tapant l’adresse sur le GPS.
- Dis-moi qu’ils ont un jacuzzi.
- Et pourquoi pas une jolie masseuse tant que t’y es ?
- Si c’est proposé si gentiment, pourquoi pas en effet.
Je levai les yeux au ciel et me blottis au fond de mon siège. Une masseuse et puis quoi encore ? Je n’avais aucune envie de voir ou d’imaginer une fille en train de le toucher, de le caresser, de le…Et non, non, je n’étais pas jalouse. Juste une fille complexe.
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-Knox, tu bois un shot à chaque fois que Belzébuth te dit quelque chose de méchant. Monsieur Sullivan, vous et votre compagne, vous buvez dès qu'elle prononce le mot pédophile. Moi, je me prends un shot à chaque fois qu'elle dit quelque chose de raciste.
-On va tous finir torchés, maugréé-je.
-Aucun risque, je tiens bien l'alcool.
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