Extraits

Dire les choses, c'est déjà un peu y répondre.

Les chiffres. Les chiffres sont comme des gouttes d'eau, qui font ploc ploc à l'intérieur de ma tête. Je ne sais pas combien de fois ils me sont venus en aide, débarquant en renfort quand mes trois singes étaient sur le point de se faire déborder, ou bien au contraire, m'évitant d'avoir à les dessiner, ce qui est parfois pratique quand on ne dispose d'aucun mur blanc ! Je ne sais comment l'expliquer, mais il existe entre les chiffres et moi une complicité, et pourquoi avoir peur de le dire ?, une tendresse. Les chiffres ne me cachent rien, ils se dévoilent à moi totalement nus. En fouinant l'autre jour dans la bibliothèque d'Antoine, Nicolas a découvert un poème qui l'a bouleversé : c'était «Voyelles», d'Arthur Rimbaud. Rimbaud, ai-je commenté, qui aurait pu s'appeler Rainbow tant sa poésie contient de couleurs. Moi, c'est en passant devant un kiosque à journaux que j'ai eu mon illumi­nation. Ne riez pas ! C'est là, en effet, que j'ai acheté mon premier recueil de sudokus...

- On te tient, fouineur !

- Tu croyais nous échapper longtemps ? On connaît ces couloirs mieux que toi !

- Et puis d'abord, tu vas où comme ça ? T'as une planque, là-dessous ? T'es en fugue ? T'aurais dû nous en parler, venir nous voir.

- Ouais, comme qui dirait, c'est à nous ici, tout le coin. Depuis les rails jusque-là, aussi loin qu'on peut aller dans le noir !

Les voix avaient surgi des couloirs alentour. Arthur accusa le choc, les jambes pantelantes. Son cœur faisait des bonds énormes dans sa poitrine. Quelle frousse ! Le parcours était éclairé par des appliques grillagées, mais de trop faible intensité pour dissiper complètement les zones d'ombre. Des ombres ! Voilà, c'étaient des spectres d'en dessous qui le narguaient ! Venus pour se venger de quelque sacrilège... Malgré la fraîcheur qui régnait sous le béton, le garçon sentit des gouttes de sueur perler sur son front.

"Les adultes me désespèrent. Ils ont des yeux et ils sont incapables de voir..."

Claire, chap 18

D'accord, les hommes ont peur du noir, ce n'est pas une nouveauté, mais il ne faut pas exagérer. Pas tricher, plutôt. Parce qu'ils ont peur du noir, c'est vrai,mais également de la pleine lumière. Celle qui montre les gens et les choses telles qu'ils sont vraiment.

L'autre jour, dans la bibliothèque d'Antoine, je suis tombé par hasard sur un livre. C'est la photo de couverture qui m'a attiré. Elle représentait un jeune homme aux yeux très clairs, des yeux qui regardaient ailleurs. Quand je dis ailleurs, c'est vraiment ailleurs. J'ai commencé à le lire et j'ai compris que c'était un recueil de poèmes. Des poèmes écrits par le type en photo sur la couverture et qui s'appelait Arthur Rimbaud. "Il aurait pu s'appeler Rainbow".

Il lui sembla que les dragons l'encouragaient. Elle s'arrêta pour souffler. Les sifflements et les feulements se firent plus insistants. Elle serra les dents et reprit sa progression. Sa reptation. Alors qu'elle aurait dù, logiquement, tourner lé dos à la crypte et essayer d'atteindre la sortie, la lumière, elle se traînait sur le sol en direction des monstres. Elle cligna des yeux. Est-ce que c'était une illusion d'optique ? La crypte s'était éloignée ! Elle accéléra l'allure s'écorchant les avans-bras contre la roche. Peine perdue, elle n'avait pas gagné un centimètre. Elle refoula un sanglot. Si elle était partie vers la lumière, la lumière aurait-elle fui elle aussi ? Elle n'eut pas le temps d'y réfléchir. Un battement d'ailes déchira le silence. Un dragon fondait sur elle...

Je marche sur un fil, le fil de la raison, tendu au dessus de l'abîme de la folie. Avec trois singes sur les épaules, une pile de livres dans une main et des bouchons d'oreille dans l'autre.

Quand j'étais petite, j'avais un lapin. Un lapin en peluche. Je suppose que si j'avais été un garçon j'aurais eu un ours ou un lion. Mais j'étais une fille alors c'était un lapin.

Son regard passa à travers Goodfellow, franchit le mur de l'immeuble d'en face et vit deux silhouettes rougeâtres qui les observaient à l'abri des rideaux. L'un penché sur l'assemblage aux tons jaune des fils d'une caméra dernier cri. L'autre branché à un micro directionnel hypersensible diffusant une vague lueur orangée.

Nicolas se frotta les yeux et remit ses lunettes.

- Effectivement, ça s'assombrit dehors, annonça-t-il. On devrait y aller avant d'être surpris par la nuit.

Instare : poursuivre, importuner

Les chiffres. Les chiffres sont comme des gouttes d'eau, qui font ploc ploc à l'intérieur de ma tête. ]e ne sais pas combien de fois ils me sont venus en aide, débarquant en renfort quand mes trois singes étaient sur le point de se faire déborder, ou bien au contraire, m'évitant d'avoir à les dessiner, ce qui est parfois pratique quand on ne dispose d'aucun mur blanc ! Je ne sais comment l'expliquer, mais il existe entre les chiffres et moi une complicité, et pourquoi avoir peur de le dire ?, une tendresse. Les chiffres ne me cachent rien, ils se dévoilent à moi totalement nus. En fouinant l'autre jour dans la bibliothèque d'Antoine, Nicolas a découvert un poème qui l'a bouleversé : c'était «Voyelles», d'Arthur Rimbaud. Rimbaud, ai-je commenté, qui aurait pu s'appeler Rainbow tant sa poésie contient de couleurs. Moi, c'est en passant devant un kiosque à journaux que j'ai eu mon illumination. Ne riez pas ! C'est là, en effet, que j'ai acheté mon premier recueil de sudokus...