Extraits

Si tout le monde possède à l’état naturel la foutue mallette à pression, rares sont ceux qui ont la bonne fortune de détenir la mallette à anti-pression : fabriquez la vous-même, point besoin d’être un artiste. Cela vous demandera du temps, de la patience et de l’effort, c’est là que toute l’énergie que je vous supplie d’économiser prend son importance… La mallette ne peut se fabriquer qu’à partir de soi-même, avec les matériaux extraits à coups de pioche de son âme…Vingt outils principaux, par ordre croissant de difficulté : égoïsme, narcissisme, paresse, disponibilité, éparpillement, légèreté, confiance en soi, indépendance, autonomie, solitude compacte, acquisition du sens du terme liberté, négligence, patience, insouciance, désinvolture, indifférence, respect de l’autre, oubli, apathie et détachement.

Vous n’avez en réalité aucun choix, car, de par votre nature personnelle, la vie se chargera de vous embarquer sans vous demander votre avis dans la voie de la stabilité conservatrice ou bien de la mobilité libertaire…. Car la voie de la stabilité détermine, comme je l’ai exposé avec clarté, une implosion lourde de l’amour, le transmuant en un compagnonnage poli ou en une douce amitié. De deux choses l’une. Soit vous trouvez satisfaction dans cette transmutation et je ne vous jette pas la pierre, tant l’amour représente une somme d’emmerdements et de perte d’énergie proprement inadmissible. Mais en ce cas, s’agissant de l’amour, vous n’êtes plus concerné et bon vent… Soit vous n’êtes pas satisfait par cette transmutation et, déçu, en quête inlassable d’amour, vous faites expLoser votre union stable pour aller voir ailleurs, ou bien vous la ménagez tout en allant voir à coté, c’est équivalent, et vous tombez aussi sec dans la position seconde que j’ai décrite, à savoir l’instabilité, la liberté, et l’angoisse. Donc, s’agissant de l’amour, il ne nous reste plus à la vérité qu’un seul choix, ce qui ne s’appelle plus un choix mais une fatalité : le chaos.

L’autre branche de l’alternative : union libre avec un être instable, sans engagement d’amour à vie, dans des lieux variables, chacun sous son toit, boulots instables, revenus chaotiques, autorisant une progéniture possiblement déstabilisée… En échange, autonomie absolue, libre disposition de soi-même, évolutions, enrichissements, surprises, transformations, éblouissements La tentation est forte. Mais je dis « halte-là, sachez dans quoi vous vous engagez : dans l’instabilité… avec son cortège d’anxiétés, de peines et de joies, de solitude compacte, d’angoisses d’abandon et, partant, de demandes, de prières, d’injonctions, et sa mallette à outils de pression.

Le reproche est la denrée la plus répandue sur terre, avec la guerre, qui est également une absurdité crasse… rien que dans cette fière paroisse de Normandie, sur une durée de 21 années, on obtient le chiffre impressionnant de 385 relations foutues en l’air sur la base de cette absurdité crasse qu’est le reproche… Les gens changent donc, de leur propre ressort. Mais du ressort des autres, non… Avec un simple reproche tous les deux jours, vous amenez l’explosion de la chaudière en un délai sportif de 51 jours…

A raison d’un appel tous les 4 jours, l’amour vous pête dans les mains en l’espace de 15 mois… N’oubliez pas dans vos calculs de bien tenir compte de l’exponentielle : plus le temps passe, plus l’effet de pression s’accentue… Si on vous tape 15 fois sur le doigt avec un marteau, vous n’avez pas 15 fois plus mal, mais 127,4 fois plus. Je ne vous fourgue pas des chiffres au hasard. La preuve en est que si l’on vous tape 200 fois sur le doigt, vous n’avez pas 200 fois plus mal, vous n’avez plus de doigt, c’est tout (n’écoute pas mon garçon, on discute entre grands)…

La pression en effet imprime sur toute matière qui la subit un mouvement de déplacement qui éloigne l’objet sur lequel elle s’exerce… l’homme appartient, de par sa nature, à la catégorie des matières molles semi fluides sur lesquelles le phénomène de la pression va donc pouvoir s’appliquer pleinement… plus tu presses sur quelqu’un, plus il se barre… l’outil, sa répétition, sa cadence est la trilogie de base… Les moyens de pression sur un être humain par ordre croissant : coup de téléphone, lettre, sollicitation, invitation, demande, prière, récrimination, reproche, supplique, exigence, revendication sommation interdiction chantage ultimatum et enfin, commandement. Chacun de ces moyens varie avec la répétition et la cadence… une pression durablement exercée sur un être humain, assortie d’une répétition et d’une cadence, précipite inévitablement, je classe par ordre : la bifurcation, le repli, l’éloignement, la fuite, voire la disparition totale de l’être sur lequel s’est exercée la pression… Plus la répétition et la cadence des moyens de pression augmentent, plus l’effet de disparition de l’être aimé est prompt et assuré… Certains types de pression sont strictement irréparables, comme l’ultimatum… Le chantage s’appuie sur une subordonnée de condition alors que l’ultimatum n’est pas une condition mais un choix imposé, à très court terme. Dès que la pression atteint ces degrés… vous êtes foutu, de toute façon, telle une chaudière ayant passé 3,5 bars de pression et 95ºC de température. L’homme lui ne dispose pas de clapet de sécurité…

Un homme en train de pisser tout seul au milieu d’un champ n’est rien. (C’est sa nature de pisser contre l’arbre, sa définition même, l’ennemi trouvé…)… Quand à l’implication des femmes dans la guerre, il est évident que leur impossibilité physique à pisser contre un arbre les handicape gravement dès la naissance dans la poursuite du combat…

Soit dit en passant (mais ne vous alarmez pas, je garde un œil sur la structure de l'oeuvre), il y a quelque chose d'un peu agaçant à sans cesse m'adresser à ce "vous" anonyme. Ces "pensez-vous" et "sachez bien que" commencent à vous énerver, et moi aussi. Il y a dans ces formulations systématiques quelque chose d'à la fois docte, formel et désincarné qui finit par chauffer sérieusement les oreilles. Or un recueil de vérité doit bien se garder de chauffer les oreilles de son lecteur, et de son auteur."Ce petit livre ressemble à un sketch, en fait. Ça ferait un merveilleux monologue sur scène ! On s'amuse, on rit aux éclats bien souvent, et quand on a tourné la page 94 on réalise qu'il a été question de la guerre, de l'amour, de la religion, du sens de la vie, et que tout ça était très juste.

C'est dire si le thème de l'amour, qui formera le noyau dur de ce traité, n'a pas de secret pour moi. Avec ce traité, ce foutu truc de l'amour devient un jeu d'enfant. Je ne m'attarderai pas plus que de raison sur Comment le rater, question que tout un chacun a plus ou moins réussi à régler par ses propres moyens, tout rudimentaires soient-ils.

J'ai eu, vous vous en doutez, au cours d'une vie qui bondit follement d'aventure en trépidation, maintes occasions d'observer le lion, majestueusement étendu dans les herbages détrempés du plateau d'Ecaudart (Haute-Normandie). Soit dit en passant, ces longues heures d'observation passées couchée dans la steppe humide des champs de betteraves, je les ai vécues sans craindre le froid ni le lion, car la peur m'est inconnue. Ne tentez l'expérience qui si vous êtes doté vous-même d'un courage d'acier et n'oubliez pas de vous installer contre le vent, petite ruse, gros résultats, afin que le lion ne perçoive pas l'odeur proprement écœurante de l'homme.