Petits Déjeuners Avec Quelques Écrivains Célèbres
Auteur
- Christine Montalbetti (Écrivain)
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extrait
Nos visages toujours dévastés par les coups de pinceau anarchiques et violents du néon qui s’acharne à peindre de nous deux des doubles fantastiques et dont le masque terrible se creuse d’ombres horrifiques, nous ne sommes plus, de Jean-Philippe Toussaint et de Christine Montalbetti, que les spectres épouvantables, les fantômes malheureux, hantant, c’est bien notre chance, ce bar d’hôtel désert et rétréci, où notre dialogue s’envase sous les couches de nos fatigues, qui ne se sont pas gênées, elles, pour s’associer, liguées ensemble contre nous et de telle sorte que nous ne pouvons séparément faire le poids face à elles.
Et alors même que ce n’est pas tous les jours, saperlipopette, que je bois un verre avec Jean-Philippe Toussaint, l’épuisement, comme l’aquarium lancinant, comme le revêtement mochard du comptoir (les cyclistes ne sont plus qu’un souvenir en pointillé qui surpique lâchement mon monologue), ont raison de ma capacité à me sentir seulement présente à la situation, que je considère désormais à travers des centimètres de brouillard, Excusez-moi, mais votre silhouette même s’efface, absorbée par cette brume, Excusez-moi, mais je ne vois plus grand-chose, Je crois, dis-je, à voix plus ou moins haute, je crois qu’il est grand temps que j’aille me coucher, ou quelque énoncé du même acabit.
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Résumé
Christine Montalbetti raconte neuf petits déjeuners qu'elle a pris, les uns, dans des circonstances privées, les autres, dans des contextes institutionnels, avec quelques écrivains. Ces récits constituent des hommages discrets et délicats à ces auteurs, dont le portrait n'est jamais appuyé, mais seulement esquissé, presque fantomatique. Car ces textes s'inquiètent (et s'amusent) de notre fascination pour ce tout ce qui est «people» et qui hante le discours contemporain. Ils interrogent, implicitement ou dans un jeu explicite, notre curiosité, et les motivations de cette attente. Jouant avec notre désir, Christine Montalbetti, comme les personnages de ses Nouvelles sur le sentiment amoureux aime à pratiquer l'esquive. Les écrivains traversent ces petits déjeuners comme des présences douces, et le récit s'attache bien plutôt à saisir des états intérieurs, au travers de ces narrations, variées, contemplatives, humoristiques ou mélancoliques, et qui convergent vers un petit déjeuner dans un hôtel japonais qui se laisse furtivement gagner par le fantastique. Slalomant sur la difficile frontière entre ce que l'on révèle et ce que l'on retient, Christine Montalbetti fait aussi de ces Petits déjeuners... l'occasion d'un autoportrait ténu, dispersé, fragile.
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