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Commentaires de livres faits par Phil_33

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Extraits de livres appréciés par Phil_33

Tout le monde a en tête des images du Mont Blanc et de sa Mer de Glace qui montrent son recul de plus de 2,5 km et de 200 m d’épaisseur [1].

Et franchement, tout le monde (ou presque) s’en fout ! En voilà une belle affaire ! Eh, dites, si les hivers sont moins froids, ça nous coûte moins cher en chauffage !... Ah !

Eh bien, figurez-vous qu’une petite savoyarde, mignonne comme tout, s’est prise de passion pour ces grands malades que sont les glaciers. Elle se nomme Heïdi Sevestre. Elle est née en 1988 à Annecy et intègre l’École supérieure européenne d'ingénierie de l'espace rural (IER) à Poisy. En 2011 elle obtient un poste de doctorante au centre universitaire du Svalbard [2] (Norvège) et est reçue à l’école doctorale de la faculté de mathématiques et de sciences de l'université d'Oslo. Sa thèse porte sur la dynamique des surges glaciaires [3], soutenue en 2015, puis elle part pendant deux mois en Antarctique étudier la barrière de glace du Larsen C.

La planète a toujours connu des périodes de refroidissement et de réchauffement, mais sur des temps géologiques. Or l’accélération du réchauffement actuel est à l’échelle d’une génération humaine. « À 1 000 kilomètres du pôle Nord, le Svalbard est l’épicentre du réchauffement. Ici on ne parle pas de 2 ou 3 °C d’ici la fin du siècle, mais bien de 7 à 10 °C (voire 20 °C en hiver). Il est vital pour envisager l’avenir de comprendre les processus de la fonte de la glace, là, sous nos yeux, à une rapidité inconcevable à l’échelle de temps de la glaciologie classique. »

Et donc, de ses balades reposantes et exotiques, loin de son bureau, notre petite montagnarde a rapporté la matière de ce livre. Des quatre coins du monde où il fait bon vivre (Brrrrr !), du Groenland, de l’Himalaya, de Colombie, de l’Antarctique… partout, la glace fond !...

Si je ne devais prendre qu’un seul exemple, je choisirais celui de l’Antarctique et du Larsen C, c’est celui le plus complexe, le plus significatif, peut-être le plus instructif à qui veut l’entendre…

Par où commencer ?

Par quelques précisions (définitions ?) pour les ignares, comme moi…

Banquise : c’est une étendue marine ou côtière couverte par une couche de glace provenant de la congélation de l’eau de mer (entre -1 et -2°C). Elle peut être recouverte de neige tassée ou d’eau douce gelée.

Barrière de glace : c’est une plateforme de glace qui constitue le prolongement d’un ou plusieurs glaciers. Celle qui nous intéresse ici (du Larsen C) a une épaisseur d’environ 800 m et est composée de trois couches principales : une fine épaisseur de neige en surface ; puis en dessous la glace venue de la terre, lentement descendue par gravité et qui s’est étirée en flottant sur l’océan ; et l’eau de mer qui gèle en profondeur – la glace sous-marine – et se colle en dessous de la glace continentale.

Le Larsen C : En l’honneur de Carl Anton Larsen, capitaine Norvégien du Jason, navire d’exploration polaire, qui le premier partit en mission autour de la péninsule Antarctique en 1893, on baptisa Larsen A, B et C les trois baies comblées par la barrière de glace le long de la péninsule Antarctique, la partie C étant la plus vaste.

« Le Larsen A s’est effondré en 1995. Le Larsen B a vêlé de nombreux icebergs cette même année et s’est disloqué définitivement en janvier 2002. Cet effondrement s’est produit en quelques semaines. »

Or, sur l’écran des radars d’observation s’affichent d’étranges figures allongées qui ressemblent à de longs serpents, ou à des saucisses ou des boudins de 1 kilomètre de long environ. Des dizaines, des centaines de boudins énigmatiques au cœur de ce mur de glace flottant multimillénaire. C’est de l’eau ! Des lacs d’eau à l’intérieur de la glace ! « J’aimerais croire que ce paysage est inaltérable. Qu’il durera aussi longtemps que son existence passée. Un instant, je ferme les yeux, je revois les boudins d’eau dans sa chair, comme autant de métastases, programmées à proliférer sans remède. Ce corps de la barrière de glace est au mieux celui d’un cancéreux au stade 4. »

Pendant les relevés sur le terrain, on leur signale la présence d’une crevasse, un « rift », visible sur les images satellites. Observée depuis l’avion de l’équipe, la crevasse se révélait large et profonde de plus ou moins 400 mètres, surplombée de falaises immaculées. « En juillet 2017, la faille atteint l’océan, des milliers de fissures se rejoignent, et la barrière vêle le plus grand iceberg jamais mesuré, d’une superficie de 5 800 kilomètres carrés, long de 170 kilomètres, l’équivalent de l’État du Delaware ou deux fois le Luxembourg. »

La libération des millions de tonnes d’eau douce ne va pas contribuer à l’élévation du niveau de la mer (la barrière est déjà dans la mer) mais va modifier la température et la salinité de l’océan.

En effet, les courants marins sont de véritables fleuves circulant à l’intérieur des océans, certains à la surface, d’autres dans la profondeur des mers. Suivant leur position sur le globe, éloignés ou non de l’équateur, ils sont froids ou chauds. Ainsi le Gulf Stream apporte une partie de la chaleur accumulée dans le golfe du Mexique vers l’Europe, adoucissant son climat. Le courant autour de l’Antarctique, brassant les eaux de l’Atlantique, du Pacifique et de l’Océan Indien, est le plus puissant de la planète.

Plus une eau est froide et salée plus elle est dense et plus elle plonge profondément sous les courants de surface et forme les courants profonds. Les uns et les autres effectuent autour des mers et océans une boucle circulante, une sorte de tapis roulant global sous-marin, que l’on appelle la circulation thermohaline.

À cela, ajoutons que les banquises côtières et les barrières de glaces protègent les glaciers côtiers de l’effet des vagues (en 2023 la reconstitution hivernale de la banquise de l’Antarctique a atteint le maximal le plus bas depuis l’établissement des relevés, et de loin – 16,96 Mkm2 [4]). Leur démantèlement et disparition exposent dangereusement ceux-ci dont la fonte provoquerait une montée du niveau des océans catastrophique :

L’Antarctique est un continent d’environ 14 millions de kilomètres carrés (1,5 fois l’Europe), recouvert d’une couche de glace de 1,6 kilomètre d’épaisseur. Comme tous les glaciers, celui de l’Antarctique est en mouvement et, dans son cas, en direction vers l’océan Austral. Dans l’hypothèse où l’ensemble de la calotte du pôle Sud se désintégrerait, le niveau des océans augmenterait de 58 m en moyenne partout sur Terre, bouleversant nos frontières, nos économies.

Le monde, tel que nous le connaissons, disparaîtrait (Sauf erreur de ma part, ma propre maison se retrouverait à une vingtaine de mètres de profondeur…).

Et pourtant, chaque année, lors de la COP, les politiques assis à la table des négociations vivent dans la durée politique, celle des échéances électorales ou ministérielles. Pour les populations, l’urgence d’une action radicale leur échappe complètement puisque tout va à peu près bien à leurs portes. La majorité des citoyens ne fait pas de la réduction de la consommation des énergies fossiles une priorité absolue. Ils sont bien plus préoccupés par les problèmes sociaux ou économiques immédiats. Quant aux entreprises, dont les actionnaires attendent leurs dividendes et les salariés leurs rémunérations, au niveau actuel de taxation du CO2, préférer une énergie fossile à un investissement éolien ou solaire, reste largement rentable… à court terme.

Et puis il y a l’un des montages les plus performants de l’industrie pétrolière, dans ce travail de sape, qui a été de rejeter l’effort de la réduction des émissions sur l’individu, sur le consommateur au lieu de l’entreprise, du producteur et du vendeur. Au point que même l’expression « réduction des émissions des gaz à effet de serre » est un élément de langage répandu par ces mêmes lobbies. Si l’expression n’est pas fausse, elle n’est pas sincère. Elle détourne l’attention en la focalisant sur l’effet (l’émission de gaz) au lieu de désigner l’origine : l’extraction et l’exploitation du charbon, du pétrole et du gaz. « Ce qu’il faut réduire, au plus vite, c’est la production et la consommation des énergies fossiles. »

Mais un autre adversaire, auquel sont confrontés ceux qui rappellent la nécessité primordiale de la réduction de l’usage des énergies fossiles, est un mal beaucoup plus insaisissable, invisible et silencieux. « Ce mal est le manque de connaissances scientifiques, le manque de compréhension de la crise qui est en train de se dérouler sous nos yeux. Ces lacunes se découvrent jusque parmi les négociateurs du climat. Le manque d’une connaissance solide sur le climat ou la glaciologie des responsables, quel que soit d’ailleurs leur niveau de responsabilité, est un obstacle que les scientifiques ont largement sous-estimé ; pire, dont la classe politique et les médias se croient indemnes. »

Alors, au moment de quitter son Université Post-doc, le 1er décembre 2017, Heïdi songe aux neiges du Kilimandjaro qui disparaissent, aux fjords du Svalbard désormais libres de glaces, aux bergers de l’Himalaya qui ne reconnaissent plus leur paysage natal, aux caféiculteurs Boliviens qui voient leur réseau d’irrigation se tarir avec la disparition des glaciers des Andes, au Larsen C dévoré de métastases… Elle pense que l’on peut encore tenter de « sauver la glace et donc l’humanité » et elle se souvient de cette phrase de "Baba Dioum", un ingénieur agronome sénégalais : « À la fin, nous préserverons seulement ce que nous aimons ; nous aimerons seulement ce que nous connaîtrons, et nous ne connaîtrons seulement ce qui nous aura été enseigné. »

« Montrer, enseigner, faire découvrir, ouvrir des perspectives, libérer l’énergie. Oui. »

« Nous ne sauverons la vie humaine sur Terre que parce que nous aurons aimé les hommes, la Nature. Et la glace. C’est cela la « vulgarisation ». Faire aimer. »

Elle est désormais certaine que l’impact de son action sera beaucoup plus efficace qu’en se consacrant à la recherche pure. « Je ne me souviens plus qui a écrit que l’on reconnaît le bon chemin à la joie qu’il procure. »

La "vulgarisation" est fondamentale parce que le changement climatique va modifier le paradigme sur lequel notre quotidien se construit depuis la révolution industrielle, à savoir l’énergie produite par le charbon, le pétrole et le gaz. Ce qui signifie le gaz ou le fuel de notre chauffage, l’essence de notre voiture, le kérosène de nos avions, les dérivés du pétrole dans les plastiques, les textiles, le moindre objet manufacturé…

Et de fait, depuis que j’ai commencé la lecture de ce livre, j’ai déjà rencontré deux entretiens de notre savoyarde, l’un dans "Version Fémina" d’il y a 20 jours et l’autre dans le "Télérama" du 16/12/2023…

Et, bien sûr lors du 3ème entretien du livre "Chaleur humaine" [5].

Ce livre est un réel document de « vulgarisation scientifique » qui se cache derrière une autobiographie où Heïdi décrit ses observations au fur et à mesure de ses expériences professionnelles. Moins factuel qu’une « transmission » classique, cet ouvrage est, de ce fait, plus vécu émotionnellement et gagne en humanité tout en restant riche en enseignements. J’en recommande la lecture à tout climatosceptique ayant l’honnêteté de bien vouloir s’interroger. Il y découvrira une jeune scientifique qui délaisse sa passion – la recherche pure – touchée par la conviction profonde de son devoir de transmettre un savoir à qui veut l’écouter, pour essayer, tous ensemble, de sauver l’humanité.


P.S. : Dernière minute (dernière absurdité) : Connaissez-vous les « Climate interventions » ?

Une trouvaille Américaine qui consiste en une kyrielle de technologies destinées à résoudre les problèmes causés par la technologie : réduire le rayonnement solaire en rendant la surface terrestre plus claire (miroirs, sphères de silice blanche…), rendre l’atmosphère plus opaque au rayons solaires (injections de particules de soufre dans la stratosphère, éclaircissement des nuages marins…), et le tout, pour pouvoir continuer à utiliser les énergies fossiles !...

Alors là, je mets mon grain de sel : notre petite savoyarde a la gentillesse de dire : « Derrière ces projets, on découvre […] des ingénieurs. Ils souhaitent évidemment, comme les climatologues, glaciologues ou océanographes, résoudre le problème de la crise climatique, mais, contrairement aux scientifiques purs, ils pensent le climat de façon simplifiée, en raisonnant comme des ingénieurs, c’est-à-dire en proposant des solutions purement technologiques.
Pour le dire crûment, les ingénieurs nous agacent, nous, les scientifiques de terrain. »

Moi qui suis un "pur technicien" dans l’âme, je dis STOP ! Sans rien connaître de la situation, je suis persuadé qu’ON (politiques, lobbyistes, financiers…) a demandé aux ingénieurs des solutions technologiques pour pallier le réchauffement climatique, et qu’ils ont proposé ce qu’ils savaient faire. Tout en sachant qu’il ne s’agit pas de LA solution mais d’une mauvaise temporisation à court terme. Souvenons-nous de l’entretien n°8 de "Chaleur humaine" avec Aurélien Bigo, Docteur de l’Institut Polytechnique : « L’avenir de la voiture est électrique, mais la voiture n’est pas l’avenir. » Les ingénieurs savent trouver des solutions, même néfastes, même transitoires. C’est leur rôle.

L’erreur ne vient pas des solutions proposées mais de leur avoir demandé des "caches poussières".

« Il est urgent que les États, les gouvernements, les institutions scientifiques, les femmes et les hommes de science, alertent, encadrent ou même interdisent les initiatives des apprentis sorciers et leurs propositions technologico-rassuristes. »

Attention, ma belle, de ne pas sombrer dans le corporatisme, on a vu aussi des "scientifiques" faire fausse route, perdre tout sens commun si ce n’est la raison…


Notes :

[1] https://www.nouvelobs.com/planete/20190628.OBS3872/avant-apres-regardez-comme-les-glaciers-francais-ont-fondu-en-150-ans.html

[2] le SVALBARD, vous savez, c’est cet archipel idyllique (d’après Heïdi) sur le 79e parallèle Nord (mais oui, si je vous dis que l’île principale s’appelle "Spitzberg" vous allez tout de suite percuter !) au Nord-Est du Groenland où il fait nuit presque six mois de l’année, où les 2800 habitants se bousculent à raison de 0,05 habitants au km2 avec des températures moyennes maximales de 8,8°C et minimales de -19,5°C (record de froid -46,3°, de chaud 21,7°)… le Paradis, quoi !

[3] Une surge glaciaire est un phénomène glaciaire brutal et bref qui consiste en une avancée très rapide d'un glacier.

« Certes, seuls 1 à 2 % des 200 000 glaciers de notre planète semblent pouvoir produire des surges, mais ils suffisent largement à changer la donne. […] Et aujourd’hui, à chaque avancée, nous découvrons que la crise climatique est encore plus prononcée que nous ne le pensions. »

[4] https://www.liberation.fr/environnement/climat/la-banquise-de-lantarctique-atteint-un-record-de-petitesse-depuis-le-debut-des-releves-20230926_AEMCRQSYHRFYZJWEWMX7UFNYCY/

[5] https://www.senscritique.com/livre/chaleur_humaine/62317013
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C’est la mort dans l’âme que j’abandonne la lecture de cet ouvrage de Léa Lansade dont Wikipédia nous dit que : "En octobre 2023, elle publie un ouvrage de vulgarisation scientifique intitulé Dans la tête d'un cheval, qui constitue une récapitulation des perceptions de cet animal et des différentes manières de comprendre son comportement et son ressenti. Le magazine L'Éperon qualifie cet ouvrage de « pépite »".

Léa Lansade est née en 1979, c’est une chercheuse en éthologie, elle a soutenu sa thèse, sur « Le tempérament du cheval » en 2005. Elle co-dirige l'équipe « Cognition, éthologie et bien-être animal » de l’unité de recherche du CNRS, de l'Institut français du cheval et de l’équitation et de l'INRAE, à l'université de Tours.

Disons-le carrément, je croyais aimer tout ce qui touche la science et la vie. Je croyais aimer les animaux en général, et les chevaux en particulier. Dans une autre vie, ma femme et moi sommes montés de nombreuse fois sur le dos de chevaux de bonne volonté. Nous en avons gardé de légères séquelles mais aucune rancune, bien au contraire, conscients de notre amateurisme. Mais plutôt un goût d’inachevé et un amour inassouvi pour ces êtres extraordinaires.

Donc lorsque j’ai vu ce titre « Dans la tête d’un cheval » j’ai tout de suite eu envie de le lire. D’autant qu’il fait partie d’une collection « Monde Animaux » dirigé par Jessica Serra dont j’avais particulièrement apprécié le livre « Dans la tête d’un chat ».

Quand bien même ai-je arrêté ma lecture un peu avant le milieu du livre, celle-ci m’a appris un grand nombre de détails que seule une éthologue passionnée peut transmettre.

Ainsi j’ai découvert qu’en fin de compte, il n’y a pas si longtemps que les hommes ont apprivoisé les chevaux « C’était entre 2200 et 2000 avant notre ère, à l’âge du Bronze. À ce moment-là, l’humanité avait déjà construit des pyramides, était avancée dans la médecine et maîtrisait l’écriture. » Si on excepte les premiers indices d’une tentative de domestication qui ont été datés à 5500 avant notre ère, dans des campements proches de l’actuel Kazakhstan, dans la région de Botaï. Mais ces chevaux-là ne sont pas les ancêtres des chevaux modernes.

On apprend également à quel point ces grands animaux sont de êtres sensibles – et je note au passage que l’on ne met plus en doute, comme il y a encore peu, que les animaux sont tout à fait capables d’émotions – et comment ils expriment leur trouble, etc.

Seulement voilà, sans doute ne suis-je pas assez passionné par le genre équin : je m’ennuie !

Pour mon niveau d’intérêt, quelque chose manque dans la prose de Léa. J’ouvre le livre, à chaque fois, en me forçant, en faisant appel à la raison, en me disant « Tu vas voir, tu vas apprendre quelque chose de nouveau ! » Ce qui arrive systématiquement, il faut le reconnaître. Mais entre deux séances de lecture, l’envie de passer à autre chose se fait de plus en plus pressante.

Et j’ai fini par succomber !
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C’est un ami palois qui m’a offert cette promenade dans le Bordeaux des années 80, à moi, le si peu parisien et si bordelais de cœur. Je l’en remercie infiniment car la flânerie vaut le voyage. Jacques Zacharie s’en est donné à cœur joie.

Depuis 1986, Jacques Zacharie, guide conférencier fondateur de l’association Molisa, nous fait découvrir Bordeaux en proposant des visites guidées, à thèmes et sur mesure. Historien d'art, il a toujours dessiné, jusqu'à ce que sa ville lui inspire Le Manuscrit de Bordeaux, sa première bande dessinée.

Comme nous l’explique son ami Florian, dans la préface, les deux mis sont mis en scène dans une "fantasque" quête d’un mystérieux manuscrit des Essais de Michel Montaigne qui auraient énigmatiquement échappés à l’incendie de son château du Périgord qui les a fait disparaître au XIXe siècle. Mais « si l’histoire est fausse […] le dessin est vrai et son talent trouve son ampleur dans ces superbes vues de Bordeaux qui vous plongeront, lecteur, dans l’univers de ces photographies d’antan qui savaient en un clic capturer, l’espace d’un instant, l’instant dans l’espace. »

Si le scénario est simpliste et ne doit être vu qu’à l’égal d’un prétexte, les dessins sont en effet tout à fait remarquables de précision, tout en camaïeux de gris et noir, garantissant une exactitude architecturale toute photographique.

Moi qui ai pratiqué le dessin et la peinture, en amateur, pendant vingt ans, curieusement ce que j’ai le plus apprécié, ce sont les silhouettes des personnages secondaires, évoqués en "deux traits" rapides et spontanés, preuves d’une grande maîtrise.

Et puisque l’instant est au chauvinisme : c’est vrai que ma ville est belle !...
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En matière de dérèglement climatique notre société peut être répartie en trois catégories de personnes, toutes persuadées de détenir la vérité :

- Nous avons les « Dindons », ils s’en foutent complètement, ne sont pas concernés, c’est à peine s’ils en ont entendu parler. Alors quant à avoir une opinion… Il fait plus chaud que d’habitude ? On boit un coup… Il ne pleut pas depuis longtemps ? De toutes façons, quand il pleut, on râle, alors…

- Viennent ensuite les « Autruches », ah oui, eux, ils connaissent, mais c’est normal, il y a toujours eu des périodes froides et d’autres plus chaudes dans l’histoire de la planète. Quant à l’activité humaine ? C’est un complot pour faire peur aux masses. Il s’agit d’une conjuration des gouvernements mondiaux pour que les imbéciles (la troisième catégorie) se ruent sur les voitures électriques, les pompes à chaleurs, les panneaux solaires et autres gadgets, à des fins commerciales…

- Enfin, suivent les « Moutons », une catégorie qui refuse de se cacher la réalité et veut réagir. Pourquoi « Moutons » ? C’est ainsi que les nomment les « Autruches », car ils suivent le sens des recommandations des dirigeants. Des girouettes, des marionnettes en somme, manipulées par le pouvoir !...

Êtes-vous prêt à affronter quelque 7000 mots ? Si non, passez à autre chose. L’avenir de l’humanité ne vous concerne pas.

Si oui, dans ce qui suit, nous ignorerons les deux premières catégories (les uns s’en fichent, les autres savent déjà tout) et nous nous glisserons dans la peau des « Moutons », pour essayer de comprendre…

Ce livre est une compilation de 18 entretiens extraits des épisodes (37 au total) du podcast Chaleur humaine diffusés entre mai 2022 et juin 2023. Chacun des 18 entretiens n’est évidemment pas retranscrit (mais difficilement réduit à 200-300 mots chaque), je n’ai retenu qu’un ou deux éléments qui m’ont paru essentiels, de façon tout à fait subjective.

Vous pouvez les écouter sur le site du Monde à l’adresse :

https://www.lemonde.fr/podcast-chaleur-humaine/ .

Le podcast Chaleur humaine :

« Chaque semaine, Nabil Wakim reçoit celles et ceux qui pensent et qui agissent pour faire face au défi climatique. Un rendez-vous à retrouver sur notre site et sur toutes les plateformes de podcast. »

Nabil Wakim est né au Liban en 1981. Il est diplômé du CELSA (École des hautes études en sciences de l'information et de la communication, interne à Sorbonne Université), il enseigne le journalisme à Science Po Paris et travaille pour le journal Le Monde, il anime le podcast et la newsletter Chaleur humaine depuis 2022.

En bon « Mouton » qui se respecte, dès l’Avant-propos, Nabil fixe le but de son podcast : « Désormais, presque tous les pays du monde sont d’accord sur l’objectif à viser pour faire face au réchauffement : il nous faut atteindre la « neutralité carbone » avant 2050. Ce qui veut dire qu’il faut s’être débarrassé d’ici là du pétrole, du gaz et du charbon – qui représentent aujourd’hui 80 % de l’énergie utilisée dans le monde. »

Or, les scientifiques sont formels. Notre conduite actuelle nous mène tout droit au désastre. Si nous ne prenons pas un virage radical, la planète sur laquelle nous vivons sera inhabitable dans quelques dizaines d’années. Et nous n’avons pas de planète de rechange. C’est de ce constat sans appel qu’est né au printemps 2022 le projet de podcast Chaleur humaine dans la rédaction du Monde.

1. Comment s’adapter au changement climatique ? avec Magali Reghezza-Zitt

Magali Reghezza-Zitt est née en 1978 à Nice. Elle intègre l'École normale supérieure de la rue d'Ulm (Promotion 2000). Puis obtient l'agrégation de géographie en 2003. Elle est maître de conférences HDR (habilitée à diriger des recherches en 2015) et membre du Centre de formation sur l’environnement et la société de l'École normale supérieure de Paris. Elle est nommée en 2019 membre du Haut Conseil pour le climat.

L’activité humaine a modifié le climat, et les composantes planétaires, à une vitesse jusque-là inconnue. En France, le climat s’est réchauffé depuis 1900 de plus de 1,7 °C. Au niveau du monde, c’est à peu près 1,2 °C. On le voit de manière très concrète dans le monde agricole.

Des actions de grande ampleur doivent être entreprises en évitant les entreprises à courte vue telles que celles qui consistent à bâtir une digue pour se protéger des inondations ou des canons à neige qui font croire aux gens qu’il y a de la neige, et donc qu’on peut continuer artificiellement une activité.

Mais faire baisser les émissions de gaz à effet de serre ne suffit pas. Il faut vraiment s’attaquer dès maintenant à adapter nos vies aux conséquences des températures qui montent et du changement climatique.

2. Comment parler du climat ? Avec Valérie Masson-Delmotte

Valérie Masson-Delmotte, née en 1971 à Nancy, diplômée de l'École centrale Paris en 1993 elle obtient en 1996 un doctorat en physique des fluides sur la "Simulation du climat de l'holocène moyen".

En 1993, elle devient chercheuse au Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement du CEA, et directrice de recherches depuis 2008.

Elle a été en pointe dans la lutte contre le climato-scepticisme (À ce sujet, je recommande instamment aux "Autruches" de ne pas lire le document "Déni du réchauffement climatique" : https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9ni_du_r%C3%A9chauffement_climatique

Car cela pourrait nuire gravement à leur santé mentale).

Elle est membre du Haut Conseil pour le climat, créé en 2018.

Pour Valérie, parler du changement climatique c’est s’adapter à son auditoire.

Avec des décideurs politiques il faut invoquer l’impact des actions sur l’activité économique : le développement des énergies renouvelables, la rénovation des logements… sont créateurs d’emplois. Il ne s’agit pas simplement d’actions pour le climat mais de bâtir une économie bas carbone.

Avec les « climato-négationnistes » l’attitude est plus délicate et évolue : « Quand j’ai commencé à faire des interventions publiques, j’ai vite pris de plein fouet une série d’argumentaires. Dans un premier temps, il s’agissait d’arguments climatosceptiques, de déni du rôle de l’influence humaine, de la gravité des risques, ou des risques futurs ou même de la capacité à agir. Aujourd’hui, ils prennent une forme plus masquée, plus insidieuse, celle de multiples discours d’inaction. »

3. Comment sauver les glaciers ? Avec Heïdi Sevestre

Heïdi Sevestre, née en 1988 à Annecy, elle obtient son baccalauréat scientifique option biologie écologie à l'ISETA (ancien lycée agricole de Poisy) et intègre l’École supérieure européenne d'ingénierie de l'espace rural (IER) à Poisy.

Elle obtient fin 2011 un poste de doctorante au Centre universitaire du Svalbard (Norvège) et est reçue à l’école doctorale de la faculté de mathématiques et de sciences de l'université d'Oslo. Sa thèse porte sur la dynamique des surges glaciaires, soutenue en 2015, puis elle part pendant deux mois en Antarctique étudier la barrière de glace du Larsen C.

En 150 ans, la Mer de Glace a reculé de 2,7 km. Est-ce si important ?

Ces glaces sont importantes pour un tas de raisons : elles nous aident à stabiliser le climat, ces surfaces blanches réfléchissent les rayons du Soleil en direction de l’espace ce qui maintient ces espaces de montagnes et ces régions polaires froides ; ce sont des réserves d’eau douce ; si on laissait fondre toutes les glaces sur Terre, le niveau des océans augmenterait de 65 mètres. C’est monumental. Si par exemple le Groenland venait à perdre sa glace, il y aurait à peu près 7 mètres d’augmentation du niveau des mers. Pour l’Antarctique, on atteindrait 58 mètres.

Et si le permafrost dégèle, toute la matière organique contenue dans ce permafrost rejetterait des gaz à effet de serre – dont le méthane, qui est un gaz à effet de serre extrêmement puissant. Or, si nous pourrons contrôler, nous les humains, nos propres émissions, ce qu’on ne pourra pas contrôler, ce sera le dégel du permafrost et ses propres émissions.

Donc, Aujourd’hui, on sait que si on veut éviter de dépasser les 1,5 °C d’échauffement, il ne faut absolument pas toucher aux réserves pétrolières et gazières de l’Arctique.

4. Comment lutter contre la sécheresse ? Avec Florence Habets

Après un DEUG de math et une maîtrise de physique (option météo), Florence Habets obtient un doctorat d’hydrométéorologie en 1998. Elle réussit en 1999 le concours chercheur au CNRS et intègre le CNRM à Toulouse. Aujourd’hui directrice de recherche CNRS au laboratoire METIS (Milieux Environnementaux, Transferts et Interactions dans les Hydrosystèmes et les Sols) et hydrométéorologue, elle est également professeure attachée à l'Ecole Normale Supérieure.

Le fait qu’il y ait moins d’eau et qu’il fasse plus chaud favorise la multiplication des bactéries et des algues. L’eau qui a été prélevée a été potabilisée, ce qui consomment de l’énergie. Ensuite, on est obligé de la retraiter pour la dépolluer avant de la réinjecter dans le milieu.

Dans les régions où il y a un déficit en eau régulier, la solution de prélever plutôt l’hiver et de stocker dans des bassines serait une solution raisonnable si le climat était constant, mais « On peut déjà savoir que ce ne sera pas une solution, parce que cette piste du stockage d’eau a été expérimentée dans beaucoup de pays et n’a conduit qu’à des impasses, notamment à être de plus en plus dépendant d’une ressource qui se raréfie. »

Quand on a moins d’eau et qu’en plus elle est dégradée, on n’a plus d’eau du tout ! Il faut donc réduire drastiquement les intrants chimiques agricoles. Cela demande de mettre en place des solutions en rupture avec à l’agriculture conventionnelle, telles que l’agriculture biologique ou l’agroforesterie. Et pour limiter le ruissellement il est très important de réduire l’artificialisation des sols*.

(*) Artificialisation des sols : le fait de les rendre imperméables par l’urbanisation, la construction de zones commerciales ou industrielles, la construction ou l’agrandissement de voies de communication, etc.

5. Comment rompre avec les énergies fossiles ? Avec Céline Guivarch

Céline Guivarch, est née en 1980, elle est diplômée de l'École polytechnique et de l'École nationale des ponts et chaussées. Elle effectue une thèse en économie dans le cadre du Centre international de recherche sur l'environnement et le développement (CIRED). Elle est membre du Haut Conseil pour le climat et une autrice du sixième rapport d'évaluation du GIEC.

Le premier chiffre qui saute aux yeux, c’est que 80 % de la consommation d’énergie mondiale vient des énergies fossiles, mais si c’était déjà le cas il y a trente ans, nous sommes passés de 60 millions de barils par jour à 100 millions, aujourd’hui !

« La première chose à faire, c’est d’arrêter immédiatement tout ce qui va dans la mauvaise direction ! C’est-à-dire ce qui continue à nous enfermer dans une dépendance vis-à-vis des énergies fossiles et des activités qui sont néfastes. »

N’en déplaise à certains, l’expertise scientifique actuelle nous montre que les infrastructures existantes qui nécessitent des énergies fossiles pour fonctionner ne doivent pas aller jusqu’à la fin de leur durée de vie ! Si on les utilise jusqu’à la fin de leur durée de vie technique, on sature déjà en termes d’émissions le budget qui nous permet de rester sous 1,5 °C d’augmentation de la température du globe.

Il est important de comprendre qu’il s’agit de transformation des modes de production et de consommation, de mode de vie. Il s’agit de repenser notre urbanisme, nos infrastructures collectives. Et contrairement à ce que pensent les réfractaires « quand on est auteur pour un rapport du GIEC, c’est au titre de notre expertise scientifique, pas pour défendre les intérêts des pays dont on est originaire. »

Les transformations dont il est question impliquent des changements majeurs des normes sociales, des organisations, des infrastructures, des villes, etc. On peut agir sur les produits manufacturés pour qu’ils utilisent moins de matériaux, moins de ressources, moins d’énergie. Mais de quels produits s’agit-il ? Quelle durabilité, réparabilité, recyclabilité ?...

« Le rapport du GIEC fait l’état des connaissances scientifiques, il ne dit pas ce qu’il faut faire, je pense que c’est important de bien le comprendre ! La mise en œuvre nécessite des débats démocratiques au sein des États, les scientifiques ne peuvent pas s’y substituer. »

6. À quoi ressemble une France sans énergies fossiles ? Avec Thomas Veyrenc

Thomas Veyrenc est ingénieur Supélec, MSc University College London, diplômé de Sciences Po Paris, directeur du département marché de RTE (réseau de transport d’électricité). Il est Maître de conférences à Sciences Po (économie), et enseigne la libéralisation du secteur énergétique à CentraleSupélec.

Le problème est simple : on consomme 1 600 térawattheures d’énergie, dont 1 000 viennent d’énergies fossiles qui dans trente ans, doivent être réduits à 0. Pour ce faire, il faut modifier à la fois la façon dont on consomme de l’énergie et la façon dont on la produit.

Plusieurs scénarios sont à l’étude qui prévoient en 2050 que l’on consomme, par rapport à aujourd’hui, 35 % à 15 % d’électricité en plus. Mais alors, il s’agit de changements sur les modes de vie, comme les déplacements, moins de voitures, des voitures plus petites et plus légères (de l’ordre de 250 à 300 kilos de masse en moins). Ce sont aussi des véhicules plus occupés… et dans le même temps plus de transport collectif. Il y a également moins de surfaces de bureaux et plus de télétravail.

Quant à la production d’énergie, les scénarios vont du « 100 % renouvelables » aux « renouvelables, plus nucléaire », mais même dans ces scénarios, on est obligé d’avoir des énergies renouvelables, le nucléaire ne suffit pas. Dans le cas du 100 % renouvelables, on est obligé d’avoir un très gros système de stockage. Si le stockage par batteries est très adapté, par exemple, à la production solaire, il n’est pas adapté pour compenser la variation de l’éolien. Il faudra stocker de grosses quantités. Une solution envisageable aujourd’hui est l’utilisation de centrales à hydrogène qui aura été produit au préalable à base d’électricité éolien.

7. La technologie va-t-elle nous sauver ? Avec Philippe Bihouix

Philippe Bihouix est né en 1971 à Saint-Nazaire, il est diplômé de l'École centrale de Paris en 1996, il débute chez Bouygues Construction comme ingénieur travaux puis, en France et à l’international, dans différents secteurs industriels (énergie, chimie, transports, télécoms, aéronautique…), comme ingénieur-conseil, chef de projet ou à des postes de direction. En décembre 2019, il rejoint l'agence d'architecture AREP, filiale de la SNCF, dont il est directeur général.

Il faut bien réaliser que la croissance à long terme est une absurdité en tant que telle. Imaginons que la consommation d’énergie croisse de 2 % par an, ça veut dire multiplier par 2 la consommation tous les trente-sept ans, et dans mille ans, il faudrait l’avoir multipliée par… 400 millions !

« Plus on va aller vers la sobriété, la réduction à la source, les économies d’énergie et de ressources, plus la transition sera facile. Si on veut maintenir l’existant, continuer à tous se balader avec des voitures de 2 tonnes, ça risque d’être très complexe. »

Si on veut maintenir le niveau de vie à l’occidentale, et promettre ce niveau de vie à l’ensemble des pays du monde, le besoin généré en métaux est très difficile à gérer. On ne va pas pouvoir maintenir notre niveau de consommation et de confort, simplement en remplaçant une couche d’énergie fossile par des solutions d’énergies renouvelables.

On peut par exemple passer à la voiture électrique, très bien, mais quel type de voiture électrique ? Celle de 2 tonnes ou celle de 700 kilos ? Une qui roule 1 000 kilomètres ou une qui roule 150 kilomètres ? Pour la première, on aura besoin de quinze fois plus de lithium ou de cobalt. Et puis peut-être faut-il ne déployer que la moitié de ces voitures et l’autre moitié, ce sera plutôt des vélos électriques…

8. Comment se libérer de la voiture individuelle ? Avec Aurélien Bigo

Aurélien Bigo a soutenu sa thèse de doctorat (à l’Institut Polytechnique de Paris) en 2020 : (https://theses.hal.science/tel-03082127 ) Les transports face au défi de la transition énergétique. Explorations entre passé et avenir, technologie et sobriété, accélération et ralentissement. Il a ensuite travaillé sur le volet transport des scénarios Transition(s) 2050 de l'ADEME, et est désormais chercheur indépendant, associé à la chaire Énergie et Prospérité.

« L’avenir de la voiture est électrique, mais la voiture n’est pas l’avenir »

Eh oui ! Dans son entretien avec la revue Reporterre,

https://reporterre.net/Aurelien-Bigo-L-avenir-de-la-voiture-est-electrique-mais-la-voiture-n-est-pas-l-avenir

Monsieur le Docteur Aurélien Bigo arbore fièrement son vélo électrique !...

Tout d’abord, rappelons quelques chiffres d’émission de GES en France :

https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-transports-2022/19-emissions-de-gaz-a-effet

Nous retiendrons ceux de 2019 car ceux de 2020 sont perturbés par la crise sanitaire.

Par secteur = Transports : 31,1 % ; Industrie manufacturière : 19,3 % ; Agriculture : 19,2 % ; Usage des bâtiments et activités résidentielles ou tertiaires : 17,2 % ; Industrie de l’énergie : 9,7 % ; etc.

Par mode de transport = Voitures particulières : 52,8 % ; Poids lourds : 24,5 % ; VU légers : 15,4 % ; Aérien : 4 % ; Ferroviaire : 0,3 %.

Malheureusement, on se réveille un peu trop tard, l’aménagement du territoire a été conçu par la voiture et pour la voiture, elle a permis l’étalement urbain, ce qui a créé une dépendance.

En France, 80 % des ménages ont une voiture, autour de 60 % dans les villes et à 92 % dans les zones rurales. Mais seulement 1,2 % des trajets font plus de 80 km.

Or 55 % des déplacements – tous modes confondus – font moins de 5 km et pourraient être réalisés à pied ou à vélo.

Si on veut sortir de la dépendance à l’automobile, si on veut que le vélo puisse concurrencer la voiture, il faut tout autant de services, d’aides financières, de véhicules appropriés, d’infrastructures sécurisées sur l’ensemble du territoire que ce qui a été mis en place, en son temps, pour la voiture. En outre, « Le vélo électrique aide d’ailleurs assez bien à convaincre davantage d’anciens automobilistes que le vélo classique. Il faut aussi ajouter les vélos-cargos pratiques pour transporter des charges lourdes ou des enfants. »

Quant à la voiture électrique, c’est « la moins mauvaise des technologies qu’on peut avoir actuellement pour nos modes de transport, notamment d’un point de vue climatique. […] Électrifier n’est pas la solution idéale mais c’est indispensable d’un point de vue climatique, tous les scénarios de transition énergétique sont très clairs là-dessus. »

9. Faut-il encore prendre l’avion ? Avec Isabelle Laplace.

Isabelle Laplace est docteure (2001) en économie spécialisée en aéronautique. Elle occupe depuis 2013 la fonction de responsable du programme de recherche développement durable à l’ENAC (École Nationale d’Aviation Civile) sur les enjeux sociétaux et climatiques du transport aérien.

Nous avons vu qu’en 2019, les émissions de GES dus au transport aérien représentent 1,25 % du total (31,1 x 0,04) mais il faut ajouter ce qu’on appelle les traînées de condensation qui vont se comporter comme des gaz à effet de serre.

Depuis les années 1970 la consommation de carburant des avions a diminué de plus de 30 % pour parcourir la même distance avec des avions plus gros et mieux remplis soit un gain d’efficacité énergétique de l’ordre de 80 %. Ces gains ont permis de proposer des billets moins chers. La conséquence, c’est que le volume de trafic a été multiplié par 12 à 13 sur la période. Cette explosion du trafic n’a pas réussi à compenser les émissions de CO2.

Peut-on trouver des carburants qui soient moins carbonés ? L’hydrogène est l’idéal d’un point de vue décarbonation, parce que s’il est lui-même produit de façon décarbonée, il n’émet que de la vapeur d’eau. Mais il ne peut être utilisé dans les avions actuels.

Les biocarburants pour l’aéronautique, les SAF (Sustainable Aviation Fuel), peuvent être utilisés dans les avions actuels. Produits à partir de biomasse, leur combustion restitue le CO2 qu’ils ont capté en amont. Les SAF existent, mais leur quantité sera, de toute façon, limitée.

La réduction du trafic ? On estimait qu’en 2018, seule 2 à 4 % de la population mondiale avait voyagé par avion pour un vol international. « Est-ce si grave de renoncer à un week-end à Athènes ? » Quant aux réunions de travail, depuis la pandémie, n’a-t-on pas pris l’habitude des réunions en vidéo-conférences ?

10. Faut-il manger moins de viande ? Avec Carine Barbier.

Carine Barbier est ingénieure de recherche au CNRS dans un laboratoire d’économie de l’environnement (CIRED). Elle a coordonné en 2022 l’étude « Prospective du système alimentaire et de son empreinte énergétique et carbone ».

Dans les émissions de GES liées à notre alimentation, une grande partie provient des ruminants, lesquels émettent du méthane par leurs rots. Et le méthane est un gaz à effet de serre au pouvoir 28 fois supérieur à celui du CO2, auquel s’ajoute le protoxyde d’azote (N2O) qui provient en grande partie de la fabrication et de l’usage d’engrais azotés minéraux et qui est 300 fois plus puissant que le CO2, du point de vue du réchauffement climatique.

Pour réduire l’impact carbone l’agriculture redevient extensive, avec un cheptel nourri à l’herbe, et l’essentiel de la production passe en bio ou avec un usage raisonné des engrais azotés. En parallèle il faut diminuer fortement notre régime surprotéiné en divisant par trois ou quatre notre consommation de viande, c’est-à-dire en faire plutôt des repas de fête ou de week-end plutôt qu’une consommation quotidienne. Mais diminuer fortement la consommation ne veut pas dire arrêter toute la filière.

Et n’oublions pas les produits laitiers : « un kilo de fromage émet trois fois plus qu’un kilo de poulet. »

Enfin, pour réduire les émissions il est indispensable de relocaliser la production agricole et de manger des fruits et des légumes de saison.

11. Comment changer de modèle agricole ? Avec Nicolas Bricas.

Nicolas Bricas est chercheur en socio-économie de l’alimentation au CIRAD (Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement), titulaire de la Chaire Unesco Alimentations du monde et co-directeur du Mastère Spécialisé « Innovations et Politiques pour une Alimentation Durable ».

Notre système agricole est à la fois victime massive du changement climatique et l’un des secteurs qui y contribuent le plus en émettant 19 % de nos GES alors qu’il pourrait être capteur de CO2, notamment dans les prairies. Mais il est aussi responsable de l’effondrement de la biodiversité, notamment du fait de l’usage massif des pesticides, herbicides, insecticides, fongicides, qui détruisent la vie des sols, les insectes, et par ricochet les oiseaux. Il faut ajouter à cela la pollution azotée, qui passe dans les sols, dans l’air, dans les nappes phréatiques.

Une première approche consiste à favoriser l’agriculture biologique qui est clairement favorable pour l’environnement, et pour la biodiversité. Parce qu’elle n’utilise pas de pesticides chimiques et aussi qu’elle travaille sur la diversification des cultures.

Le changement du modèle agricole doit aussi s’accompagner d’un changement de motivations. À l’exemple de ce qui est en train de se faire à Montpellier où une convention citoyenne se constitue autour de consommateurs, d’agriculteurs, de commerçants, de transformateurs, et c’est ensemble que se construit un contrat social autour de l’alimentation.

Mais pour que cela prenne vraiment de l’ampleur, il faut une politique claire. Il va falloir s’interroger sur comment utiliser les aides de la politique agricole commune qui distribue à peu près 9 milliards d’euros en France par an, pour favoriser et accélérer la transition.

12. Comment s’habiller sans détruire le climat et la biodiversité ? Avec Julia Faure

Julia Faure est née en Alsace en 1988, elle est ingénieure en agronomie (AgroParisTech). Elle est cofondatrice de l'entreprise de vêtement durable et éthique Loom. L'entreprise veille à produire (en France ou au Portugal) des vêtements durables à faible impact sur la planète, sans exploitation d'enfants, de femmes sous-payées, de pesticides dans les textiles utilisés (coton BIO). Avec pour slogan : « S’habiller moins, mieux, durable… »

(Et pour vérifier la qualité des produits je viens d’y commander quelques vêtements [dont j’avais besoin] que je soumettrai à des tests intensifs !...)

Il faut TRÈS peu de coton pour fabriquer un T-Shirt, donc très peu de pesticides et très peu de produits chimique pour le teindre, mais… « rien qu’en France 3,3 milliards de vêtements ont été mis sur le marché en 2022. » C’est la génération "Kleenex" : « C’est un comportement assez récent de considérer nos vêtements comme jetables : depuis les années 1980, nous avons doublé le nombre de vêtements que nous achetons. » Or ce qui émet beaucoup de gaz à effet de serre, c’est la phase industrielle.

Alors, pour nous rendre addict, l’industrie de la mode a su baisser les prix en délocalisant et nous persuader qu’il est impératif de suivre l’évolution de la mode si on ne veut pas paraître ringard.

Quant aux vêtements que l’on n’a mis qu’une fois (ou pas du tout) et que l’on jette parce que la mode est passée, si on se donne bonne conscience en les déposant dans des bornes de collecte, il faut savoir que seulement 5 % sont réemployés et que 50 % sont envoyés en Afrique et finissent, pour la plupart, dans des décharges. « Le Ghana reçoit chaque semaine 15 millions de vêtements, pour une population de 30 millions de personnes. »

En fait, produire c’est polluer. C’est normal de polluer. Ce qui n’est pas normal, c’est le gâchis, la surproduction, la surconsommation. Agir pour ralentir cette course à la production et donc à la pollution est possible, Julia suggère de nombreuses pistes (à découvrir), mais c’est aussi à chacun de nous à se raisonner et à redécouvrir la sobriété, et s’il faut acheter du neuf, choisir des vêtements produits dans des pays « vertueux », éviter les "Made in China" ou "Bangladesh" et l’exploitation ouvrière, choisir les produits "Bio" plutôt que conventionnel ou issu du pétrole…

13. Faut-il faire moins d’enfants pour sauver la planète ? Avec Emmanuel Pont

Emmanuel Pont, est ingénieur en Informatique, systèmes et réseaux, CentraleSupelec, 2005. Il obtient un Master 2 en Recherche informatique (2005) à l’Université de Rennes et un Master en Marketing communication en 2007 à Sciences Po Paris. Il est l’auteur du livre : Faut-il arrêter de faire des enfants pour sauver la planète ? (Payot 2022).

Évidemment, si on réalise qu’en 1900 on était moins de 2 milliards de rigolos et qu’on devrait être quatre fois plus dans trente ans, il y a de quoi paniquer et certainement pas de rigoler !

Pourtant, certains, plus rigolos que les autres estiment que la population humaine va se stabiliser autour de 10,5 milliards entre 2050 et 2100. Ils ont la foi, respectons-la.

Bien sûr, on sait que les pays à forte natalité (les pays pauvres) représentent 20 % de la population mondiale, mais seulement 3 % des émissions de CO2.

Mais qu’en sera-t-il quand ils seront assez riches pour polluer, ne représenteront-ils toujours que 20 % de la population ? (Là, c’est moi qui me pose la question)

Je ne comprends pas très bien le sens de cet entretien : où il est question des enfants qui consomment moins que les adultes et donc polluent moins que les adultes, etc… Il me semble que la question « Faut-il faire moins d’enfants ? » signifie, en fait « Faut-il cesser de faire croître la population de la planète ? » Pas de réponse précise autre que « laissons faire, ça va se réguler tout seul… » Et, plutôt de se préoccuper de la quantité, préoccupons-nous de la qualité et polluons moins !

Non, sans blague…

14. La transition va-t-elle créer ou détruire des emplois ? Avec Dominique Méda

Dominique Méda, est née à Sedan en 1962, c’est une haute-fonctionnaire, philosophe et sociologue française.

Ancienne élève de l'École Normale Supérieure et de l’École Nationale d'Administration, agrégée de philosophie, elle est membre de l'Inspection Générale des Affaires Sociales depuis 1989 et inspectrice générale des affaires sociales (Faute de place, je ne peux mettre, ici, toutes ses références universitaires). Depuis 2011, elle est professeur de sociologie à l'université Paris-Dauphine.

Dans les secteurs qui émettent des GES et qui doivent réduire leurs émissions, des emplois vont devoir se transformer. Par exemple, dans le domaine du transport, il va falloir développer le vélo et autres moyens, créateur d’emplois, mais on sait qu’on a besoin de beaucoup moins de main-d’œuvre pour fabriquer un moteur électrique, environ 60 % de moins, que pour un thermique. Il faut vraiment s’y préparer, mais pour l’instant, ni les entreprises ni l’État n’anticipent suffisamment ces reconversions.

Des secteurs vont être créateurs d’emplois comme la rénovation thermique des bâtiments, tout ce qui concerne les énergies, les conseillers en énergie, le développement des nouvelles énergies, le photovoltaïque, les panneaux solaires, l’éolien, les infrastructures. Et même dans l’agriculture où, par exemple, la relocalisation de la production de fruits et légumes et l’amélioration des pratiques agroécologiques, cette vaste reconversion écologique, va permettre de créer des emplois mais aussi de changer le travail en profondeur, et notamment de le désintensifier. « Il va falloir rompre avec cette légende de la productivité. »

« À mon avis, ce qui manque le plus pour rendre tout cela concret, c’est une sorte de loi de programmation. On en a une pour l’équipement militaire, pour la sécurité intérieure, mais on n’en a pas sur le sujet, qui nous dirait sur les cinq ou dix ans à venir ce qu’on va déployer comme investissements publics pour ces reconversions industrielles. »

15. Faut-il faire payer les riches ? Avec Lucas Chancel

Lucas Chancel est né en 1987 à Grenoble. C’est un économiste français.

Après un premier cycle de Sciences Po, il obtient une licence de physique appliquée aux sciences de la terre de l'Université Pierre et Marie Curie à Paris. Il est diplômé en économie et politiques publiques de l’École polytechnique, de l’ENSAE et de Sciences Po en Master, il poursuit sa formation scientifique à l’Imperial College de Londres où il obtient un diplôme d'ingénieur spécialisé dans les énergies renouvelables. Il reçoit son doctorat en sciences économiques de l'EHESS et de l'Université Paris Sciences Lettres en 2018 et enseigne à Sciences Po depuis cette date.

On sait qu’à l’échelle mondiale les 1 % les plus riches émettent autant de gaz à effet de serre que les 50 % les plus pauvres, est-ce supportable ?

En moyenne, un Français émet 9 tonnes de carbone par an. La moitié la plus pauvre des Français émet en moyenne 5 tonnes par personne et par an. Quant aux 10 % les plus aisés, ils émettent 25 tonnes par habitant. Ils consomment davantage de biens et de services que le reste de la population. Des services sous forme de loisirs ou de services à la personne.

Il faut bien voir que le changement climatique, c’est le sud de la Méditerranée à Lyon. Cela justifie le zéro carbone et la mise en place d’un soutien financier et d’un soutien à la reconversion. Le point central, c’est celui de l’emploi des secteurs touchés. Mais les études montrent que, finalement, on y gagne, parce que la transition écologique nous oblige à relocaliser une partie des emplois et les euros que l’on donnait aux Qataris ou aux Saoudiens on les dépensera pour payer des emplois sur le sol français.

« Il faut consacrer 2 % du PIB français dans les investissements en énergie et transports bas carbone, etc. Aujourd’hui – en tout cas, en 2019-2020 –, on y consacre un peu moins de 1 %. Il va donc falloir doubler le volume de ces investissements. On met un peu moins de 30 milliards, il va falloir passer à 60 milliards, voire un peu plus par an. […] Et là, nous avons besoin d’un système fiscal qui mette à contribution les plus aisés, qui taxe le patrimoine des plus aisés. C’est-à-dire qu’il faut des recettes fiscales pour que l’État puisse accompagner les précaires dans notre société. Accompagner les processus de formation et d’emploi et financer les services publics en général. »

16. Comment concilier démocratie et urgence climatique ? Avec Hélène Landemore

Hélène Landemore est née en 1976, c’est une politologue franco-américaine. À 18 ans elle intègre l’École normale supérieure (Paris) et l’Institut d'études politiques de Paris. En 2008, elle obtient un doctorat en sciences politiques, après avoir soutenu une thèse portant sur la notion d’intelligence collective appliquée à la justification de la démocratie, à l’université Harvard. Elle a suivi de près les travaux de la Convention citoyenne pour le climat (*) en 2020.

On pense généralement que les responsables politiques sont censés répondre à la demande des majorités, or une étude sur plusieurs décennies montre qu’il n’y a pas de corrélation entre ce que les majorités veulent et ce qu’elles obtiennent. Ce qui détermine les politiques publiques et les lois, ce sont les préférences des 10 % les plus riches. C’est vrai aux États-Unis, mais également en Allemagne. C’est le système électoral qui conduit à ces conséquences, l’élection étant un mode de sélection oligarchique qui permet d’identifier les notables. « Mais c’est juste que l’homogénéité de leur groupe fait qu’ils ne voient, ne comprennent et ne s’intéressent qu’aux problèmes des gens qui leur ressemblent. »

Or, ce qui est frappant, c’est que la Convention climat, qui était composée de gens tirés au sort, a fait des propositions bien plus radicales que ce que n’a jamais fait le Parlement français, peut-être modéré par des conflits d’intérêt que des citoyens n’avaient pas.

« La question de la légitimité n’est pas réglée par le fait de dire : « Ils sont élus ! » L’élection est un début, après il faut continuer à mériter d’avoir été élu. À l’inverse, on peut penser la légitimité des citoyens tirés au sort sur une autre base – et notamment sur le fait qu’il s’agit d’assemblées plus représentatives de l’ensemble du peuple. »

Quels enseignements tirer de cette expérience de la Convention climat ? C’est qu’il est possible et de déléguer du pouvoir à des citoyens tirés au sort. C’est une excellente manière d’infuser nos institutions avec de l’intelligence collective de citoyens ordinaires. Une première étape serait, par exemple, d’institutionnaliser une assemblée permanente sur le climat, avec des citoyens tirés au sort qui seraient remplacés tous les ans – ce qui permettrait de se projeter sur un agenda à long terme.

(*) La Convention citoyenne pour le climat était une assemblée de citoyens française, constituée en octobre 2019 par le Conseil économique, social et environnemental sur demande du Premier ministre Édouard Philippe. Elle regroupait 150 hommes et femmes volontaires tirés au sort parmi la population française, et a eu pour objectif de définir une série de mesures structurantes « pour parvenir, dans un esprit de justice sociale, à diminuer d'ici 2030 les émissions de gaz à effet de serre de la France d'au moins 40 % par rapport à 1990. »

17. Comment ne pas déprimer ? Avec Laelia Benoit

Laelia Benoit est pédopsychiatre et chercheuse associée au Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations de l’Inserm, à Paris. Elle a soutenu la thèse suivante : Du refus scolaire au suivi psychiatrique. Trajectoires d’adolescents déscolarisés en 2018 à l’Université Paris-Saclay. Elle mène une vaste étude sur l’impact du changement climatique sur le bien-être et la santé mentale des enfants et des adolescents au Yale Child Study Center à l’université de Yale (à New Haven), aux Etats-Unis.

Tout d’abord, tout le monde s’accorde « à dire que l’anxiété est une réponse inévitable, et même saine, aux menaces écologiques auxquelles nous sommes confrontés. Donc, ce ne sont pas les personnes éco-anxieuses qu’il faut soigner, mais le changement climatique qu’il faut arrêter ! »

L’éco-anxiété touche beaucoup de personnes et n’est certainement pas réservée aux jeunes. « Et même aux États-Unis, où le climatoscepticisme est important, ce phénomène recule. Actuellement, il n’y a plus que deux Américains sur dix qui doutent de l’existence du changement climatique ou qui n’y croient pas. »

Sur dix mille jeunes âgés de 16 à 25 ans, interrogés dans dix pays différents, 8 sur 10 sont préoccupés par le climat et 6 se disent extrêmement anxieux. La moitié d’entre eux disent ressentir tout à la fois de la tristesse, de l’anxiété, de la colère, de l’impuissance et de la culpabilité. Tout ça d’un coup ! Et trois sur quatre appréhendent le futur. En fait, ce qui suscite leur angoisse, c’est l’inaction climatique de notre société, alors qu’on fait face à un changement climatique très menaçant.

(Et c’est exactement ce que je ressens, seulement moi, j’ai 83 ans, mon avenir est derrière moi. Il n’empêche que je bondis quand je vois un "Monsieur" se lamenter parce qu’à l’horizon de son château du Val de Loire on va apercevoir des éoliennes qui vont dénaturer son paysage historique ! J’apprends que ce déni porte un nom en psychologie : la déréalisation. « C’est un automatisme qui sert à se protéger quand on est confronté à une violence. »)

Que faire ? Agir individuellement, et parler : « Engager la conversation sur le changement climatique, pour sortir de la paralysie. Or beaucoup de jeunes et d’adolescents sont inhibés, en dépit de leurs fortes préoccupations. Des études montrent que, même quand ils s’inquiètent, ils ne vont entamer une discussion ni avec leurs parents, ni avec leurs profs, ni avec leurs amis. »

Et puis réfléchissez sur ce qu’est « l’infantisme ».

18. Peut-on sauver la planète avec des petits gestes ? Avec Sophie Dubuisson-Quellier

Sophie Dubuisson-Quellier, née en 1969, elle obtient le diplôme de l’Institut d'études politiques de Grenoble en 1991 ; le DEA d'économie industrielle, en 1992 ; le Doctorat de sociologie à École des mines de Paris, en 1996 et l’habilitation à diriger des recherches de sociologie, Université Paris-Sorbonne, en 2008. Elle est directrice de recherche au CNRS et à Sciences Po. Elle est également présidente du Conseil scientifique de l’ADEME.

Pas facile de faire des petits gestes pour réduire son empreinte carbone quand les « injonctions individuelles à la sobriété ont lieu dans un contexte où c’est l’abondance qui est valorisée. Chacun sait que dans une trajectoire de vie, il y a des marqueurs sociaux qui traduisent le fait qu’on a « réussi » : le fait d’acquérir un véhicule, un logement, de pouvoir partir en vacances et peut-être encore mieux, de partir en vacances au soleil en prenant l’avion, etc. »

En fait il faut sortir de cette injonction extrêmement simpliste, qui consiste à dire : « Il faut arrêter de consommer autant. » Si on continue à répéter en boucle qu’il faut faire des « petits gestes », on ne sera pas en capacité d’agir sur les gros leviers macroéconomiques.

Mais, si aujourd’hui, beaucoup d’entreprises expliquent qu’elles ne peuvent pas bouger à cause des actionnaires, du marché, des collaborateurs, etc., on note des mouvements d’étudiants, de jeunes diplômés, de jeunes cadres, formés par des grandes écoles, dire qu’ils n’ont pas nécessairement envie de contribuer au changement climatique en travaillant dans tel secteur, voire dans telle entreprise qu’ils n’hésitent plus à nommer. Et là, il s’agit d’action collective, au sens de la sociologie. Ce mouvement se déroule au cœur des grands groupes ou de la haute administration, donc au cœur des espaces de décision et d’actions qui vont avoir des effets collectifs et pouvoir en retour changer les comportements individuels.


En conclusion :

Je retiendrai de ces entretiens qu’en moyenne, en France, le climat s’est réchauffé de près de 2°C en un siècle. Ses effets se font sentir en agriculture mai également dans la fonte des glaciers menaçant la montée du niveau de la mer. L’élévation de température modifie le cycle de l’eau provoquant des périodes de sècheresse et de précipitations excessives.

Ce dérèglement du climat est dû, principalement, à l’émission de gaz à effet de serre provenant de la consommation des énergies fossiles (80 % des énergies utilisées) qui a augmenté de 66 % ces trente dernières années. Il convient donc de cesser, le plus rapidement possible l’exploitation de ce type d’énergie (objectif 2050), interdire toute nouvelle prospection et développer les énergies de remplacement, décarbonées (Solaire, éolien, hydrogène…).

Je note en particulier que la production d’électricité éolien étant tributaire du vent il faudra envisager une solution de stockage qui pourrait être la fabrication, et le stockage, d’hydrogène en période excédentaire, puis la production d’électricité dans des centrales thermiques à hydrogène, en période déficitaire.

Je note également que les transports sont, de loin, le secteur le plus polluant et que dans celui-ci la voiture particulière tient (largement) le haut du pavé, laquelle n’a d’autre avenir que dans l’électricité.

Et enfin, il faut revoir tout notre système socio-économique, abandonner définitivement notre modèle basé sur la croissance, provoquée par une énergie bon marché, réduire notre consommation en découvrant la « sobriété » dans la manière de se vêtir, de se nourrir, de se déplacer, etc.


Si vous êtes arrivé jusque-là, en dépit de la longueur du texte, Bravo !

Si vous êtes « Dindon », je suppose que vous avez dû endosser votre « peau de Mouton » maintenant, il ne vous reste plus qu’un pas à franchir : procurez-vous ce bouquin et lisez-le, car malgré la lourdeur de ce commentaire, je n’ai vraiment pas dit grand-chose comparé au contenu du livre !

Si vous êtes « Mouton », vous voici confirmé dans votre position. Mais je vous recommande, néanmoins la lecture du livre, il y a vraiment tant à découvrir et à enregistrer, dont je n’ai pas parlé.

Si vous êtes « Autruche », j’espère que vous n’êtes pas arrivé jusqu’ici à « saute moutons », c’eut-été inutile, autant ne pas commencer. Je ne fais pas de prosélytisme, je ne cherche pas à convaincre qui que ce soit, il ne s’agit pas d’une croyance, ici, mais malheureusement, de faits établis et prouvés. Autruche vous étiez, Autruche vous resterez… probablement. Il faudra, hélas, faire avec.

Quant à moi, le hasard a voulu que je sois né sous le signe du "Bélier" ! C’est tout dire ! Je trouve ce livre passionnant et enrichissant. Pourtant je l’avais téléchargé « du bout de la souris », un peu hésitant, en même temps que celui d’Aurélien Barrau « L’Hypothèse K. » (pas encore lu) qui devait, dans mon esprit, écraser largement la Chaleur humaine…

Comme questionne Nabil Wakim à la fin de chaque entretien « Finalement qu’est-ce qui vous donne un peu d’espoir ? » : ma réponse serait la constatation que les consciences peuvent changer. Je m’explique : mon épouse, qui comme moi, a franchi le cap des 80 ans, lorsqu’il m’arrive (rarement) de lui parler "dérèglement climatique" ou "énergies fossiles" me regarde comme un pauvre radoteur dérangé quelque peu sénile, et retourne à ses lectures sentimentales ou biographies de people, vient de me demander de lui commander « Sentinelle du climat » de Heidi Sevestre (Cf. entretien N°3) ou « Notre avenir dépend des glaciers, nous pouvons encore les sauver. » Il est vrai que cette idée de lecture n’émane pas de moi…
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date : 24-11-2023
Que pouvait-il ajouter après son formidable "Coup de Gueule" de 2019 sous le titre de « Le Plus Grand Défi de l'histoire de l'humanité » ? Que j’avais commenté, à l’époque (mai 2019), en recommandant de ne pas avoir envie de lire ce livre, mais, carrément, de le lire :

https://www.senscritique.com/livre/le_plus_grand_defi_de_l_histoire_de_l_humanite/critique/194990835


Donc que pouvait-il ajouter, notre astrophysicien, devant l'inertie ambiante, l’immobilité et l’aveuglement ?

Il ne peut que constater que notre civilisation est définitivement victime de sa technicité qui se développe, hors contrôle, inexorablement, à l’égal d’un cancer :

« Des machines construisent des machines, des programmes conçoivent des programmes. Avec notre entremise et sous notre contrôle, naturellement. Si, néanmoins, quelque chose d’essentiel nous échappe dans cet emballement insensé, c’est peut-être parce qu’il a précisément acquis une dynamique propre qui ne semble plus obéir à un plan ou à un dessein préétabli. »

Ainsi le sort de la civilisation est scellé :

« Les caractéristiques des cellules cancéreuses s’appliquent, pour l’essentiel, aux entités techniques dès lors que le « corps » dont elles sont issues est redéfini de façon à inclure les productions humaines dans une organicité hybride. Mutations, métastases, prolifération… Les cellules malignes vivent leurs propres mécanismes de sélection. Elles échappent à l’homéostasie comme à la sénescence. Elles ont évidemment besoin de l’hôte pour exister mais elles n’en dépendent plus que marginalement, jusqu’à son trépas. Ainsi en va-t-il, au moins en partie, de nos machines. »

Alors, en phase finale, réagir ? À quoi bon :

« Nous inventerons quelques « contre-mesures » pour amoindrir tel ou tel effet secondaire délétère mais nous n’envisageons jamais sérieusement la prévention. Quand les machines ou les programmes sont en croissance tumorale, pratiquement plus rien ne peut être entrepris. »

Car « Si cette « hypothèse K. » est fausse, il serait temps d’en faire la démonstration par les faits. De prouver que nous sommes encore capables de mettre fin au pullulement des machines et des programmes lorsqu’à l’évidence ils nous nuisent. »

« Le technosolutionnisme rate si profondément la problématique qu’il contribue activement à l’effondrement qu’il feint de vouloir endiguer. »

« L’anthropocène est une nécrocène. » …
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date : 03-11-2023
Quelque peu fourbu par un bouquin passionnant mais exigeant (Les cellules buissonnières), j’avais besoin d’une bouffée d’air, d’une petite récrée facile, pour mettre au repos mes neurones sollicités.
Alors pourquoi pas essayer ce petit polar à la française ?

Xavier Massé est né en 1977 à Roussillon dans l’Isère. Il a été très tôt fan de fiction, et notamment de cinéma. Durant sa jeunesse, armé d'une caméra Super 8, il suivait son grand frère les mercredis après-midi pour tenter de réaliser des films d'horreur... Puis, avec le temps, l'horreur a laissé place au thriller-polar, et le cinéma s'est effacé au profit de l'écriture avec un goût toujours plus prononcé pour les scenarii tordus et complexes.
Ainsi sont nés "Répercussions" (2016), prix du 1er roman Dora-Suarez en 2018, "L’inconnue de l’équation" (2019), "Némésis" (2020), "30 secondes" (2022), "La Route du lac" (2023) est son cinquième roman.
Après des études en Génie civil, il entre à la SNCF où il travaille comme cadre depuis plus de vingt ans.
Père d'un garçon, il réside avec sa compagne, l'auteure Ophélie Cohen (1980), à Ville-sous-Anjou, en Isère.

Attention, depuis quelques années, j’ai de moins en moins d’attirance pour les ouvrages de fiction qui ont, tout naturellement, de plus en plus de difficultés à capter mon intérêt. C’est comme ça. Je reste spectateur et regarde l’imagination de l’auteur d’un œil désabusé. Alors pas étonnant si ma note est plus que modeste. C’est purement personnel.

Nous voilà embarqués à Blaches, un petit village tranquille, que l’on peut situer quelque part dans les contreforts des Alpes. Déjà plus la plaine mais pas encore la montagne… Il y fait bon vivre entre villageois paisibles et résidents aisés en provenance des grandes métropoles voisines qui goûtent la quiétude du lieu et la proximité d’un lac artificiel qui attire les touristes l’été et les jeunes toute l’année :
« Le soir se posait sur Blaches et ses habitants. Le soleil descendait lentement tandis que la brise, aussi légère qu’une plume, donnait la chair de poule aux promeneurs. Un moment de paix pour certains, de réflexion pour d’autres. Un petit instant pendant lequel chacun se retrouvait face à lui-même. »
Et donc, voici qu’à la suite d’une soirée d’anniversaire organisée par un « gosse de riche » local, celui-ci et deux autres jeunes villageois disparaissent… Que s’est-il passé alors que tout est d’habitude si tranquille ?
La gendarmerie enquête et va de découvertes en découvertes ! Le coin n’est évidemment pas aussi tranquille qu’il y paraît…
La bio de l’auteur nous a averti, il a un goût prononcé pour les scenarios tordus et complexes. On se retrouve avec de nombreux cadavres sur les bras, des assassinats mêlés à des meurtres et à des accidents mortels, le tout dans une scénographie compliquée mais assez banale dans le genre, servie par une écriture très simple voire sommaire. Pas de grande surprise finale, on est loin du thriller qui laisse émerveillé par la subtilité de l’intrigue. Ici, c’est tellement embrouillé qu’il faudra plusieurs chapitres pour expliquer les détails du scénario, pourtant cousu de fil blanc.
Le tour de force de l’auteur est toutefois de capter l’intérêt du lecteur jusqu’au point final.
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Alors, quand j’ouvre ce livre, moi qui suis plus habitué à me balader parmi les étoiles et autres supernovæ, trous noirs et exoplanètes, je tombe des nues en découvrant les microchimères et le microchimérisme ! La biologie m’intéresse parce que… je n’y connais rien. Mais quand même, ce n’est pas le premier livre de biologie que j’ouvre ! Et les microchimères… jamais entendu parler !
Bon, on va voir ce que c’est et si vous, vous connaissez, et bien passez votre chemin !

Mais ce qui m’époustoufle le plus, c’est que ça fait un bon demi-siècle qu’on en parle, que des dizaines de laboratoires, un peu partout dans le monde, s’échignent à en découvrir les secrets et ce qu’ils découvrent est faramineux. Je ne remercierai jamais assez Lise Barnéoud de nous faire profiter de plus d’une année d’enquête auprès de tous ces passionnés qui consacrent leur vie à ce chapitre stupéfiant de la biologie humaine.

Lise Barnéoud est une journaliste scientifique indépendante. Elle collabore régulièrement à plusieurs quotidiens et magazines (Libération, Science & Vie, Science & Vie Junior, Ushuaïa Magazine, La Recherche, Le Monde, etc.) ainsi qu'avec la Cité des sciences et de l'industrie à Paris.
Auteur de Biodiversité des Alpes (2015), La biodiversité ? (2013), La procréation assistée ? (2013) et, avec Vincent Tardieu, de Santo, les explorateurs de l'île planète (2007). Elle est notamment l'auteure d'Immunisés ? (2017) élu meilleure enquête de l'année par la rédaction de Lire. Elle a reçu, en 2016, le Grand Prix des Trophées Signatures Santé, et, en 2017, le prix du journaliste scientifique français de l'année décerné par l'AJSPI. Lise Barnéoud a enfin été lauréate de la bourse d'année sabbatique du Centre National du Livre (CNL) pour la rédaction des Cellules buissonnières en 2022.

Au XXIe siècle, on est tous de grands savants instruits, aux connaissances bien assises. Nous savons tous que toutes les cellules qui nous composent, de la tête aux pieds, du cœur au cerveau, proviennent du même œuf fécondé. Une cellule-œuf minuscule qui contient une combinaison unique de 23 chromosomes maternels et 23 chromosomes paternels (Ignorons les deux exceptions mythiques, farfelues, d’Adam et d’Ève). Et nous savons tous que ce sont ces 23 paires de chromosomes qui portent notre ADN, considéré comme notre identité génétique pour le reste de notre vie, notre signature chimique, notre empreinte exclusive (hors vrai jumeau), immuable et indélébile. « Voilà qui d’emblée conforte notre ego, nous confère un « moi » original, un « je » singulier, cohérent ». Vous vous doutez bien qu’il y a un os !

Je vais tenter de vous expliquer ce que j’ai compris en essayant de ne pas commettre trop d’erreurs. Pour se faire, je laisserai une large place aux propos de l’auteure, c’est plus prudent !

En effet, tout serait totalement vrai si… il y avait plusieurs dizaines de millions d’années nos ancêtres n’avaient été contaminé par un virus appartenant à la famille des rétrovirus, capables d’insérer leurs gènes dans l’ADN des organismes qu’ils infectent. Notre génome contient ainsi des dizaines de milliers de fragments d’ADN provenant de ces rétrovirus. Ce qui représente tout de même environ 8 % de la totalité de notre ADN.
– Et alors ? Ironiserez-vous.
– Eh bien, sans notre rencontre avec ce virus (qui répond au doux nom de HERV-W), sans ce mélange d’ADN viral et animal, nous en serions encore à pondre des œufs !
– Et alors ?
– Alors, c’est à cause de ce virus, qu’après fécondation les cellules périphériques du bouton embryonnaire fusionnent entre elles, jusqu’à devenir des cellules géantes contenant plusieurs noyaux. On les appelle les cellules trophoblastiques, elles formeront le placenta.
– Et alors ?
– Dès 1893 on (Dr Georg Schmorl) soupçonne que des cellules fœtales traversent le placenta pour se répandre dans le corps de la mère via la circulation sanguine. Hypothèse confirmée en 1959 après l’observation de cellules trophoblastiques dans le sang de femmes enceintes ce qui permettrait d’expliquer pourquoi la mère ne rejette pas son fœtus alors qu’il est à moitié étranger pour elle. En toute logique, son système immunitaire devrait l’identifier comme un non-soi et s’en débarrasser.
– Et c’est tout ?
– Oh non, en 1969, les techniques d’analyse devenant plus sophistiquées, dans les échantillons sanguins de 30 femmes enceintes, les scientifiques remarquent des lymphocytes possédant le caractéristique chromosome Y (L’apanage des hommes) sur 21 patientes dont 19 donneront naissance à un garçon. Sur les neuf femmes chez qui aucun chromosome Y n’a été repéré, six accoucheront de filles. Il ne fait aucun doute que les chromosomes Y proviennent des fœtus mâles.
On s’apercevra plus tard que ces "voyageuses solitaires" se retrouvent dans le sang de toutes les femmes enceintes, qu’elles portent un fœtus mâle ou femelle. Et même chez un groupe témoin de mères qui n’étaient pas enceintes lors de l’étude, mais qui avaient donné naissance à des garçons entre un et vingt-sept ans plus tôt. La preuve que ces cellules d’origine fœtale peuvent persister durant plusieurs décennies dans l’organisme maternel !
– Tout ça pour ça ?
– Attendez… attendez la suite !
Nous savons que les cellules fœtales peuvent non seulement s’immiscer dans la circulation sanguine des mères, mais aussi s’installer durablement à l’intérieur même de leurs tissus. Ce trafic de cellules pourrait représenter une « nouvelle cause de maladie » pour les mères, sachant que même des grossesses interrompues entraînent le transfert de cellules fœtales, « jusqu’à 500 000 cellules » après un avortement durant le premier semestre !
Ainsi l’exemple de cette femme de 40 ans qui habite Seattle et souffre d’une hépatite C d’origine infectieuse. Elle a connu cinq grossesses, avec quatre partenaires différents : les deux premières ont été interrompues, la troisième a mené à la naissance d’un garçon et les deux dernières se sont soldées par des fausses couches. Lorsque les biologistes observent au microscope des coupes de son foie, ils n’en reviennent pas : un nuage de chromosome Y ! Des analyses génétiques plus fines montreront que ces cellules ne proviennent pas de son fils unique, ne matchent pas non plus avec son partenaire du moment, mais correspondent, en partie tout du moins, au profil de ses deux premiers partenaires. Ces cellules mâles proviennent donc probablement des deux premières grossesses, de fœtus avortés il y a dix-sept et dix-neuf ans ! Les cellules semblent parfaitement intégrées à l’organe, et pour couronner le tout, alors que la patiente décide d’arrêter les traitements contre son hépatite, sa maladie s’atténue. Les cellules microchimériques y seraient-elles pour quelque chose ? Pourraient-elles venir prêter main-forte aux cellules hôtes abîmées par le virus ?
« Il a été montré qu’un avortement en tout début de grossesse entraîne chez la femme une quantité plus importante de cellules d’origine fœtale qu’une naissance à terme. En outre, ces cellules du début de la grossesse pourraient avoir un plus grand potentiel de régénération. Si ces cellules persistent et réparent, ira-t-on un jour jusqu’à penser que l’avortement pourrait constituer un boost de jouvence ? »
On touche ici du doigt à quel point notre vision du monde peut façonner nos interprétations scientifiques. Une pente glissante, car le désir de confirmer nos convictions prend souvent le pas sur celui de comprendre.

– Attendez, c’est n’importe quoi ! Alors les mères peuvent aussi transmettre des maladies ?
– Eh oui ! On découvre même avec stupeur que des cellules maternelles tumorales peuvent elles aussi traverser le placenta et se greffer sur le fœtus, provoquant un cancer néonatal !
Mais il se pourrait que certaines viennent donner un coup de main : on en retrouve dans le muscle cardiaque déficient de certains bébés, ce ne sont pas des cellules immunitaires en croisade contre les cellules du bébé, ce sont des cellules du cœur, capables de battre à l’unisson avec leurs voisines. Seule différence : leur noyau renferme l’ADN des mères, et non celui des nouveau-nés. Se pourrait-il qu’ici, les cellules maternelles viennent en renfort dans les organes du fœtus, cherchant non pas à attaquer, mais à coopérer ?
Et ces cellules maternelles ne se retrouvent pas seulement chez les nouveau-nés malades ; elles sont partout, dans tous les cordons ombilicaux. Chez tous les bébés. Y compris ceux qui se portent comme un charme. Plus de la moitié des individus testés conservent des cellules maternelles dans leur sang, même après 40 ans !
– Mais, si les cellules fœtales traversent le placenta et s’installent où elles veulent, ça va être le bazar ?
– Tout à fait ! On en veut pour preuve l’exemple de Mme McK (appelons-la comme cela) qui vient donner son sang dans une clinique anglaise en 1953 et où on découvre qu’elle est à la fois du groupe O et du groupe A ! Impossible !
Une enquête a révélé que Mme MmK a eu un frère jumeau décédé à l’âge de trois ans et que les cellules de Mme McK sont du groupe O et celles de son frère jumeau, décédé, du groupe A.
Ou encore le cas de Karen Keegan qui, à 52 ans, doit subir une greffe de rein. Elle a trois enfants, donneurs potentiels, pourtant on lui annonce que deux de ses enfants ne correspondent pas à son ADN ! Les médecins examinent alors Karen en détail (sa peau, ses cheveux, un bout de thyroïde) et découvrent dans certains échantillons deux populations distinctes de cellules : l’une identique à ses cellules sanguines et à son « vrai » fils, et l’autre qui possède des marqueurs génétiques concordant avec ceux retrouvés sur les deux autres fils. Deux identités génétiques réunies dans un seul corps. Ici, contrairement à Mme McK, Karen est née seule. Qui, alors, peut bien l’habiter à ce point ? Selon certaines données, 10 à 30 % des grossesses uniques démarreraient en réalité avec deux embryons. Ces derniers peuvent fusionner très tôt durant leur développement, ou l’un des deux peut disparaître quelques jours plus tard, tout en léguant des cellules au survivant. On parle alors de jumeaux évanescents, ou jumeaux fantômes. Pour les médecins de Karen, voilà la seule explication possible à sa situation ahurissante.
C’est le cas de Lydia Fairchild qui à 26 ans demande de l’aide pour élever seule ses deux enfants et se voit reprocher de ne pas être la mère de ses enfants, le test ADN étant formel (encore un coup d’une sœur jumelle fantôme – les enfants dont la mère n’est pas née [sic]).
Ou cet américain qui, à l’occasion d’une PMA découvre que 10 % de ses spermatozoïdes contiennent un autre ADN que le sien, celui d’un frère jumeau disparu in utero.
Et que dire de Kim, accusée d’avoir tué sa fille de trois ans. L’analyse ADN indique que l’enfant serait en réalité celui de la mère de Kim, qui s’en occupait régulièrement.
– Alors, les tests ADN, on ne peut plus leur faire confiance ?
– Avec précautions ! Et là, on parle placenta et grossesses, mais ces cellules étrangères peuvent provenir d’une transfusion sanguine ou d’un rapport sexuel… Et c’est la même chose avec les greffes : « Désormais, les choses sont claires :dès lors qu’un protagoniste a reçu une greffe, les risques d’erreur des tests ADN sont trop importants pour les utiliser comme éléments de preuve. Faute de quoi, des donneurs anonymes pourraient se voir reprocher des infractions qu’ils n’ont pas commises. » Tout se passe comme si la greffe était un fœtus.
– OK, mais généralement les fœtus ne sont pas rejetés !
– C’est exact. Des chercheurs tentent actuellement de mettre au point un cocktail chimique qui imiterait les conditions fœtales, permettant un retour du système immunitaire à un état immature. Dans ces conditions, l’injection de cellules du donneur s’apparenterait au microchimérisme d’origine maternelle et pourrait dès lors jouer pleinement son rôle de pacification du système immunitaire en vue d’une greffe ultérieure…
– En fin de compte, ces cellules chimériques, positives ou négatives ?
– Les deux, mon capitaine !
Aujourd’hui, et c’est l’un des rôles le mieux documenté des cellules microchimériques, celles d’origine fœtale qui accourent vers les plaies cutanées de souris, où ces cellules se transforment en vaisseaux sanguins et facilitent ainsi la cicatrisation.
En 2004, la cardiologue Hina Chaudhry croise la route de deux patientes atteintes d’une cardiomyopathie dite du péripartum, c’est-à-dire développée durant ou juste après la grossesse. En quelques mois, elles avaient récupéré un cœur comme neuf alors que l’étendue des dommages faisait craindre le pire. Huit ans plus tard, son équipe découvre qu’environ 40 % des cellules d’origine fœtale présentes dans le cœur maternel proviennent directement du placenta. Elles viennent se loger spécifiquement dans les régions abîmées, où elles se transforment en cardiomyocytes fonctionnelles ou bien en vaisseaux sanguins.
On a noté que les nouveau-nés qui possèdent le plus de cellules d’origine maternelle dans leur sang présentent le moins d’infections entre sept mois et un an.
« Le microchimérisme maternel favorise l’immunité et atténue le risque d’infections respiratoires précoces chez les nourrissons. »
– C’est plutôt positif tout ça, non ?
– Oui, mais attendez la suite !
Des chercheurs français ont accédé à des biopsies de mélanome et de grains de beauté bénins chez 24 femmes enceintes. Résultat : 63 % des mélanomes abritent des cellules fœtales contre 12 % des grains de beauté. Et les cellules fœtales retrouvées dans les mélanomes se transforment effectivement en vaisseaux sanguins, donc en potentiels alliés des cellules cancéreuses. Idem pour le cancer du sein : lorsqu’il survient durant ou juste après une grossesse, il est souvent décrit comme plus agressif.
En 2010, un homme âgé de 40 ans, est atteint de symptômes de type sclérodermie, une affection principalement féminine, qui rigidifie la peau et les articulations. Dans son sang, on découvre un taux impressionnant de microchimérisme : 5 % des cellules sanguines portent des marqueurs génétiques différents de ceux du patient. Avec leurs deux chromosomes X (féminin). Ce ne sont pas les cellules de la mère du patient, ni de sa grande sœur. On comprend que ce sont des cellules d’une jumelle évanescente.
Ces situations, si elles devaient se confirmer, changeraient drastiquement notre approche vis-à-vis de ces maladies jusqu’ici dites auto-immunes. Cela pourrait notamment expliquer pourquoi 80 % des victimes de maladies auto-immunes sont des femmes et pourquoi certaines de ces affections ont une incidence maximale entre 40 et 60 ans, après la période reproductive, donc après avoir fait le plein de cellules microchimériques.
Et que penser des mères d’enfants atteints de trisomie 21 qui ont quatre à cinq fois plus de risques de développer la maladie d’Alzheimer plus tard dans leur vie ? Faut-il y voir un rôle des cellules microchimériques anormales d’origine fœtale ? L’hypothèse n’est pas exclue. Cette forme d’héritage génétique bouleverse notre vision habituelle de l’hérédité, qui se transmet par définition des parents aux enfants, d’une génération à la suivante. Ici, des femmes héritent des gènes de leur enfant, une sorte d’héritage à l’envers.
– Et ces cellules « micro-machin », elles sont rares ?
– Non, non, pas du tout, ces cellules sont partout, chez tout le monde !
– Mais si c’est le placenta qui est en jeu, on doit en retrouver chez tous les mammifères ?
– Absolument, on en a observé chez les souris, les chiens, les lapins, les vaches, les chevaux, les singes, etc.
– Et ça, depuis des millions d’années ? Quid de l’évolution ?
– Bonne question ! Suivant la théorie darwinienne, si ce phénomène n’a pas été éliminé par la sélection naturelle, c’est parce qu’il nous est utile et profitable !
Par exemple, ces grandes migratrices aideraient à tolérer la présence de cette étrange greffe naturelle logée dans le ventre des femmes depuis des millénaires.
Une étude a révélé que 63 % des femmes possédaient des cellules mâles dans leur cerveau, probablement en provenance de leurs fœtus, et que celles-ci peuvent se transformer en neurones et autres cellules fonctionnelles du système nerveux central. Dès lors, ne peut-on pas imaginer qu’elles puissent influencer d’une façon ou d’une autre les fonctions cérébrales maternelles ? Et produire certaines molécules, comme l’ocytocine, une hormone produite par nos neurones et impliquée dans plusieurs comportements sociaux comme l’attachement, la générosité et l’empathie ? La sélection pourrait-elle avoir favorisé le microchimérisme fœtal pour sa capacité à amplifier le phénomène d’attachement maternel ?
« Du côté des fœtus, les avantages paraissent nombreux. En envoyant leurs cellules au-delà du placenta, ils s’assureraient le gîte, le couvert et l’amour maternel. Et en accueillant dans leur propre organisme les cellules de leur mère, ils s’assureraient un développement neuronal harmonieux et un système immunitaire prêt à les protéger ultérieurement. »
Côté mères, on a vu que les cellules d’origine fœtale offrent tout d’abord une possibilité de réparation tissulaire plutôt intéressante, cet effet « cure de jouvence » représenterait un avantage pour les mères comme pour leur progéniture, qui pourraient dès lors bénéficier plus sûrement et plus longuement d’une aide dévouée à leur égard.
Une étude danoise portant sur 172 femmes, commencée dans les années 1990, lorsqu’elles avaient entre 50 et 65 ans a montré chez 70 % d’entre elles, des cellules mâles. Trente ans plus tard, les femmes qui étaient positives au microchimérisme dans les années 1990 présentent une mortalité inférieure de 60 % comparativement à celles chez qui aucune trace de cellules mâles n’a pu être détectée. La raison ? Un risque « nettement réduit » de décès par cancer du sein, des ovaires ou encore du cerveau.

– Merci pour cet aperçu, mais je suppose que le bouquin est beaucoup plus complet ?
– Tout à fait, on s’est contenté, ici, de survoler les conséquences dues à ces cellules "étrangères" qui nous habitent tous et si le sujet vous intéresse, je vous conseille vivement de lire le livre pour une meilleure compréhension, en outre il est écrit de façon tout à fait abordable et avec humour.
Mais j’aimerais terminer sur une réflexion de la philosophe danoise Margrit Shildrick, connue pour ses travaux féministes : « "On a envie d’y croire, non ?" […] Vu ainsi, le microchimérisme n’apparaît-il pas comme une juste récompense face aux lourds tributs que paient les femmes pour la reproduction de l’espèce ? Comme une petite revanche sur les hommes aussi, qui transmettent leurs gènes à la génération suivante sans aucun effort, au cours de leurs multiples relations orgasmiques. Nous assumons certes l’essentiel des risques pour la survie de nos progénitures, mais nous serions quelque part "dédommagées" en récupérant des cellules potentiellement bénéfiques pour notre santé. »
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Après avoir refermé le livre de Cédric Sapin-Defour « Son odeur après la pluie », ou les vies emmêlées de l’auteur et de son chien Ubac, j’avais vraiment envie de faire une pause (mon deuil ?), le temps de dire adieu à ce bouvier bernois mémorable, et puis, lors d’une commande en ligne d’un livre de cuisine, le site me propose un titre étrange « Montaigne, Kant et mon chien » (subrepticement glissé là, grâce aux "cookies", très probablement) d’une autrice inconnue.
Je n’ai pu résister.

Audrey Jougla n’est pas n’importe qui. Elle née à Saint-Cloud en 1985, elle est chanteuse (auteur-compositeur-interprète), auteure, essayiste et professeure de philosophie. Et, disons-le tout de suite, elle est très jolie !
Elle est diplômée de l’IEP de Paris. Elle vit trois ans en Argentine, à Buenos Aires, où elle étudie à l'université Torcuato Di Tella puis à Mendoza, où elle travaille en tant que journaliste pour le quotidien régional Ciudadano Diario.
Passionnée d'éthique animale, elle reprend des études de philosophie en France à l'université Paris-Nanterre et obtient les félicitations du jury pour son mémoire de recherche sur la question de l'expérimentation animale comme mal nécessaire. Elle enseigne actuellement la philosophie au lycée et collabore à Marianne et Philosophie magazine.
Dès 2011, elle commence à militer activement pour la protection animale aux côtés de diverses associations.
Elle décide alors de commencer une enquête sur l'expérimentation animale en France, une grande partie de son enquête sera publiée en septembre 2015 dans l'essai « Profession : animal de laboratoire » qui contribue à relancer dans les médias le débat sur l'expérimentation animale.
En octobre 2016 elle fonde l'association Animal Testing pour poursuivre les enquêtes et diffuser de l'information sur les animaux de laboratoire qui révèle pour la première fois les images de singes utilisés pour des expériences dans le sous-sol d'un hôpital parisien, etc.
En 2022 paraît son troisième essai, « De l’or dans la tête ! Repenser l’éducation pour réparer l’école », une enquête sur l’évolution de l’école et les failles actuelles du système éducatif français. Audrey alerte sur le manque de maîtrise du français par les élèves, les difficultés à éveiller leur esprit critique, et sur la reproduction sociale induite par un système inégalitaire et peu exigeant…
La même année parait « Montaigne, Kant et mon chien ». Où l'auteure relate les enseignements que le (son) chien transmet à son compagnon humain, en mêlant le récit à la philosophie.

Nous y voilà. Dans « Son odeur après la pluie » le compagnon humain d’Ubac (je ne peux plus employer le terme de « maître ») observait son chien avec les yeux de l’amour et vivait en osmose avec lui, lui parlant comme à un ami, le prenant tel quel, sans explication. Qu’elle importance qu’Ubac soit comme tous les chiens ou exceptionnel ? Pour son compagnon il est unique et merveilleux !
Audrey aussi aime passionnément sa chienne Mélodie mais elle l’observe en éthologue, rend compte de son comportement à la lumière de postulats philosophiques, tels que :
La répétition : « …le chien aime les habitudes, les vôtres, et prend très vite des marques et des repères qui fondent un certain amour du quotidien » (23) Avec un chien, on prend alors conscience de tout un pan du réel que l’on ne voyait plus, il devient un philosophe de l’habitude, montrant un autre visage de celle-ci, pour la vivre différemment.
La sieste : À regarder son chien dormir en toute quiétude, pendant de longues heures, dans la journée, alors que nous nous agitons au travail, on finit par se demander si « Toute cette agitation humaine, toute cette occupation n’est alors que le fruit d’un désir de ne pas affronter qui nous sommes, ce que nous pensons, ou simplement pourquoi nous faisons ce que nous faisons. » La lucidité du chien donne une leçon : « lui n’a pas besoin d’une contenance ni d’illusion à poursuivre. Il est pour lui-même et par lui-même. » (33)
Le jeu : Sous son apparente futilité, le jeu est essentiel. Pour l’enfant, comme pour le chien, le jeu est une activité sérieuse où « Les notions d’interdit, de triche, de sanction et de récompenses y sont éprouvées. » (41)
Le toucher : Le chien nous invite à le toucher et à utiliser ce sens bien plus que nous ne le ferions sans sa présence : Récemment je me présentais devant ma boulangerie habituelle où une dame prenait son petit déjeuner, en terrasse, en compagnie de son chien, un superbe Berger australien, me voyant arriver, il s’est levé et est venu à ma rencontre pour me saluer, glissant sa tête dans ma main pour recevoir une caresse. Quelle spontanéité admirable ! Quel contact merveilleux ! Si les humains avaient ce type de comportements les relations seraient d’un tout autre ordre. « Le toucher, sens de la réalité, fait l’éducation des autres sens. » (J. Lagneau) « Celui qui se contente de voir reste à distance, ne se saisit pas du monde comme celui qui le touche, qui entre en contact… » (51)
L’instant présent, la constance, la fidélité, la joie, l’honnêteté, etc. La liste est longue de ce qu’il sait transmettre, en plus de son amour inconditionnel pour celui qui l’accompagne.
Schopenhauer ne s’y est pas trompé : « Je ne m’étonne pas qu’on calomnie les chiens : – trop souvent hélas ! L’homme n’a qu’à rougir devant le chien. » (109)
Un livre lumineux et paisible, malgré les péripéties domestiques de l’auteure – mariage, divorce, déménagements, installations intercontinentales, naissance… – qui a pu traverser toutes ses épreuves grâce à la présence constante et rassurante de sa chienne « Plus qu’une amie, ce fut une partenaire de vie, un copilote. Et lorsque j’avais enfin trouvé ma voie et que j’étais installée dans ma vie, elle s’en alla, sans doute parce que sa mission était accomplie. […] L’amour inconditionnel a un prix, celui que l’on appelle l’art de perdre. »
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date : 29-09-2023
Pourquoi les juifs sont-ils persécutés depuis des millénaires ?
Une question que je me pose depuis que je suis en âge de me poser des questions !
Parce qu’ils seraient responsables de la mort du Christ ? Des déicides ? Non, ça ne marche pas !
Ça aurait commencé avec Nabuchodonosor II qui attaque le Royaume de Juda peuplé par des juifs, et prend Jérusalem en 597 avant J-C. 10 000 juifs sont déportés à Babylone.
Au IVe siècle av. J-C, c’est Alexandre le Grand qui s’y met : les juifs se répandent en Égypte, en Asie mineure et dans les îles grecques. Puis on les retrouve en Libye et en Afrique du Nord.
Sous l’Empire romain ils sont nombreux à Rome, Damas ou Antioche et un million en Égypte. Mais la domination romaine provoque des révoltes ce qui entraine des déportations des mises en esclavage et des expulsions.
Au deuxième siècle, la diaspora juive représente les quatre cinquièmes des juifs, elle se détériore fortement lorsque le christianisme devient religion d’État avec l'Édit de Thessalonique de 380.
Par mesure de ségrégation, le concile du Latran, en 1215, les contraint à porter un signe distinctif (la Rouelle, ancêtre de l’étoile jaune). De nombreux métiers sont interdits aux juifs : la fonction publique, le travail de la terre, l'artisanat, etc. Par contre, leur religion permet l'usure, qui est interdite aux chrétiens (car le temps n'appartient qu'à Dieu). Ainsi les métiers d’argent sont laissés entre les mains de juifs assurant les offices de banquiers et d’usuriers, prêtant ainsi de fortes sommes aux puissants de ce mondes, qui deviennent leurs débiteurs provoquant de ce fait plus de haine que de reconnaissance. Mais également toute personne vivant dans la misère ou la précarité pourra, sa vie durant, associer le juif à son malheur, et y voir la cause de sa ruine en même temps que l'incarnation du péché. Ainsi en 1321, les juifs, comme les lépreux, sont accusés d’empoisonner les puits ; lors de la grande peste (1347-1352) on pense qu’ils ont volontairement propagé l’épidémie…

Pourquoi ai-je voulu lire ce livre ?
Dans la lignée de la question précédente, il y a plus de soixante ans j’ai lu « La mort est mon métier » de Robert Merle, une biographie romancée de Rudolf Höss, commandant du camp d'extermination d'Auschwitz qui m’a laissé une marque indélébile, et, plus récemment, « La carte postale » d’Anne Berest et « Enfants de survivants » de Nathalie Zajde, deux ouvrages qui traitent du traumatisme des rescapés de la Shoah et de leurs descendants, il paraissait donc intéressant de prendre le contre-pied en abordant le point de vue des descendants des acteurs des persécutions nazies.

Pourquoi John Boyne a voulu écrire ce livre ?
Il l’explique lui-même en fin d’ouvrage : « L’idée de La Vie en fuite m’est venue en 2004, peu de temps après que j’avais terminé la dernière mouture du Garçon en pyjama rayé*. »
Ce roman pour adolescents, Le Garçon en pyjama rayé (2006), traduit en 40 langues, s’est vendu à plus de 6 millions d'exemplaires dans le monde, avant d'être adapté au cinéma en 2008. Il retrace l’histoire bouleversante des camps de concentration de la Seconde Guerre mondiale par le point de vue innocent d’un enfant de 9 ans, Bruno, frère cadet de Gretel, qui sera le personnage principal de La Vie en fuite : « … c’était fascinant pour moi de revenir à Gretel presque vingt ans après et de découvrir, à travers l’écriture, ce qu’elle était devenue. »

John Boyne est né à Dublin, (Irlande), en 1971, il étudie la littérature anglaise au Trinity College de Dublin, en 2015 il reçoit un doctorat honorifique en Lettres de l'université d'East Anglia.
Il est l’auteur d’une vingtaine de romans et romans pour la jeunesse ainsi que plusieurs nouvelles.

Voilà le décor planté, un décor trop ambitieux, sans doute, pour la suite…
Si on n’a pas lu Le garçon en pyjama rayé (comme moi), on fait la connaissance de la sœur de Bruno, Gretel, en 1946, alors qu’avec sa mère elles arrivent à Paris, sous un faux nom, fuyant les procès contre l’humanité après les massacres commis dans les camps d’extermination.
Gretel est une belle jeune fille de quinze ans rongée par la culpabilité d’avoir connu le rôle de son père et de n’avoir rien dit ni rien fait. Quant à sa mère, entre deux verres d’alcool elle pense surtout à sauver sa peau.

Gretel donc, on sent bien qu’elle est obsédée par une autre culpabilité encore plus dévastatrice que les milliers de morts sur la conscience de son père, la pauvre…
Eh bien non. De chapitres en chapitres, on fait des grands écarts entre 1946 et 2022, entre Paris et Londres, entre Gretel adolescente et Gretel âgée de 92 ans, puis entre Sydney en 1952 et Londres en 2022 et Londres, à nouveau, en 1953 et 2022.
Personnellement, j’ai ressenti le personnage de Gretel comme immatériel, surajouté, artificiel, une pure fiction improbable tout droit sortie de l’imaginaire de l’auteur, mais je n’ai pas adhéré. Gretel est froide et calculatrice et n’attire aucune empathie ou un semblant d’intérêt. Même en découvrant petit à petit ce qui motive ses actions. Même lorsqu’elle tente d’effacer son remords par un acte répréhensible – et peu crédible – qui n’enlèvera jamais le sien.
Je n’ai pas lu Le Garçon en pyjama rayé, un ouvrage certainement d’une grande qualité, recommandé par l’éducation nationale française pour les collégiens. Mais si le thème de La Vie en fuite est prometteur il gagnerait certainement à être une (auto)biographie. En faire une œuvre d’imagination est, à mon sens, une gageure vouée à l’échec.

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(*) Le garçon au pyjama rayé :
« 1943 : en rentrant un jour de l'école, Bruno apprend que lui et sa famille doivent quitter Berlin et déménager, car son père a reçu une promotion dans son travail. Celui-ci, un brillant officier SS, a en effet été remarqué par Adolf Hitler et a été envoyé en mission spéciale en Pologne occupée, pour diriger ce qui semble être un camp d'internement. Bruno est très triste, car il doit quitter ses amis, sa maison qu'il aime tant, ainsi que Berlin.
Arrivé dans sa nouvelle maison, Bruno n'a qu'une envie : rentrer, car la nouvelle maison est particulièrement lugubre et il s'y ennuie. Jusqu'au jour où il va apercevoir quelque chose d'étrange, derrière l'épaisse forêt qui borde la maison. Il voit des baraquements, un sol poussiéreux, des soldats, mais encore plus bizarre : des gens qui sont tous habillés de la même façon, d'un pyjama rayé.
Peu de temps après, poussé par sa curiosité et son envie ardente d'exploration, et malgré l'interdiction formelle de ses parents de quitter la propriété, Bruno va échapper à la surveillance de ses parents, traverser la grande forêt et se rendre devant le camp. En s'approchant de la clôture de barbelés, il rencontre un enfant juif de huit ans, comme lui, qui s'appelle Shmuel, et, malgré la clôture qui les sépare, un dialogue va naître, avant de laisser place à une inébranlable amitié.
L’innocence des deux enfants face à la dure réalité de la Shoah prend alors une tournure imprévisible, et se termine pour eux de façon tragique. »
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Si vous êtes ailurophile exclusif, passez votre chemin !
Ici on ne parle que de chiens, de chiens et d’hommes. Les deux sont inséparables.

Le 13 août 2023 le journal Sud-Ouest Dimanche consacrait une page entière à un entretien avec Cédric Sapin-Defour ayant pour titre « Mon chien Ubac m’a appris à vivre dans l’instant présent » et en sous-titre "Gros succès en librairie cet été, totalement inattendu, pour « Son odeur après la pluie », le livre que Cédric Sapin-Defour consacre à son chien, son ami. Un texte émouvant, juste, sans surplomb ni mièvrerie".
J’ai une tendresse particulière pour "Le meilleur ami de l’homme" – juste retour des choses – je me suis donc empressé de me procurer le livre en question…

Cédric Sapin-Defour est né, par hasard, à Saint-André-des-Vergers, dans l’Aube, en 1975, suivant ses parents enseignants d’éducation physique et sportive au gré de leurs mutations professionnelles. La famille s’installe à Oyonnax en 1986, à proximité des Alpes. Il est lui-même professeur d’éducation physique, amoureux de la montagne et du ski de randonnée. Il pratique intensément les activités de montagne, avec son épouse Mathilde, elle aussi professeure d’éducation physique, comme compagnon de cordée et de vie : leur camp de base est, depuis 2005, établi à Arêches dans le Beaufortain, avec quelques bouviers bernois et labradors autour d’eux.
Ancien chroniqueur pour le mensuel "Montagnes Magazine", il est aujourd’hui collaborateur au quotidien "Libération" et publie tous les lundis matin, pour la revue en ligne Alpine Mag, un billet d’humeur en lien avec la montagne intitulé "Espresso". Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont : "Le dico impertinent de la montagne" (2014), "Qu’ignore-je ? L’alpinisme" (2015), "Gravir les montagnes est une affaire de style" (2017), "L'art de la trace" (2020) et "Son odeur après la pluie" (2023).

Pour en revenir à son dernier livre, il me plait assez de penser que nos amis canins ont ce pouvoir d’améliorer leur compagnon humain, car dès la soixantième page, l’auteur et son chien sont enfin réunis et l’écriture devient plus fluide et intelligible comme portée par une évidente simplicité qui doit s’accommoder de la présence innocente du jeune chiot, pour le bonheur de tous ! En effet, quelques phrases, au début, laissaient présager des difficultés : « Si aux yeux de beaucoup, l’adoption d’une bête est une interrogation cosmétique comme on barguignerait sur la couleur d’une veste, cette perspective parce qu’elle met en gage autant de moi me remue jusqu’à la nausée et c’est agréable. » (P. 31) J’avoue humblement que je me pose encore des questions sur le sens profond de cet aphorisme …

Nous sommes en 2004, Ubac – tel est son nom (un nom de versant de montagne) – a deux mois et demi et débute treize années de vie commune avec l’auteur. Ce livre "mémoire" ne paraîtra que six ans après sa mort « Ubac est mort en 2017, il a fallu un peu de temps pour que j’envisage d’écrire cette relation, la tristesse et le manque dominaient. Puis est arrivé un moment où j’ai voulu revivre par l’écriture ces moments heureux. J’ai aussi eu le sentiment que si je ne les écrivais pas, certains de ces souvenirs allaient m’échapper définitivement. En fait, j’ai eu envie de passer à nouveau du temps avec Ubac. » Ainsi se justifie Cédric dans les pages de Sud-Ouest en août 2023.
Si l’initiale pour l’année 2004 eut été "A" au lieu du "U" réglementaire il l’eut très certainement appelé "Amour", un nom un peu ridicule pour un chien, peut-être, mais tellement approprié pour celui-là, « Qu’est-ce que l’amour aussi si ce n’est ne plus être seul ? » (P. 137)
Voilà un animal débordant d’amour pour tout et tous, s’émerveillant de tout et même, si un jour de printemps, il a pu se saisir d’une marmotte à moitié réveillée, il l’a immédiatement libérée « ne sachant toujours pas quoi faire de la violence. »
Alors, quand son compagnon humain se trouve une compagne (Mathilde), laquelle tient à faire la connaissance d’Ubac, dont elle a tant entendu parler… Comment pensez-vous que cela se passe, à sa descente du train ? « … j’ouvre vite la porte latérale du fourgon. Ubac en surgit, c’est un sentiment idiot de fierté mais j’en suis là. Mathilde le découvre, sidérée comme s’il était venu cet instant qu’elle réclame depuis ses premières listes au père Noël. Ils se donnent de la patte, de l’accolade et des petits hurlements. Puis ils courent beaucoup et bondissent longtemps sur un terrain de football tout proche. Ils s’en fichent de moi, c’est parfait. » (P. 143)
La vie à trois s’installe, ponctuée par les sorties, les nombreuses promenades dans la nature, Ubac, comme tous les chiens, sait exactement déchiffrer les signes annonciateurs de la balade : les baskets grises pour Cédric sont le signe d’un départ imminent. Où allons-nous ? « Peu lui importe, son adhésion est immédiate, son enthousiasme aussi, un chien ne s’encombre pas d’augurer. » (P. 179)

Mais un chien vieillit sept fois plus vite que son compagnon humain et inévitablement arrive le moment où il faut se quitter, où l’être aimé disparaît. Certains diront « Ce n’est qu’un chien ! » et passeront à autre chose… Je les plains un peu, ces handicapés du cœur, ces handicapés de l’amour, ils n’ont pas vécu ce qu’a vécu Cédric, l’amour indéfectible, inconditionnel, absolu d’un compagnon de tous les instants. Plus qu’un compagnon, un maître à penser.

Cédric n’a aucune honte à avouer qu’en mourant Ubac lui a arraché une partie de lui-même et qu’il lui a fallu plusieurs années pour transformer cette absence en présence supportable. Le temps faisant son œuvre, il l’a déclaré sans ambages « [il] est arrivé un moment où j’ai voulu revivre par l’écriture ces moments heureux. […] En fait, j’ai eu envie de passer à nouveau du temps avec Ubac. »
Alors tout le livre est LE livre souvenirs de leurs vies communes, souvenirs idylliques, souvenirs magnifiés par le temps, l’amour et la tendresse. Ne venez pas dire « Qu’est-ce que ce serait s’il s’agissait d’un enfant ? » Ce serait la même chose. Le cœur de Cédric est assez grand !
Ne négligez surtout pas les deux derniers chapitres ce sont deux lettres ouvertes à Ubac. Et laissez-vous gagner par l’émotion…

Je terminerai ce commentaire comme se termine l’entretien sur Sud-Ouest :
S-O : Les refuges sont pleins à craquer d’animaux abandonnés, quel regard portez-vous sur cette situation ?
« […] C’est amusant que vous me posiez cette question car six ans après la mort d’Ubac, Mathilde et moi avons à nouveau un chien, depuis le 5 août, un petit bâtard, Lulu, que nous avons adopté : ce chien errait dans les rues de Roumanie et a été récupéré et sauvé par une association. »
S-O : Comment se passent les premiers jours avec Lulu ?
« Il a une bonne petite gueule mais il faut le rassurer. Il a très peur du bruit, des voitures notamment. Nous espérons bien lui montrer que tout n’est pas pourri chez les « dominants » que nous, les humains, prétendons être… »
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Je suis un vieux machin, et les vieux machins ont plusieurs vies : nous avions trente ans, ma femme et moi, en camping dans les Landes, debout à six heures pour être à sept, le pied à l’étrier au club hippique de Dax. Un jour, on m’avait attribué un animal gigantesque (environ 1,80 m au garrot). En fin de reprise nous avions obligation de doucher les jambes de notre monture. D’où une file d’attente devant la douchette et des chevaux impatients retenus par les rênes. Ma montagne ne cessait de piaffer sur place, attendant nerveusement son tour (croyais-je). En fait, il n’avait pas dû apprécier mes exceptionnels talents de cavalier et, rancunier, cherchait … mon pied ! La preuve : quand son sabot a trouvé la pointe de ma botte, non seulement il s’est arrêté de trépigner, mais il s’est légèrement déporté à droite pour appliquer le maximum de poids sur mon malheureux gros orteil ! Et plus je m’arcboutais sur son flanc pour me dégager, plus, l’air de rien (s’il avait pu lire le journal, il l’aurait fait !), il augmentait la pression. Cinquante ans plus tard, l’ongle de mon pouce est toujours fendu et sensible pour me rappeler que je devais vraiment être un bien piètre écuyer ! « Le comportement d’un cheval dépend de la perception qu’il a de vous. » (p.18) Il exagère Xavier de Moulins de me rappeler mes inaptitudes… Je suis assez grand pour me servir moi-même !
Deux ans plus tard, ma femme signait l’arrêt de nos exploits équestres en se fracturant le coude. Mais ceci est une autre histoire. Aucun ressentiment, un amour des chevaux d’autant plus fort qu’il est contrarié.

Xavier de Moulins (plus exactement Xavier de Moulins d'Amieu de Beaufort) est né en juillet 1971 à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). Il obtient une maîtrise de lettres (Paris-IV-Sorbonne) et un DESS de télécommunications (Paris-Dauphine). De 1994 à 201 il débute une carrière dans la presse écrite (La Croix, le Guide du routard, le Monde, L'Expansion, Vogue, Les Inrockuptibles). Depuis 2001 il poursuit une carrière à la télévision (Canal+, Paris Première, M6). En 2011 sort son premier roman Un coup à prendre (porté à l'écran dans le film Tout pour être heureux de Cyril Gelblat, sorti en 2016).
La nuit des pur-sang (2023) est son dixième roman.

La nuit des pur-sang nous transporte dans l’univers des chevaux de course et des entrainements à l’aube… Non, ce n’est pas ça…

La nuit des pur-sang, c’est l’histoire d’Alexandre, la quarantaine, ingénieur informaticien, fou amoureux de sa femme Ava… Non, ce n’est pas seulement ça…

La nuit des pur-sang, c’est Alexandre amoureux des chevaux responsable d’un centre hippique pour "enfants différents"… Oui, c’est ça, mais pas uniquement…

La nuit des pur-sang, c’est la vie de de Tony, un ancien jockey trop abimé pour continuer les courses, alors, dans son camion il conduit les cracks… Non, c’est autre chose en plus…

La nuit des pur-sang, c’est Elisabeth, la maman d’Alexandre qui se mortifie de n’avoir pas quitté son mari violent, physiquement et moralement, pour protéger son fils… Non, ce n’est pas tout…

La nuit des pur-sang, c’est tout ça à la fois. C’est surtout Alexandre hanté par le remort, par la culpabilité, la haine de soi et le mépris d’un père, pervers narcissique et destructeur, qui l’empêche de se reconstruire en remontant en selle. Parviendra-t-il à se libérer de cette mainmise accablante ?

Pour arriver à ses fins, l’auteur use et abuse de subterfuges irrationnels n’hésitant pas à faire dialoguer morts et vivants. Un temps, mon moi cartésien s’est rebiffé, puis s’est acclimaté, et a fini par entrer dans le jeu (jusqu’à un certain point). C’est une pirouette qu’a choisi l’auteur pour exprimer sa relation avec la mort d’un proche. Pirouette parfois osée qui, pour ma part, limitera ma note à 7/10, alors que j’ai bien aimé ce roman malgré quelques longueurs et redites.

P.S. : Je ne peux quitter cette chronique sans citer le "Dr. Peyo" (le cheval qui parle à l'oreille des patients)
https://www.infirmiers.com/profession-ide/peyo-le-cheval-qui-parle-loreille-des-patients
https://creapills.com/docteur-peyo-cheval-hopital-20210628
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À plus de cinquante ans, alors que sa carrière végète, Stanislas Henri Armengol dit Stan, paléontologue de son état, a vraiment envie de croire à une histoire qui lui est venu aux oreilles, une histoire à dormir debout. Une histoire qu'il prend au sérieux, racontée par un vieil italien à une petite fille qui le croisait souvent dans la cour de l'immeuble où elle habitait et où il était concierge :
Adolescent, le vieux Leucio s'était égaré pendant plusieurs jours dans la montagne et avait fini par s'abriter d'un violent orage dans une caverne où il avait été terrorisé par un dragon qui vivait là. Stan s'est mis en quête du dragon de Leucio : un travail d'enquêteur minutieux, année après année, jusqu’à ce jour-là en 1954 où, dans un petit village du Sud-Est de la France, il attend Umberto, son ancien assistant à l'Université, comme lui paléontologue mais à Turin, qu'il a invité à le rejoindre pour une expédition estivale dans les montagnes, au pied d'un glacier surplombé de trois pics caractéristiques, afin de retrouver la fameuse caverne et le dragon.

Enfilez vos chaussures de marche, n’oubliez pas cordes et piolets ! Vous êtes partis pour un voyage dont vous vous souviendrez : Jean Baptiste Andréa nous a concocté un petit roman à sensations qui va vous faire passer par tous les sentiments, toutes les émotions et toutes les humeurs : une lecture palpitante dont ne sort pas indemne.

Jean-Baptiste Andrea, est en 1971 à Saint-Germain-en-Laye, c’est un écrivain, scénariste et réalisateur français.
Il est diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris et de l'ESCP.
Son premier roman, Ma reine (2017) reçoit de nombreux prix dont le prix Femina des lycéens, et le prix du premier roman.
Son troisième roman, Des diables et des saints (2021), reçoit en mars 2021 le Grand prix RTL-Lire.
Cent millions d’années et un jour (2019) est son deuxième roman.

Depuis son plus jeune âge Stan est à l’affut du moindre caillou abritant un fossile antédiluvien, au grand dam de son père qui lui prédit une destinée de "lopette" s’il ne reprend pas la ferme familiale. Mais son rêve se réalise et a 25 ans le voilà professeur de paléontologie avec Umberto comme assistant. Une longue vie de laboratoire sans aspérité qui pourrait bien gagner en notoriété s’il découvrait un fossile de dinosaure inconnu jusqu’alors. Un apatosaure ? Un brontosaure ? Un rêve. Une folie. Un espoir. Un soleil au bout d'une vie grise et terne.
Et pour ce faire, il entraine avec lui son ancien assistant Umberto, une force de la nature, une montagne à lui tout seul. Il le découvre amoureux et bientôt marié, « Umberto, amoureux. Pourquoi pas, après tout ? Qui dit que les montagnes n’ont pas de sentiments, elles qui rougissent au lever du soleil ? »

Umberto n’est pas venu seul, avec lui, Peter, son jeune assistant à Turin et Gio, un guide de montagne italien, taiseux et autoritaire. Les voilà partis à la découverte du monstre antique avec pour seul localisation, la base d’un glacier d’où l’on voit trois pics enneigés. Mais la foi de Stan est inébranlable : nous allons le trouver, l’animal, enfoui dans sa grotte, dans un jour, dix ou trente, il nous attend !
« Un miracle est arrivé. J’ai trouvé mes jambes d’alpiniste. Elles étaient là qui m’attendaient sur le bord du sentier, je les ai chaussées sans m’en rendre compte. Ce sont des jambes merveilleuses, pleines de puissance contenue, de ressort, de technique pour appréhender les trahisons du chemin. »
Le soir, après un repas de viande séchée sur une tranche pain frottée à l’ail, pris sous une bande de ciel immuablement piqueté d’étoiles éblouissantes, les habitants du lieu se rappellent aux voyageurs : « Un chant s’élève, lunaire, glisse sur l’horizon. Une autre plainte fuse, puis une autre encore, un chœur guerrier que mes gènes de primate n’ont pas oublié. Pas de paroles, mais le message est clair. Cours, idiot. » Les loups tiennent concile !

Enfin, voilà le glacier, enfin voici les trois pics. Vont-ils trouver la grotte et son gardien ?
Je vous laisse deviner…

P.S. : On ne sort pas indemne de cette lecture, j’aurais voulu trouver les mots pour être lyrique, poétique ou au moins quelque peu littéraire… je ne sais pas faire, mais le cœur y est.
Ne lisez pas le spoiler, mais lisez le livre (un conseil d’ami).

Spoiler(cliquez pour révéler)
Il faut les encourager ! Le travail est pénible à cette altitude. Stan était certain qu’ils allaient trouver rapidement, mais les jours passent, l’automne approche avec ses intempéries. Mais pour Stan, c’est l’œuvre de sa vie, son rêve ultime, il ne peut abandonner, il ne peut remettre à l’année prochaine.
Et bientôt il est seul. Seul dans la foule, c’est une image, mais seul en montagne, qu’est-ce ? « Je suis entouré de millions et de millions de mètres cubes, d’hectares, de tonnes de rien, de vide et d’absence. Si je tombe, personne ne me ramasse. Si je m’endors, personne ne me réveille. C’est ça, être seul. »
Et quand Noël arrive il a déjà perdu la notion de la réalité et celle des illusions : « C’est toi, maman ? Attends, je t’ai préparé un cadeau, il doit être quelque part. Voilà, cette boule de neige bien ronde, bien blanche, je l’ai faite pour toi. Et ce soir, c’est dîner de fête. Viande séchée sur tranche de fruit sec, suivie d’une tranche de fruit sec sur viande séchée. »
Soudain. Rêve ou réalité ? Délire ou certitude ? La caverne est gigantesque, une cathédrale hérissée de stalagmites. D’un côté, un vitrail bleu s’ouvre dans la paroi, contre le glacier. De l’autre, le soleil entre à flots par une anfractuosité donnant sur une vallée paisible. « Leucio n’a pas menti. Son dragon est là, au milieu de la nef, veillé par mille pénitents de calcaire. » Enfin le Titanosaurus stanislasi emporte Stan dans un bonheur éternel.
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À la maison on aime le rugby (devant la télé). Pas particulièrement supporters de l’UBB, ou alors, juste par chauvinisme (on est bordelais, quand-même), au niveau de son classement au Top 14. Mais on ne loupe pas une rencontre du XV de France au tournois des six nations (et le chouchou de ma femme, le toulousain Antoine Dupont, sacré "Meilleur joueur mondial 2021" !) et la Coupe du Monde 2023, organisée en France du 8 septembre au 21 octobre promet de belles rencontres !

La légende voudrait qu’il y a deux cents ans (1823), dans un collège de la ville de Rugby, en Angleterre, lors d’un match de football, William Webb Ellis, un élève du collège, porta le ballon dans ses bras, derrière la ligne de but adverse, en contradiction avec le règlement, donnant ainsi naissance au football rugby. Histoire pittoresque mais probablement erronée et simpliste. Une cinquantaine d’années plus tard la première fédération nationale est créée, la Rugby Football Union (1871) et le 27 mars de la même année a lieu la première rencontre internationale qui oppose l’Écosse à l’Angleterre à Édimbourg devant 4000 personnes (1 à 0 pour l’Écosse).
En 2018 (triste année dont on va reparler) le rugby à quinze se joue sur tous les continents avec plus de 630000 licenciés en Afrique du Sud, 355000 en Angleterre, 272000 en Australie, 258000 en France, 156000 en Nouvelle-Zélande, 132000 aux États-Unis, …, 121000 en Argentine, …, 109000 au Japon, …, 48000 à Madagascar, etc.

Le 9 décembre 2018, Philippe Chauvin et son épouse déambulent dans les allées d’une jardinerie, à la recherche d’un sapin de Noël, quand un coup de téléphone leur apprend que leur fils Nicolas, joueur espoir du Stade Français Paris, a été transporté à l’hôpital Pellegrin de Bordeaux dans un état grave, après avoir subi un double plaquage haut. Victime d’un arrachement de la deuxième vertèbre cervicale, entraînant une tétraplégie immédiate et un arrêt cardiaque sur le terrain, Nicolas Chauvin a été placé dans le coma. Il ne s’en réveillera jamais, décédant trois jours plus tard, le 12 décembre, à seulement 18 ans.
Alors, va commencer pour Philippe Chauvin, ancien rugbyman, dirigeant de club amateur et père de deux autres garçons de 20 et 16 ans également rugbymen, une longue quête pour comprendre ce qu’il s’est passé et proposer des mesures à prendre pour éviter que ça ne se reproduise. C’est l’objet de son livre "Rugby : Mourir fait partie du jeu".

Philippe Chauvin n’aime pas le rugby. Il EST le rugby, le rugby coule dans ses veines, c’est son credo : « J’ai appris à décrypter les comportements, afin d’adapter ma relation avec mes coéquipiers ou face à mes adversaires. […] La force du groupe face à l’individualité, et le poids de l’individu dans l’efficacité du groupe, c’est cela le rugby, un apprentissage de la vie en société qui considère toutes les bonnes volontés sans distinction d’origine, de provenance sociale ou de religion. C’est ce que j’essaie de transmettre humblement à mes fils : le goût de l’effort, du dépassement de soi, le respect des autres, et la détermination pour gagner, ou du moins pour comprendre ce qu’il faut améliorer pour y parvenir. » (p.19) Alors, lorsque certains joueurs se laissent envahir par des instincts de domination et par la peur qu’ils suscitent, il ne comprend plus.
Après l’enterrement de son fils, il a visionné (et décortiqué image par image) la vidéo des cinq minutes du match qui ont précédé l’accident : « Certains de ceux qui ont pu la voir qualifient l’action d’attentat. La clameur dans les tribunes, au départ, c’est une clameur d’effroi. J’avais un arbitre dans mes copains, quand il a vu les images, il a sursauté. Ce n’était pas du rugby. » Déclare-t-il au journal Ouest-France (Publié le 30/04/2023).

Comme le précise l’auteur, « Un match de rugby, ce n’est pas l’affrontement de deux gladiateurs dont l’un crève à la fin. » (p.70)
Alors que souhaite-t-il notre ami Philippe (qui porte plainte au civil) ?
D’une part, des sanctions exemplaires à l’encontre des responsables de l’accident (les agresseurs) afin de servir d’exemple dans l’espoir de réfréner les violences sur le terrain. Mais une véritable omerta sévit dans le milieu rugbystique pour ne pas entacher son image : « La FFR persiste à souligner les comparaisons statistiques les plus favorables par rapport à 2010 pour rassurer les joueurs et leurs familles, n’hésitant pas à rappeler, par l’intermédiaire de Bernard Laporte, que le rugby demeure bien moins mortel que… la pétanque ! Les chiffres peuvent effectivement dire n’importe quoi si on les sort de leur contexte, mais on serait en droit d’attendre un peu plus de responsabilité de la part d’un ancien secrétaire d’État aux sports, président de la FFR. » (p.84) Néanmoins pour la seule année 2018 on compte déjà quatre morts en France, quatre jeunes sportifs de différents niveaux ou provenant de différentes filières qui avaient pour point commun de pratiquer le rugby.

D’autre part, il souhaite faire modifier le règlement et en particulier celui relatif aux plaquages. Mais la tâche est rude car « Pour les trois instances [World Rugby, FFR, LNR], quatre morts dans le même pays, la même année, ne constitue pas un phénomène statistique suffisant à l’échelle mondiale pour déclencher une réelle remise en question. » (p.103) Mais à force d’opiniâtreté, il obtient qu’une organisation mondial doit examiner la proposition d’expérimentation formulée par la FFR qui propose d’interdire le plaquage au-dessus de la taille, tête contre tête et le double plaquage pour les compétitions amateurs en France (les pro peuvent crever en toute légalité !).

Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ! C’est ainsi qu’en avril 2019, lors d’un match, très disputé, entre le Stade toulousain et l’ASM Clermont Auvergne, lorsque le talonneur clermontois plonge dans l’en-but toulousain pour marquer un essai, le seconde ligne de Toulouse, Tekori, tente un plaquage impossible et commet un plaquage haut qui fera sortir le clermontois sur une civière. L’arbitre accordera un essai de pénalité et un carton jaune à Tekori. « La décision est un choc pour les joueurs clermontois, et pour la victime en particulier qui déclare : "Il faut quoi pour une sanction adéquate ? Finir en chaise roulante ? Mourir ?" » (p.137)
Devant un tel laxisme l’auteur prend à témoin la FFR, Bernard Laporte lui répond « Tu as raison, Philippe. Je trouve même illogique qu’il n’y ait pas eu de carton rouge immédiatement. » (p.137) Et puis c’est tout ! La LRN, qui botte en touche et la Ministre des Sports qui est aux abonnés absents.

Un jeu de ping-pong bien rodé fonctionne à merveille : prévenu d’actes dangereux en cours de matchs, le ministère alerte la FFR qui renvoie à la LNR, qui se cache derrière l’indépendance de la commission de discipline, et le tour est joué.
Il semble bien que seuls les enjeux économiques aient le pouvoir de faire évoluer les choses au plus haut niveau : « Il faut pouvoir capitaliser sur « les valeurs rugby », sur le spectaculaire Championnat Top 14, qui rassemble les meilleurs joueurs avec les plus gros contrats, et générer une audience indispensable pour recruter de nouveaux licenciés et ainsi obtenir les plus gros sponsors. » (p.141)

Du coup, mon imagination vagabonde vers les labyrinthes obscurs d’un autre sport, le football, pour ne pas le nommer, où des rumeurs d’Euros se comptent en dizaines, voire en centaines de millions… un pays extravagant pour le commun des mortels aux conséquences insoupçonnées !

Alors, après une longue période de tergiversations « L’association du Stade Français Paris rugby comprend et soutient ma démarche, mais ne souhaite pas se porter partie civile. » (p.154) Et voilà Philippe Chauvin lancé seul contre les moulins à vent. Baladé de rendez-vous en réunions, de colloques en négociations, tous aussi stériles les uns que les autres. Les mois et les saisons rugbystiques se succèdent avec leurs tristes litanies de jeunes plaqués illicites hospitalisés, au mieux, paralysés à vie. Le dernier en date cité : en décembre 2022 « un jeune ailier de 17 ans du Stade bagnérais est devenu tétraplégique suite à un plaquage… »

Oh comme je suis heureux que mon petit-fils de 20 ans n’ait jamais eu envie de pratiquer le rugby, se contentant de tennis, de gym et de muscu en salle, et de matchs de badminton ! (Il s’est quand-même essayé à la pétanque, malgré sa dangerosité [Cf. p.84])

Il parait tout à fait évident, que le pauvre Nicolas, du haut de ses 18 ans fait figure de lilliputien, dans un monde trop grand pour lui, et apparait de plus en plus comme la misérable victime collatérale d’un système qui l’écrase, qui l’ignore ou pire, qu’il gêne comme une mouche désagréable et tenace que l’on chasse… et pourtant, il suffirait de respecter les règles établies. « On n’a jamais vu un karatéka porter un coup potentiellement mortel et dire : "Excusez-moi, j’avais oublié qu’on n’avait pas le droit." » (p.173)

Et pourtant, je continue à aimer le rugby ! Il semblerait que, grâce à Fabien Galthier, coentraîneur de l’équipe de France, le quinze tricolore ne se comporte pas à l’international avec la brutalité des rencontre du Top 14, et « se caractérise par l’absence de gestes dangereux, de plaquages hauts malgré un engagement de très haute intensité. […] Les joueurs ne jouent plus avec les règles, ne cherchent plus la limite, mais déploient un jeu réfléchi dans les règles ! » (p.177)
Alors, tout est possible et tous les espoirs sont permis…
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Quand ma fille m’a dit vouloir lire un livre sur la peinture pendant ses vacances, mes vingt années de peintre amateur sont remontées d’un bloc, intactes, quand bien même cela fait plus de deux décennies déjà que mes couleurs durcissent dans les tubes à moitié écrasés, les odeurs de térébenthine et de vernis ne m’ont pas quitté et c’est avec enthousiasme que j’ai abordé ce livre (que nous nous partageons sur nos liseuses réciproques).

L’auteur du livre, Paul Saint-Bris, est le petit-fils du diplomate Hubert Saint-Bris (1915-1979) et le neveu de Jean Saint-Bris (1947-2004), publicitaire tourangeau qui avait hérité du domaine familial du Clos Lucé, (acheté par l’ancêtre de la famille André-Théodore Saint-Bris en 1854) près d'Amboise, où Léonard de Vinci avait passé les trois ou quatre dernières années de sa vie. Jean Saint-Bris avait transformé sa demeure en un lieu évoquant l'auteur de La Joconde. Il avait installé un "centre technologique Léonard-de-Vinci" dans une grange du XVe siècle, et un "Parc Leonardo da Vinci" dans le même esprit, ouverts au public. Jean Saint-Bris était le frère du journaliste et écrivain Gonzague Saint-Bris. Il a trouvé la mort dans un accident de la route près de Tours en 2004. Après sa disparition, c'est François Saint-Bris, son frère, qui reprend le flambeau avec le soutien de toute la famille. Il abandonne son travail pour devenir directeur du Clos Lucé à temps plein. Paul Saint-Bris est son fils aîné.
Âgé de 40 ans, Paul Saint-Bris est très attaché à Amboise où il a passé de nombreuses vacances et où, enfant, il venait passer Noël avec sa grand-mère, ses parents et ses sept oncles et tantes. Directeur artistique et photographe réalisateur, dans le domaine de la publicité et de la mode, l’auteur explique : « Malgré le rapport particulier que j’entretiens avec Léonard de Vinci au travers du Clos Lucé, je n’avais pas l’intention au départ de parler de lui. Mais lorsque j’ai choisi d’évoquer la résistance au changement, à savoir “Est-ce que l’on peut changer quelque chose qui est immuable ?" La Joconde, qui est recouverte de vernis qui se sont oxydés et opacifiés avec les siècles, m’est apparue comme le tableau qui servirait le mieux mon propos. En fin de compte, j’ai découvert que je ne pouvais pas échapper à Mona Lisa. »
(https://www.lanouvellerepublique.fr/amboise/amboise-le-premier-roman-de-paul-saint-bris)

C’est ainsi que Paul Saint-Bris nous invite à faire la connaissance d’Aurélien, conservateur et directeur du département des peintures, époque Renaissance, du Louvre. Un conservateur des plus conservateurs. Ainsi que de la nouvelle Présidente-Directrice du musée, Daphné Léon-Delville, issue du monde hyperactif de la com’, pour qui la préoccupation première se situe au niveau de la fréquentation de l’établissement, dont le chiffre stagnant de neuf millions de visiteurs par an doit être porté à dix, voire douze millions, sous peine de régresser !
Logiquement, ignorant tout du monde de l’Art, mais parfaitement au fait du New Public Management qui induit que l’on dirige les institutions publiques comme les entreprises privées, Daphné va faire appel à un audit-conseil pour étudier les mesures à prendre pour améliorer la fréquentation du musée, même si, par le passé, le chiffre de neuf millions avait été fixé comme limite (pour un bon compromis entre une circulation dense, mais compatible avec le parcours de visite, et le respect des collections). Et les recommandations pleuvent : utiliser l’IA et des barrières automatiques pour diriger les visiteurs vers les parties moins fréquentées ; accélérer le flux des visiteurs en multipliant par 1,3, voire 1,5 la vitesse de lecture des lecteurs ; créer un programme de visite express « le meilleur du Louvre au pas de course emmené par un opérateur en rollers ou en Segway, une expérience intense en quarante-cinq minutes chrono. »… En appliquant quelques-unes de ces réformes le Louvre peut espérer faire circuler trente pour cent de visiteurs supplémentaires !...
Inutile de dire que l’auteur s’en est donné à cœur joie pour caricaturer ces types de propositions et ce genre de cabinets conseils, par la même occasion !
Mais le clou du spectacle reste à venir : La Joconde, vous connaissez ? Tout le monde connait ! C’est la pièce maîtresse du musée ! Pourtant elle est dégradée par les outrages du temps. Ses vernis oxydés et jaunis ont déréglé ses contrastes, opacifiant le portrait qui année après année s’enfonce un peu plus dans la pénombre. Il faut la restaurer, mesdames et messieurs : « Réfléchissez-y : grâce à l’allègement de ses vernis, la peinture retrouvera son éclat originel. Redonner ses vraies couleurs à La Joconde, c’est créer un événement planétaire et vous assurer la venue de millions de gens empressés d’admirer sa photogénie nouvelle. »
Et voilà, la balle est dans le camp des experts (et d’Aurélien) : Faut-il ou ne faut-il pas restaurer La Joconde ?
La laisser dans son « jus » historique, lui conserver sa patine comme une marque de noblesse, mais « Le chef-d’œuvre de Léonard, comme quantité de tableaux, avait fait l’objet de nombreux revernissages au gré des époques. Souvent effectuée à la demande de copistes désireux de mieux discerner les détails de leurs modèles, l’application d’une nouvelle pellicule de vernis sur des vernis anciens avait l’avantage de leur rendre pour un temps leur transparence. On appelait ce procédé « régénération » – ce qui faisait davantage penser à une crème de L’Oréal qu’au Titien. Mais inéluctablement la nouvelle couche s’oxydait pour devenir elle-même un film opaque et jaune, réclamant un autre revernissage. C’est ainsi que s’empilaient sur La Joconde de multiples couches de vernis, de formulations variées, gomme-laque, résine, qui la plongeaient dans une brume obscure et dénaturaient ses couleurs. »

Ou alors, à l’aide de solvants, pour ramollir ces couches surabondantes, et de grattoir, alléger les vernis oxydés et opacifiés tout en préservant les glacis car « La difficulté avec Léonard, c’est l’usage qu’il fait de glacis très fins et très légèrement teintés grâce auxquels il obtient son modelé inimitable, le sfumato. La Joconde est le tableau où il est à l’apothéose de cette technique. Dissoudre les vernis, c’est risquer de dissoudre les glacis en dessous. Enlever trop d’épaisseur de vernis pourrait conduire à perdre des informations de couleurs, à durcir les dégradés et faire disparaître de subtils détails, à altérer définitivement la couche picturale. »
Deux écoles s’affrontent, les Anglo-Saxons partisans d’un dévernissage total des tableaux et les Latins adeptes du "golden glow", du jus de musée, sans lequel une œuvre ne mérite pas sa place sur une cimaise.

Et Aurélien (n’est-ce pas un peu Paul ?), que pense-t-il de tout cela ?

Pour l’auteur, en écrivant ce livre, il traite de notre rapport aux images, à la beauté, à l’Art et au temps. Il s’est intéressé aux métiers de la restauration et notamment à celle de la "Sainte Anne" en 2019, à l’occasion des 500 ans de ce chef-d’œuvre de Léonard de Vinci. Il a réalisé qu’il y avait, dans la confrontation entre l’artiste et le technicien, matière à la dramaturgie, à raconter des histoires. Et que l’on peut se questionner sur les conséquences d’un travail effectué durant de longs mois sur un tableau en tête-à-tête avec un grand maître, et du fait de porter la main sur un chef-d’œuvre. Que se passe-t-il dans cette lenteur, dans cette interaction ? N’y a-t-il pas la tentation pour le restaurateur d’aller plus loin et de confronter durant ce processus son propre talent à celui du maître ?

Pour ma part, j’ai trouvé ce livre techniquement enrichissant, satiriquement réjouissant, mais malheureusement, certaines péripéties m’ont paru superfétatoires, non crédibles, voire grotesques et déplacées et quelques passages, interminables et particulièrement ennuyeux.
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Je me demande quel est le rigolo qui m’a glissé ce bouquin, en cadeau, dans un colis d’achats en ligne ?
D’habitude on a droit au "couteau-Suisse-boussole-lampe-torche" très pratique dans le métro, ou à la "glacière multipoche" indispensable au bureau, voire à la doudoune matelassée essentielle en vacances d’été à St Tropez… Mais non, ce livre a beau s’appeler « Pourquoi le Soleil brille », il n’est sponsorisé ni par une chaîne de clubs de vacances méditerranéens ni par une quelconque marque de crème solaire. C’est un authentique livre de vulgarisation scientifique (parfois ardu) centré sur l’astre de nos jours !
Comme tout un chacun, j’avais ma petite idée sur la question, mais je l’ai quand-même mis sur une étagère en lui donnant rendez-vous pour plus tard. Deux ans ont passé et voilà que "Sciences et Avenir", Hors-Série été 2023, fait sa UNE sur le Soleil et sur Roland Lehoucq, l’auteur du livre en question ! Il est donc temps de l’extraire de son purgatoire…
Si vous voulez poursuivre, accrochez-vous, on va décoller !... (Les passages un peu trop abscons sont sous spolier, mais j’avertis le lecteur éventuel que je ne suis pas scientifique, seulement un technicien amateur des sciences et de l’aventure spatiale à laquelle j’ai eu le bonheur de participer pendant plus de trente années. J’ai donc pu commettre des erreurs en commentant ce livre).

Il faut bien être un poète innocent pour chanter « Le Soleil à rendez-vous avec la Lune… » car ils ont beau faire, ils se louperont toujours de quelque cent-cinquante millions de kilomètres, une paille ! Mais les hommes ne l’ont pas toujours su, et donc, il y a longtemps qu’une multitude de curieux se demande pourquoi la lumière est restée allumée, là-haut.
Roland Lehoucq, qui sait beaucoup de choses, nous dit que, déjà, Anaximène (env. –550) pensait que le Soleil était une boule de feu chauffée par sa course rapide dans l’air (ne vous moquez pas, c’est une idée comme une autre, il y a encore aujourd’hui beaucoup de gens qui affirment des choses sans savoir !). Pour d’autres, au contraire, Soleil, étoiles, comètes… s’éteignent chaque jour pour se rallumer à leur lever (là, c’est l’interrupteur qui est hyper costaud !).
Quant à Aristote (env. –350), il décrit ce que l’on voit. C’est si évident que beaucoup y croient encore aujourd’hui : la Terre est au centre de tout et tout tourne autour, Lune, Soleil, étoiles, etc. La luminosité et la chaleur du Soleil sont dues aux frottements engendrés par le mouvement de la sphère à laquelle il est fixé.
Suit une myriade de mathématiciens et autres philosophes qui y vont chacun de leurs théories plus ou moins convaincantes jusques et y compris Copernic (1473-1543) et son modèle héliocentrique et même Galilée (1564-1642) interprétant les tâches solaires… Toutes ces controverses, démonstrations et contre-démonstrations, affirmations et réfutations ont au moins le mérite de montrer que la science est une perpétuelle remise en question et que si Roland Lehoucq prend soin de détailler ce long travail de réflexion au travers des siècles, ce n’est pas pour faire une histoire des sciences mais bien pour montrer la volonté et l’acharnement des hommes à la compréhension des lois de l’univers.

Roland Lehoucq est né en 1965 à Issy-les-Moulineaux. Il est astrophysicien au CEA. Ancien élève de l'École normale supérieure (promotion 1985) agrégé de physique (1989), il obtient son doctorat à l’Université Pierre-et-Marie-Curie en 1992, année où il est recruté comme chercheur au Commissariat à l'énergie atomique de Saclay et travaille sur l’astrophysique des hautes énergies puis en cosmologie.
« Pourquoi le Soleil brille » fait partie des quelques trente-cinq ouvrages qu’il a commis ou auxquels il a participé.

Et pendant ce temps-là, il passe (le temps) et les chercheur cherchent « Au début du XIXe siècle, la chaleur était encore décrite comme une substance subtile, forme atténuée et impondérable de la matière nommée "calorique". »
Il ne fait de doute pour personne que cette éblouissante lumière solaire est une conséquence de sa température, mais d’où vient cette chaleur ?
Pour le médecin physicien allemand Julius Robert von Mayer (1814-1878) l’origine est extérieure, elle est due à la dissipation de l’énergie cinétique de fragments de matière qui tombent en permanence sur le Soleil. (p. 41)
Oui, mais alors, la masse du Soleil devrait augmenter ce qui aurait pour effet de diminuer la période orbitale de la Terre, qu’il estime entre 0,4 et 0,75 s par ans, ce qui semble faible, mais sur des millions d’années… cette diminution n’a pas été observée par le astronomes.
Pour un autre physicien, anglais celui-là, William Thomson (1824-1907), plus connu sous le nom de Lord Kelvin, si les météorites proviennent de l’intérieure de l’orbite terrestre, elle doit rester inchangée. « Thomson en conclut donc que non seulement les météorites sont à l’origine de la chaleur solaire, mais qu’il s’agit là de la seule cause concevable à partir des preuves dont nous disposons. » (p. 52)
Il s’oppose à Kant (1724-1804) et Laplace (1749-1827) qui prônent la formation des corps célestes par agglomération gravitationnelle (de gaz et poussières). En 1860 Thomson exprime des doutes sur la théorie météoritique et reconnait les travaux de Hermann von Helmholtz (1821-1894) aboutissant au principe connu sous le nom de « contraction gravitationnelle de Kelvin- Helmholtz ».
Enfin Thomson (Kevin) se livre à des calculs sur la durée de vie du Soleil qui lui font dire « Il est très probable que le Soleil n’a pas éclairé la Terre depuis plus de 100 000 000 d’années… » (p. 72)
Alors intervient Charles Darwin (1809-1882) ses observations et sa théorie de l’évolution qui situe les origines de la vie sur Terre bien au-delà des cent millions d’années (Le plus ancien fossile d'animal terrestre découvert, en juin 2020, est celui d'un arthropode, vieux de 425 millions d'années).
De publications en controverses, la communauté scientifique sort ses tablettes et multiplie les communications. Ainsi Jonathan Lane (1819-1880) qui estima la température de surface du Soleil à environ 30 000°C. Calculs repris par Thomas See (1866-1962) qui trouve 6 000°C en surface et au minimum 10 millions au centre (p. 80). Quant à l’astrophysicien Arthur Eddington (1882-1944), il montra que la luminosité d’une étoile dépend uniquement de sa masse (elle est proportionnelle au cube de sa masse), fournissant une interprétation naturelle du diagramme de Hertzsprung-Russel (HR pour les intimes !) (p. 96).

Spoiler(cliquez pour révéler)
« Le diagramme de Hertzsprung-Russel […] est sans doute le graphique le plus important de l’astrophysique. […] L’axe vertical représente la magnitude apparente des étoiles, c’est-à-dire leur éclat vu depuis la Terre, tandis que l’axe horizontal porte un indicateur de la température de l’étoile. » On constate que les points représentatifs des étoiles ne sont pas dispersés sur l’ensemble du graphique mais semblent se placer sur une ligne diagonale : les étoiles les plus lumineuses et les plus chaudes étant situées en haut à gauche du diagramme, les moins lumineuses et les plus froides, en bas à droite, constituant l’ensemble appelé "séquence principale" qui regroupe l’essentiel des étoiles.
On trouve une importante concentration d’étoiles "froides et brillantes" les « géantes et supergéantes rouges » dot la température de surface avoisine 3000 K pour un diamètre qui peut atteindre 100 fois celui du Soleil. Ainsi qu’un groupe de « naines blanches », étoiles chaudes peu lumineuses, de très petite taille (de l’ordre de celle de la Terre).
« Les recherches en physique stellaire ont permis de comprendre la répartition des étoiles dans le diagramme HR et que le point représentatif d’une étoile s’y déplace au fil de son évolution. […] Ainsi, les étoiles se concentrent sur la séquence principale car elles y passent 90 % de leur vie en évoluant très peu, brûlant l’hydrogène en leur cœur. La branche des géantes et supergéantes regroupe des étoiles au stade suivant de leur évolution […] les naines blanches sont les cadavres des étoiles de masse inférieure à huit masses solaires. »[/spoiler]

Pour revenir à Eddington. Il montra que la longévité d’une étoile était d’autant plus faible que sa masse était importante : une étoile 10 fois plus massive que le Soleil durera 100 fois moins longtemps ! (p. 103)
Et alors ? Alors, à l’époque on estimait à 20 millions d’années l’ancienneté du Soleil ! Les géantes, 100 fois plus lumineuses… n’auraient que 100 000 ans d’existence !?... Il y a un os, là !
Et puis il y a un problème d’égo, les astronomes et physiciens n’admettent pas trop que des géologues et biologistes viennent les contredirent – à chacun son métier et les vaches… etc.

Au fait, je ne sais pas si vous avez remarqué, mais ça manque sérieusement de femmes dans le coin !
Eh bien en voilà une qui montre le bout de son chignon… et pas n’importe laquelle : Marie Curie (1867-1934) qui, avec son mari Pierre Curie (1859-1906), montrent que le radium émet un rayonnement dont l’énergie est très supérieure à celle dégagée par les réactions chimiques (de l’ordre du million de fois !). Mais la rareté des éléments radioactifs ne permet pas de donner une explication satisfaisante. Néanmoins la voie nucléaire est ouverte !
En 1915 William Harkins (1873-1951) montre que les 27 premiers éléments ont des masses atomiques multiples entiers de celle de l’hydrogène et constate que la masse atomique de l’hélium est pratiquement le quadruple de celle de l’hydrogène ce qui suggère que le noyau peut être construit par l’assemblage de quatre noyaux d’hydrogène …
En 1919 cette proposition est reprise par le physicien français Jean Perrin (1870-1942) et appliquée au Soleil : « La valeur qu’obtient Perrin confirme que la conversion d’une très faible fraction de la masse du Soleil en énergie suffit à maintenir son rayonnement au rythme actuel pendant plusieurs milliards d’années. »
Et donc, voilà qu’Eddington se réveille et, sans avoir lu Perrin, il écrit : « Si 5 % de la masse d’une étoile est initialement composée d’atomes d’hydrogène qui se combinent progressivement pour former des éléments plus complexes, la chaleur libérée suffira amplement aux besoins d’une étoile et il est inutile de chercher plus loin sa source d’énergie. » En effet, transformer 5 % de la masse du Soleil d’hydrogène en hélium libère suffisamment d’énergie pour faire briller le Soleil pendant 5,8 milliards d’années.

[spoiler]Note de bas de page, pour qui ça intéresse :
« Les lecteurs et lectrices pourront vérifier cette valeur sachant que le Soleil a une masse de 2 x 10^30 kg et une luminosité de 3,8 x 10^26 watt : 5 % de la masse du Soleil représente 10^29 kg, dont la conversion en hélium dégage une énergie de 6,9 x 10^43 joules, suffisante pour faire briller le Soleil 1,8 x 10^17 secondes, soit environ 5,8 milliards d’années. » (p. 120)
C.Q.F.D.
[/spoiler]
Bon, ce n’est pas moi qui dirai le contraire… mais il y en a, si ! Une histoire de protons, de charges électriques qui se repoussent et de température à dix millions de degrés… un peu trop fraîche !
Qu’est-ce que c’est que ce Binz ?
Pour comprendre que des réactions de fusion puissent se produire, il faut aussi comprendre que pour que deux noyaux de charges positives puissent se rapprocher suffisamment pour fusionner en dépit de leur répulsion, il faut – en physique classique – que les noyaux soient suffisamment rapides, c’est-à-dire que le gaz soit assez chaud. L’estimation des 10 millions de degrés du cœur solaire n’est pas suffisante !
Mais en physique quantique, « une particule peut franchir cette barrière énergétique même si son énergie est inférieure à la hauteur de cette barrière. » C’est "l’effet tunnel", purement quantique, qui résulte de la description ondulatoire de la matière, propre à cette physique (vous m’en direz tant !). (p. 125)

Si j’ai compris ce qui suit (il m’arrive d’être totalement largué) il semblerait qu’en 1929 Robert Atkinson (1898-1982) et Friedrich Houtermans (1903-1966) utilisent "l’effet tunnel" pour imaginer un « piège à protons » repris dix ans plus tard par Hans Bethe (1906-2005) et Carl von Weizsäcker (1912-2007) qui proposent un cycle de réactions, le « cycle CNO » (carbone-azote-oxygène) permettant de transformer l’hydrogène en hélium dans les étoiles dont la masse dépasse environ 1,3 fois celle du Soleil. Je ne rentrerai pas dans le détail du cycle à part le fait que des isotopes de carbone, d’azote et d’oxygène servent de catalyseurs et sont régénérés en fin de cycle…
À la même époque Charles Critchfield (1910-1994) propose la "chaîne pp" (il me semble me reconnaître) : la fusion de deux protons (le diproton) permettant de transformer l’hydrogène en hélium dans les étoiles dont la masse est inférieure ou égale à celle du Soleil. Je suis sûr que mourez d’envie de savoir comment pp fonctionne ! Eh bien je vous renvoie aux pages 130 à 133 du bouquin où la ronde des protons, neutrons, positrons et autres neutrinos donne le tournis !

Pour avoir la preuve que les théories avancées sont correctes, on pratique la chasse aux neutrinos !
Le neutrino, une étrange "bestiole", le rêve fantasmé de tout chauffard voulant échapper à la police…
Le neutrino est créé lors de la fusion de deux protons en un noyau de deutérium, il n’a pas de charge électrique, une masse quasiment nulle, insensible à l’électromagnétisme, à la gravitation, il fuit à la vitesse de la lumière et peut traverser un mur de plomb d’une épaisseur … d’une année lumière (vous avez ça, chez vous ?) ! Autrement dit, il traverse le Soleil et, si l’envie lui prend, la Terre, vous et moi, sans ralentir d’un iota ! Alors, en captant une fraction de ces neutrinos on vérifie que ces réactions nucléaires sont bien à l’œuvre au centre du Soleil.

[spoiler]Comme a priori, le filet à papillons ne devrait pas marcher, fin 1960 Raymond Davis (1914-2006) imagine une piscine contenant 615 tonnes de tétrachloroéthylène (C2Cl4) dans une mine du Dakota du Sud à 1478 m de profondeur (pour la mettre à l’abri de tout autre particule) : s’il est assez futé, le neutrino devrait réagir avec un neutron d’un noyau de chlore et le transformer en proton = transmutation d’un atome de chlore-37 en un atome d’argon-37 ! Astucieux, non ? Il n’y a plus qu’à attendre… 26 ans plus tard, l’accumulation des mesures confirme un écart avec la prédiction du modèle : les 2/3 des neutrinos solaires se sont volatilisés !
Dans les années 1990 on recommence, cette fois-ci avec du gallium-71 qui, en absorbant un neutrino se transforme en germanium-71. Après quelques années de fonctionnement les mesures ne représentent que 60 % du flux prédit par le modèle : les réactions nucléaires ont bien lieues mais les mesures sont en désaccord quantitatif avec le modèle solaire standard.
Décidément, ils veulent l’attraper, le chauffard ! Une troisième méthode est tentée, dans de l’eau, cette fois : en agissant sur une molécule d’eau, un neutrino qui percute un électron lui transmet une part de son énergie, en se déplaçant l’électron émet une lumière bleutée, la « lumière Tcherenkov », émise dans une direction précise. D’où l’utilisation d’une "bassine" de 39 m de haut et 42 m de diamètre contenant 50 000 tonnes d’eau pure, aux parois tapissées de 13 000 photomultiplicateurs … 2 ans plus tard, 50 % des neutrinos attendus ont donné signe de vie !
Il y a vraiment un problème…
Au fait, je ne vous l’ai pas dit ! Un neutrino peut changer de "forme" (ou "saveur"), il peut être électronique, muonique ou tauique (non, pas stoïque). Le physicien italien Bruno Pontecorvo (1913-1993) montra que le neutrino pouvait passer de la forme électronique à la forme muonique en traversant de la matière, phénomène appelé « oscillation des neutrinos » et que contrairement à ce qui était supposé, le neutrino avait une masse non nulle, très faible, mais pas nulle. Avec une masse non nulle, le phénomène d’oscillation pouvait convertir bon nombre de neutrinos électroniques créés à l’intérieur du Soleil en neutrinos muoniques ou tauiques. En combinant les résultats obtenus sur les différentes formes de neutrinos en tenant compte de l’oscillation, la cohérence entre modèle et observation devenait satisfaisante. Trente ans d’efforts et d’arrachage de cheveux ![/spoiler]

On ne va pas quitter les neutrinos comme ça : « chaque seconde, chaque centimètre carré de la Terre est frappé par 66 milliards de neutrinos » ! (p. 153)

Tout ça pour dire quoi ?
Une étoile comme le Soleil est à l’équilibre entre deux forces opposées : sa gravité propre qui rassemble sa matière, et sa pression interne. La différence de température entre le centre du Soleil et sa surface va conditionner son évolution. La chaleur, c’est-à-dire l’énergie d’agitation des particules va tenter d’uniformiser la température en se déplaçant des régions chaudes (centrales) vers les régions froides (en surface). Arrivée en surface cette énergie ne peut s’échapper que sous forme de lumière (et voilà pourquoi votre fille est muette !).

[spoiler]Si vous avez bien compris, alors vous pourrez dire à qui veut l’entendre qu’« une étoile se réchauffe en rayonnant » !
Allons bon !
Tout s’explique, l’énergie totale d’une étoile (énergie potentielle gravitationnelle [négative] plus énergie d’agitation des particules [positive]) diminue sous l’effet du rayonnement : l’étoile perd de l’énergie sous forme de lumière. L’énergie totale d’une étoile est égale à la moitié de son énergie potentielle gravitationnelle ("théorème du viriel" démontré en 1870 par Rudolf Clausius [1822-1888]). Une diminution de l’énergie totale s’accompagne d’une diminution du rayon de l’étoile ce qui provoque une augmentation de la pression et donc de la température des régions centrales. De sorte qu’une étoile se réchauffe en perdant de l’énergie ! (p. 167)


Je cherchais une bonne conclusion, Roland me l’offre sur un plateau – entre deux pages, devrais-je dire –, il s’agit d’un raccourcis de toute cette formidable aventure au travers des siècles (p. 178-180) :
En fait, tout a commencé vers 1610 quand Galilée découvre que quatre lunes tournent autour de Jupiter, que la Voie lactée est composée de milliers d’étoiles si proches les unes des autres qu’on ne peut les distinguer, que le sol de la Lune est formé de montagnes… Aristote se retourne dans sa tombe ! Les satellites de Jupiter remettent en cause le système géocentrique. Les étoiles invisibles à l’œil nu montrent qu’elles ne sont pas toutes à la même distante, l’Univers serait-il infini ? Si la Lune présente des montagnes, comme la Terre, inversement, la Terre serait-elle comme la Lune ? Et c’est tout naturellement que Newton énonça une loi de gravitation universelle. Mais qu’en est-il de l’intérieur des étoiles dont nous n’avons aucune information directe ? C’est Eddington qui a forgé l’astrophysique moderne en soutenant que l’on doit utiliser les lois physiques découvertes et confirmées sur Terre pour comprendre les étoiles. Les astrophysiciens doivent se contenter d’observer les phénomènes depuis une position fixe dans l’espace et le temps et élaborer des modèles cohérents avec les observations et les lois physiques reconnues valides à ce moment. Le modèle doit être explicatif et prédictif, s’ils ne le sont pas ils doivent être amendés ou abandonnés. C’est ce que fait Thomson quand il conserve l’hypothèse de la contraction gravitationnelle pour expliquer l’origine de la chaleur solaire. L’hypothèse n’est peut-être pas correcte mais c’est la seule à rendre compte des observations menées. L’observations des neutrinos solaires ont permis, à leur tour, de valider des mécanismes physiques dont les conséquences sont longtemps restées inobservables.
« Ce qui définit les sciences n’est donc pas leurs objets d’études, mais bel et bien la façon dont elles les étudient. »

P.S. : S’il vous prend la curiosité de lire ce livre (ce que je vous recommande) prenez votre respiration et plongez-vous dans le dernier chapitre « GÉNÉALOGIE DE LA MATIÈRE » : une anthologie thermonucléaire qui donne littéralement le vertige ! ! !
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Le saviez-vous ? Les extraterrestres sont, en fait, des "intra-marins" !

Après une vaccination (sous forme de défi) avec le livre de Frans de Waal "Sommes-nous trop « bêtes » pour comprendre l’intelligence des animaux ?" et une piqure de rappel qui renforce définitivement les anticorps en se glissant "Dans la peau d’un dauphin" en compagnie de Fabienne Delfour, il ne m’est plus possible d’employer le terme de « monde animal » qui implique une séparation (opposition ?) entre eux et nous. Nous tous, chacun à sa façon, faisons partie du « monde vivant ».

Fabienne Delfour a obtenu son doctorat en 1997, elle est éthologue et cétologue, associée au Laboratoire d’Ethologie Expérimentale et Comparée de l’université de Paris 13. Spécialisée en éthologie et cognition animale et en bien-être animal, elle est également enseignante, créatrice d’une entreprise de conseils dans le domaine animalier et membre de plusieurs comités scientifiques sur le bien-être animal. Son travail porte sur les grands mammifères et en particulier les mammifères marins.

Qui n’a jamais vu au moins un épisode de la série TV « Flipper le dauphin » ? (Moi !) Diffusée en France entre 1966 (2e chaine) et 2009 (France 5), où l’on voit (en 88 épisodes) un très gentil dauphin, Flipper (en réalité, un florilège de cinq femelles), venir en aide à des nageurs en difficulté ou à des naufragés, en Floride. Une série à l’immense succès populaire qui a contribué à propager durablement une image stéréotypée et fausse sur ces mammifères marins.
Ce que confirme Fabienne Delfour en s’interrogeant : « Allez savoir pourquoi, ces animaux font partie de ces espèces pour lesquelles beaucoup de personnes ont développé une hyperphilie et pensent détenir une connaissance atavique de leur nature profonde, de ce qu’ils pensent et aiment. Or les dauphins sont loin de se restreindre à l’image d’animaux rieurs et joueurs que les films et les séries télévisées ont dépeinte d’eux. »
Eh bien voilà, c’est comme ça ! Comme on aime particulièrement les chatons parce que, parait-il, les traits de leur visage auraient une similitude avec celui des bébés humains, on a décrété le dauphin rieur, joueur, farceur et de bonne humeur parce que leur physionomie affiche une sorte de sourire permanent, en fait « Qu’ils soient joyeux, malheureux, apeurés, frustrés ou enjoués, leurs expressions faciales sont figées dans ce rictus. »
Mais que se cache-t-il derrière ce "sourire" ? Un être complexe et attachant que je vous engage à découvrir sous la plume passionnante de Fabienne Delfour, véritable expert en la matière qui rétabli la vérité scientifique et la quintessence des connaissances actuelles.
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Pour damer le pion à mon éclaireur favori qui m’a lancé un défi avec un roman où il est question d’une sorte de dialogue entre une fillette décédée à l’âge de douze ans et son âme errante vieille de plus de six-cents ans… voici les aventures de Malo-Auguste de Coëtquen, comte de Combourg, dit « le Boiteux », qui perdit une jambe à la bataille de Malpaquet en 1709, jambe qui fut remplacée par un pilon de bois, et dont la destinée veut que cette jambe de bois hante toujours le château de Combourg assortie d’un chat noir et parcourt la nuit les escaliers du château, mais se hasarde parfois jusqu’au village voisin. Or figurez-vous qu’il y est réapparu depuis quelques semaines, qu’on entend son pilon frapper les pavés dans la nuit, après une absence de quatorze années annonçant à chaque fois une mort violente prochaine !
Le match est engagé… Qu’en penses-tu, éclaireur de mes nuits ? Moi aussi me voilà plongé dans l’irrationnel …

Mais avec Fred TOUT est possible. Depuis le sosie de Chateaubriand jusqu’aux "piétineurs d’ombres" en passant par des puces affamées et même des hirondelles blanches…

Frédérique Audoin-Rouzeau connue sous le nom de plume de Fred Vargas (pseudonyme choisi à partir de celui de sa sœur jumelle Jo Vargas, artiste peintre, en hommage à Maria Vargas, personnage joué par l'actrice Ava Gardner dans le film "La Comtesse aux pieds nus") est une romancière française née à Paris en 1957. Titulaire d'un doctorat en histoire de l'université Paris 1, elle a travaillé pendant 15 ans comme chercheuse au CNRS en d'archéozoologie.
Elle soutient en 2018 le collectif européen « Pacte Finance Climat » destiné à promouvoir un traité européen en faveur d'un financement pérenne de la transition énergétique et environnementale pour lutter contre le réchauffement climatique.
À partir de 1991, elle édite une série d’ouvrages mettant en scène le commissaire Jean-Baptiste Adamsberg, flâneur, flegmatique et dépourvu de véritable méthode d'investigation. « Sur la dalle » est le dixième opus de la série.

Alors, comme annoncés, les crimes se succèdent dans ce village hanté par le fantôme nocturne et tout semble accuser un pauvre résidant qui a la malchance non seulement de ressembler à François-René vicomte de Chateaubriand (qui a séjourné au château de Combourg) mais de se nommer lui-même Josselin de Chateaubriand – un descendant sans doute – dont le nom et la ressemblance servent d’attraction aux touristes. Mais "Pas touche", en haut lieu on veut protéger le capital touristique qu’il représente et on envoie le célèbre commissaire sur les lieux pour élucider l’affaire.
Et un Adamsberg qui réfléchit parce qu’il est paumé, parce qu’il "ne sait pas", c’est quelque chose : « Pour ceux qui connaissaient Adamsberg, réfléchir ne signifiait nullement s’asseoir à une table, le front posé sur une main. Mais marcher de son pas lent, laissant les idées de toutes sortes – il ne faisait pas le tri – flotter au rythme de sa marche tanguante, se croiser, s’entrechoquer, s’agglomérer, se disperser, en bref les laisser agir à leur guise. » Et il cherche Jean-Baptiste, il met bout à bout tout ce qui se présente, il "extravague", et plus les idées semblent farfelues et plus elles l’intéressent : on cherche les barbus ou ex-barbus ou néo-barbus, ceux qui ont un poulailler, et ceux qui ne sont pas gaucher… ou gaucher, etc.

Eh bien non, plus Adamsberg réfléchit, même du haut de son dolmen en s’allongeant sur « La Dalle », plus Fred complique l’affaire, même en donnant à Retancourt des allures de Spiderman (laissant loin derrière le capitaine Marleau), et moins la mayonnaise prend. On s’attend à de l’extravagant et on obtient du banal, on espère l’abracadabrant et c’est l’ordinaire qui navre, on escompte enfin du loufoque et tout est normal… Il semblerait qu’en six années d’abstinence Fred ait perdu beaucoup de sa verve créatrice et de son esprit insolite ! Le merveilleux univers Vargassien aurait-il disparu en même temps que la recluse ?...
Un livre d’une banalité désolante… Adieu Fred, on t’aimait bien, tu sais…
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L’intelligence des animaux, vous y croyez, vous ?
Il y a une quarantaine d’année j’habitais une pseudo-campagne des environs de Bordeaux. Voilà qu’un jour apparait sur notre propriété, sans qu’on l’ait invité, un monstre de la race féline, d’une masse impressionnante de presque trois kilogrammes ! Un digne habitués des gouttières, au pelage rayé de gris et au ventre immaculé. Ajoutez à cela une allure décidée de conquérant satisfait d’être enfin arrivé chez lui !
Pris par surprise et n’ayant pas, jusque-là, envisagés de nous laisser adopter par un envahisseur inconnu, j’ai réussi ce glorieux exploit de le mettre en fuite grâce au tuyau d’arrosage toujours branché et n’étais pas peu fier de cette magnifique victoire remportée sur notre tranquillité douillette.
Mais, comme le "canard" de l’histoire, le lendemain matin Monsieur-Chat était toujours là !... Et ma fille aussi, avec de grands yeux suppliants : « Bon, d’accord, je ne le chasse plus. On verra bien si dans quelques jours il voudra encore de nous. »
Cinq jours plus tard on lui ouvrait la porte – il faut préciser qu’entre-temps ma femme avait dévalisé toutes les "croquetteries" et autres "gamelleries" des environs, ces sortes de fast-food spécialisés pour quadrupèdes "urbanisés" – et là, Monsieur-Chat nous a sorti le grand jeu (on apprendra, lors de la "visite médicale d’incorporation", qu’il ne devait guère avoir plus de six mois), il est passé de pièce en pièce, nous entrainant à sa suite, pour reconnaître les lieux : dans le cellier, apercevant un bac à litière, il s’y est rendu directement et s’est mis en position de faire ses besoins, histoire de nous indiquer qu’il connaissait parfaitement l’usage de l’installation ; dans le salon, il a immédiatement repéré le fauteuil le plus confortable et s’y est enroulé un instant pour signifier qu’il en prenait possession ; dans le cabinet de toilette, voyant le bac de douche il est allé sentir la bonde et s’y est installé comme pour uriner en nous fixant du regard, manifestement il nous disait « Vous voyez, si la porte du cellier est fermée et que je ne peux atteindre ma litière, ne craigniez rien, je viendrai ici ! ... » Non, dans la salle de bain, il n’a pas sauté dans la baignoire ! … À la fin, on ne savait plus très bien qui menait qui !
Alors si cette démonstration servie par un jeune chat qui jette son dévolu sur une famille qu’il devine, malgré tout, accueillante, n’est pas une marque de discernement … Eh bien, je veux bien donner ma langue… au chat ! Et si vous n’êtes pas convaincu qu’il s’agit d’une preuve d’intelligence animale, lisez le livre de Frans De Waal « Sommes-nous trop "bêtes" pour comprendre l'intelligence des animaux ? » Ou alors, je n’ai rien compris et je suis définitivement trop "bête" !

Franciscus Bernardus Maria de Waal est né en 1948 à Bois-le-Duc, aux Pays-Bas, c’est un primatologue et éthologue néerlandais. En 1977, il obtient un doctorat en biologie à l'université d'Utrecht après s'être formé en zoologie et en éthologie. Il a été élu à la National Academy of Sciences des États-Unis et à l'Académie royale néerlandaise des arts et sciences. Il est professeur en éthologie des primates au département de psychologie de l'Université Emory, et directeur du Centre des chaînons vivants au Centre national Yerkes de recherche sur les primates, tous deux à Atlanta.

Bon, alors, il serait peut-être temps d’ouvrir les yeux et de regarder autour de nous avec un peu de modestie, assaisonnée d’une pincée de raison, en ayant le courage d’abandonner le principe anthropique selon lequel l’univers serait une création intentionnelle, exceptionnellement adaptée à la vie intelligente, c’est-à-dire à nous. Alors que c’est l’inverse, c’est parce que la Terre se trouve à la bonne distance du Soleil, que l’eau est liquide, que toutes les conditions atmosphériques, gravitationnelles, magnétiques, etc. le permettent que la vie est apparue sur la planète. Et que celle-ci s’est adaptée aux conditions de la planète et a évolué en se diversifiant, mais la mentalité pré darwinienne et créationniste accepte mal que les humains soient des animaux au même titre que les autres êtres vivants sur Terre.
L’évolution fait que chaque être vivant s’est adapté à son environnement en développant les facultés nécessaires à sa survie que l’éthologue met en évidence par l'étude scientifique du comportement des espèces animales, y compris l'humain, dans leur milieu naturel ou dans un environnement expérimental, par des méthodes scientifiques d'observation.

Ainsi prenons l’exemple des raisins du zoo :
Un matin, au Burgers’ Zoo, les expérimentateurs ont montré aux chimpanzés un cageot plein de raisins. La colonie se trouvait dans un bâtiment où elle passe la nuit, adjacent à une grande île où elle vit pendant la journée. Les grands singes ont paru intéressés quand ils ont vu emporter ce cageot par une porte qui donnait sur l’île. Mais au retour, avec le cageot vide, quel joyeux tohu-bohu dès qu’ils ont vu que les fruits avaient disparu ! Ils avaient sûrement déduit que les fruits ne peuvent pas se volatiliser, donc qu’ils étaient probablement restés sur l’île où on allait bientôt les lâcher, montrant ainsi leur capacité à se projeter dans le futur.
« Les grands singes ont la particularité de chercher des liens logiques, fondés sur la façon dont ils pensent que le monde fonctionne »
Voilà qu’un jeune adulte mâle, n’a même pas ralenti sa course quand il est passé à côté de quelques taches visibles sur le sol. Mais, dans l’après-midi, tandis que tous les grands singes somnolaient au soleil, il est revenu sur les lieux, sans hésitation, a déterré les fruits et les a dévorés à loisir, ce qu’il n’aurait jamais pu faire s’il s’était arrêté dès qu’il les avait vus. Ses congénères dominants les lui auraient pris. Le jeune mâle a dû réaliser instantanément que la ruse était la meilleure option s’il voulait sa part de fruits.

Bof ! Pas de quoi fouetter un chat ! Un enfant malicieux en fait tout autant, et même mieux !

D’accord, alors, voyons le coup de la cacahuète qui flotte :
Il était une fois une cacahuète qui flottait sur une colonne d’eau, dans un tube transparent, hors de portée d’un grand nombre d’orangs-outans et de chimpanzés pressentis pour cette expérience, tous ont trouvé l’astuce d’ajouter de l’eau dans le tube pour faire monter la cacahuète jusqu’à pouvoir la saisir. « Proposée à des enfants : beaucoup n’ont jamais trouvé la solution. Seuls 58 % des enfants de huit ans ont réussi, et 8 % seulement des petits de quatre ans. » Je vous rassure tout de suite : votre propre progéniture ne faisait pas partie de ceux qui ont abandonné !...
Et que penser de ces corbeaux qui ont su utiliser un outil pour attraper un… outil, nécessaire afin se procurer une parcelle de nourriture ? …
Ou des séances de toilettage véritables « actes politiques » chez les grands singes comme ce vieux mâle chimpanzé, Yeroen – détrôné par le puissant mâle alpha – qui, chaque jour se fait toiletter par un jeune rival d’alpha en affichant son allégeance suivant ainsi le principe qui veut que la force soit une faiblesse : l’acteur le plus puissant n’a pas réellement besoin des autres ! Tandis qu’auprès du jeune Yeroen il s’est rendu indispensable « La stratégie la plus intelligente est de choisir un partenaire qui ne peut pas l’emporter sans vous. En apportant son soutien au jeune mâle, Yeroen est devenu faiseur de roi. Il a regagné du prestige et de nouvelles possibilités de s’accoupler. »

Je vous laisse découvrir bien d’autres manifestation de l’intelligence des animaux comme la collaboration, l’anticipation voire la conscience : « Même si nous ne pouvons pas mesurer directement la conscience, d’autres espèces font preuve des capacités précises que l’on considère traditionnellement comme ses indicateurs. Soutenir qu’elles possèdent ces aptitudes, mais pas la conscience, c’est introduire une dichotomie que rien n’impose. »

Vous l’avez compris, voici un ouvrage qui regorge de sujets passionnants qui éclairent notre vision du monde animal et j’ose dire du monde du vivant en général illustrant à quel point nous sommes semblables à ces créatures que nous considérons souvent du haut de notre condescendance « La véritable empathie n’est pas centrée sur soi, mais tournée vers les autres. Cessons de faire de l’homme la mesure de toute chose ! Évaluons les autres espèces par ce qu’elles sont, elles ! »

Cela dit, j’ai fait l’expérience néfaste d’un livre dont le sujet me passionne au plus haut point mais qui, souvent, m’a ennuyé au plus haut point ! Dilutions interminables, redites, querelles de clochers et règlements de comptes, etc. intéressent peut-être les professionnels de l’éthologie animale mais personnellement je trouve qu’ils parasitent inutilement la démonstration. Pas facile de concocter une bonne vulgarisation ! (Opinion purement personnelle)
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date : 20-04-2023
Les Juifs, vous connaissez ? Pourquoi sont-ils persécutés depuis la nuit des temps ?

Selon un « Livre » qui est sensé tout savoir, il se pourrait que tout ait commencé avec l’Exode. Peu importe qu’historiens et archéologues ne parviennent pas à prouver l’authenticité de cette histoire, il n’en demeure pas moins vrai qu’ils ont "mauvaise presse".

Est-ce vraiment parce qu’on les accuse d’être responsables de la mort de Jésus ? C’est sûrement plus compliqué que cela.

Plus proche de nous, un paranoïaque moustachu a entrepris de les exterminer dans des conditions les plus épouvantables. Sur neuf millions de juifs européens, il en aurait, quand-même, éliminé cinq !

Avez-vous lu « La carte postale » d’Anne Berest ?
J’y ai découvert un aspect de la judéité, cette étrange religion génétiquement transmissible par la mère, où l’autrice, Anne Berest, est juive parce que sa mère l’est de par sa propre mère, etc.
https://www.senscritique.com/livre/la_carte_postale/critique/255666152
Et pourtant, athée depuis trois génération, Anne se retrouve un soir, autour d’une table pour fêter Pessa’h, invitée par un ami, Georges, qui la croit pratiquante, où elle ne fait que mimer les gestes des autres convives.
Mais, par quelques questions judicieuses posées par une autre convive, Déborah, le subterfuge d’Anne est révélé et Georges lui vient en aide en lui conseillant une lecture : « Après avoir lu le livre que Georges m’avait donné, "Enfants de survivants" de Nathalie Zajde, j’ai découvert tout ce que j’aurais pu dire à Déborah lors du diner de "Pessa’h". […] Déborah, je ne sais pas ce que veut dire « être vraiment juif » ou « ne l’être pas vraiment ». Je peux simplement t’apprendre que je suis une enfant de survivants. C’est-à-dire, quelqu’un qui ne connaît pas les gestes du "Seder" mais dont la famille est morte dans les chambres à gaz. Quelqu’un qui fait les mêmes cauchemars que sa mère et cherche sa place parmi les vivants. Quelqu’un dont le corps est la tombe de ceux qui n’ont pu trouver leur sépulture… »

Voilà la raison pour laquelle j’ai souhaité lire ce livre.

Nathalie Zajde est née à Paris en 1961, elle est Maître de conférences en psychologie à l’Université de Paris VIII Saint-Denis. Elle a créé en 1990 les premiers groupes de parole de survivants et d'enfants de survivants de la Shoah en France. Reconnue comme spécialiste des souffrances psychologiques des "enfants cachés" et des descendants de survivants, elle a écrit de nombreux articles dans les revues scientifiques et publié plusieurs ouvrages qui font référence. Elle est responsable de la Cellule psychologique destinée aux survivants et descendants de survivants de la Shoah du Centre Georges Devereux/Fondation pour la Mémoire de la Shoah.
Et, bien sûr, c’est sans surprise que l’on apprend que Nathalie Zajde est elle-même enfant de survivants…

Je ne sais vraiment pas par où commencer mon commentaire. Me voilà plongé en terre complètement étrangère : l’histoire du peuple juif que l’on ne connait que par bribes, les détails d’une religion qui peut paraître étrange, les bouleversements psychologiques, dues aux persécutions, aux conséquences pathologiques incalculables et imprévisibles, et Ô combien impénétrables pour le profane …

À partir de la première dispersion depuis la Palestine en 586 avant J.-C., les migrations successives du peuple juif sont dues aux persécutions ou aux décisions des autorités d’États ou de royaumes telle l’expulsion des Juifs d’Espagne en 1492, ou encore, celle de la riche et ancienne communauté de Vienne en 1671. Et pour perpétuer la mémoire des évènements, celles-ci vont se transmettre par les rites et par la liturgie, de façon répétitive. Il s’agit de revivre à chaque anniversaire, ici la traversée du désert, là l’Inquisition, comme pour en faire une nouvelle fois l’expérience. Pour les juifs qui, traditionnellement, vivent au sein d’une nation qui leur est étrangère, ces rites répétitifs sont une façon de recréer sans cesse l’identité juive.
Il s’avère que la pensée juive religieuse orthodoxe n’a cessé et ne cesse aujourd’hui encore, d’après Nathalie Zajde, de penser l’Événement. Ce qui le permet, c’est la richesse que constitue un ensemble de rites et de réflexions religieux et mystiques fondé sur une recherche de sens. En réalité, ce mécanisme de recherche de sens est circonscrit par la règle fondamentale selon laquelle l’homme ne peut avoir accès au savoir divin. Ce qui s’est passé est nécessairement plein de sens et juste selon la logique divine !
« Sous forme d’énigmes multiples et de récits mythiques, la Torah impose, à qui veut la saisir, de prendre en compte toutes les interprétations qu’elle a engendrées et qui, à la manière des variantes d’un mythe, font pleinement partie de l’ensemble. […] Ainsi, tout ce qui advient prend sens à partir d’un univers de faits et de pensées tous organisés selon la loi divine. » Eh bien, les enfants, j’en connais un dont l’esprit trop rationnel ne cesse de s’agiter ! Mais comme il faut bien "retomber sur ses pattes", d’après la tradition juive, la Shoah, est un événement qui rappelle d’autres moments de la vie des Juifs ou des Hébreux au cours desquels les êtres « élus » eurent à subir des expériences dévastatrices, terriblement meurtrières et toujours apparemment insurmontables.
Toujours d’après l’auteure, toute pensée orthodoxe qui tente de rendre compte du dernier génocide n’omet jamais de le relier à l’épisode de l’Exode, à ceux de la destruction du Temple, ou encore à celui, plus proche de nous, de l’Inquisition. « Mais tous reconnaissent un sens et une place à la Shoah qu’il faut relier à la volonté divine, même si celle-ci reste imparfaitement connue. Tous tendent à penser qu’après la Shoah, le peuple juif s’est trouvé renforcé. »

Aujourd’hui, la Shoah est en train de devenir un épisode de l’Histoire pour les Juifs du monde entier, une « réalité historique ».
À travers les cérémonies et les prières elle est en train de prendre sa place dans la mythologie et le rituel juifs. « Quand elle aura accédé à cette place, les Juifs pourront se laisser porter par elle ; ils pourront y puiser du sens et des significations et ne seront plus réduits à être ceux qui la portent, ceux qui, par leurs cauchemars et leurs frayeurs répétés, en sont les garants. »

Située en pleine guerre, l’entreprise nazie d’extermination du peuple juif a ceci de particulier que chaque pays envahi par l’Allemagne devra contribuer, bon gré mal gré, à l’organisation de la déportation et de l’extermination des Juifs. Certains pays y seront réticents, comme la Hongrie jusqu’en 1944, ou carrément opposés, comme le Danemark ; d’autres, comme la France, sous le gouvernement de Vichy, y participeront sans réserve.

Il y eut des survivants "cachés", comme de nombreux enfants disséminés dans des fermes à la campagne. Des survivants qui n’ont pas connu la déportation et les camps de concentration mais qui ont connu un traumatisme lié à l’effondrement du cadre de vie habituel. Qui ont vu leur environnement se modifier brutalement. Leur univers s’est soudain révélé dangereux, très dangereux. Ils ont vu leur pays, leur ville, leur famille, leur culture changer totalement, en profondeur. Leur vie a été envahie par un sentiment permanent de menace, durant plusieurs années. Ils ont vu disparaître leur famille, leurs amis.

Il y eut des survivants déportés et internés. Et quelle que soit la forme que prenait la mort en camp de concentration, la conscience qu’avaient les détenus de vivre dans un monde d’horreurs et de mort permanente était générale. Les Juifs étaient déportés en tant que Juifs, et ils étaient les seuls à trouver la mort de façon systématique, dès l’arrivée au camp.
Mais comment expliquer que certains de ces déportés soient des « survivants » ? Les facteurs d’adaptation et de survie en camp, sont extrêmement nombreux, on peut en citer quelques-uns : le jeune âge ; un bon état de santé ; l’exercice d’un travail non épuisant ; la force du caractère ; le désir de survivre ; la capacité à s’endurcir ; la perspicacité ; l’habitude de la lutte ; la capacité à se fondre dans la masse et à ne pas se faire remarquer ; le hasard de ne pas « tomber » dans un camp extrêmement dur, dans un mauvais kommando, sur un kapo particulièrement cruel ; etc. auxquels s’ajoutent les attributs négatifs : « ne pas mourir, ne pas trop travailler, ne pas se faire remarquer, ne pas penser, ne pas être sensible, ne pas se souvenir du monde d’avant, ne pas ressentir la douleur, ne pas être sexué, ne plus avoir de famille… » Mais tous finissent par citer le « hasard » comme raison ultime à leur survie.

Alors, au retour des camps, ils ont repris « forme humaine », ils se sont mariés, ont fondé une famille, élevé des enfants… En somme, ils ont mené une vie « normale ». Cette vie n’appartient qu’au jour… La nuit, ils retournent au camp. Chaque nuit, pour la plupart, ils se retrouvent dans leur « block » et là, il se passe ce qu’il s’y passait il y a un demi-siècle.

« Rien de plus réel qu’un cauchemar de survivant. »

Lorsqu’ils surgissent de leurs cauchemars, en sueur, ils passent des camps à leur appartement sans transition. Lorsqu’ils « entrent » dans le cauchemar, ils commémorent le traumatisme initial, celui de l’entrée dans l’univers concentrationnaire ; lorsqu’ils se réveillent : celui de l’adaptation quasi immédiate au « monde des vivants ».

Les enfants de survivants ne s’étaient jamais pensés comme des « enfants de survivants » ; mais dès lors qu’un chercheur psychologue les avait ainsi qualifiés, ils ressentaient à la fois une grande familiarité avec ce « qualificatif » et éprouvaient une peur, une menace face à ce qui surgirait d’eux-mêmes lors de l’entretien.
« Tous parlent de l’impact affectif du vécu parental sur leur propre enfance, ils se vivent comme le réceptacle fragile et unique des traumatismes parentaux. »

Corinne est née à Paris en 1966. Pendant la guerre, le père de Roger (le père de Corinne) place toute sa progéniture dans les maisons d’enfants de l’Union générale des Israélites en France (UGIF). Créée au mois de novembre 1941 à la suite de la nouvelle loi du gouvernement de Vichy qui réclame la dissolution de tous les organismes juifs. Animé d’un « sixième sens », Roger parvient à déjouer toutes les rafles et à éviter la déportation vers les chambres à gaz. Corinne est envahie par les scènes de danger de mort qu’a connues son père lorsque celui-ci était enfant. Depuis toute petite, elle fait des cauchemars qui sont directement liés au vécu persécutif de la guerre. Comme beaucoup d’enfants de survivants, elle y pense souvent et s’y projette avec une telle intensité que ces scènes, bien que conservant leur caractère terrifiant, lui deviennent familières. Ces moments de péril absolu font partie d’elle.

David est le fils unique d’un père survivant d’Auschwitz, et d’une mère qui fut cachée avec une partie de sa famille dans la campagne française. David est né en 1948, dans une famille qui a perdu la plupart de ses membres et qui ne conserve aucun rituel de la tradition juive. David ne se souvient d’aucune fête religieuse vécue en famille. Un soir de mars 1985 il assiste à la projection d’un film – Eichmann, l’homme du Troisième Reich – au Rivoli-Beaubourg dans le cadre du IVe Festival International du Cinéma Juif. Une bombe explose : « on a essayé de me tuer parce que j’étais juif » se dit-il. C’est en vivant l’attentat qu’il devient juif selon la logique du vécu parental. De cette manière, il se rapproche de son père, il tente de s’affilier. Il est désormais en quête de « sens juif » à donner à son existence.

En 1943, Sarah a 18 ans, elle est arrêtée par la milice française. Elle est internée à Drancy puis est déportée à Auschwitz. Elle reste à Auschwitz jusqu’à la marche d’évacuation du 18 janvier 1945. En 1948, elle se marie avec Henri, qui fut caché pendant la guerre et dont la mère est morte en déportation. Alors qu’on l’a déclarée ménopausée, elle donne naissance à une fille, Sylvie, en 1961. Les parents de Sylvie, Sarah et Henri, n’observent aucune règle juive. Sylvie n’a quasiment rien hérité du judaïsme au sens religieux et culturel du terme, c’est à l’âge de sept ans qu’elle décide de fréquenter la synagogue, et de jeûner à Kippur. Vers l’âge de onze ans, Sylvie commence d’elle-même à fréquenter les milieux juifs et sionistes. Elle se trouve dans une revendication constante de l’histoire passée, comme dans une recherche perpétuelle et jamais assouvie du sens à donner à la Shoah. « Les enfants de survivants nés après la guerre sont profondément convaincus d’être des « miraculés ». Ils cherchent désespérément un sens à leur histoire, une raison à leur existence. »

Entre 1942 et 1943, le père de Manuel est arrêté et interné quelques jours à Drancy. Son nom de famille est espagnol. Bien que d’origine ashkénaze, il porte un nom qui remonte à la vie des Juifs en Espagne, un nom hérité de cette époque et que la famille a pu conserver longtemps après l’Inquisition. Au camp de Drancy, cela lui vaut d’être sauvé : « Il y avait des policiers français là-bas, qui lui ont dit : “Tu ne peux pas être juif ! Regarde, par rapport aux autres.” » Manuel est né à Paris, en novembre 1944. « Tout ce qu’il imagine, c’est l’état d’angoisse dans lequel il a dû être conçu. Bien que né dans Paris libéré, il est investi dès sa naissance d’une extrême « protection » parentale. Ses parents lui donnent un prénom espagnol et ne le font pas circoncire pour le protéger. »
Sa fille aînée s’est mariée et, dans l’éventualité de la naissance d’un petit-fils, la tradition veut que l’enfant soit tenu dans les bras de son grand-père pendant la circoncision. Sans être circoncis, il ne peut pas devenir grand-père. Il est donc résolu, à quarante-sept ans de devenir un vrai juif. « La circoncision du fils est un acte qui inscrit définitivement le père dans son groupe d’appartenance juif. […] Enfin, tout fils qui naît dans une famille juive et qui n’est pas circoncis est « retranché » de son peuple : il est projeté au-dehors de la lignée juive. » Pourtant, il parle français comme un vrai Parisien. Il a mené, jusqu’à très récemment, une vie complètement goy : il ne fréquentait pas la synagogue et ne pratiquait aucune coutume traditionnelle. Il n’est jamais allé en Israël et ne souhaitait pas, tant qu’il était marié, se trouver entouré de Juifs. Manuel est juif d’origine ashkénaze et pourtant il comprend à peine le yiddish, il n’est pas circoncis et porte un nom espagnol non juif.

Marc est né à Paris en 1962 de parents juifs polonais émigrés en France en 1957. Sa famille n’étant pas du tout religieuse, Karol, le père de Marc, n’a reçu aucune éducation traditionnelle juive. Marc s’étonne de ses propres cauchemars : Sans avoir jamais entendu ses parents raconter la moindre scène d’horreur, il a l’impression d’avoir vécu dans une « ambiance et une atmosphère très denses » depuis son plus jeune âge. Marc considère le fait d’être juif indépendamment de la religion et des rites. Il se sent très proche de la pensée et de la culture juives mais complètement éloigné de toute forme de rituel. Aujourd’hui, Marc pense que l’identité juive est nécessairement transmise et ne passe pas nécessairement par la religion. En réalité, il la relie aux événements dramatiques de la Shoah auxquels il a toujours été très sensible. Il a le sentiment – comme beaucoup d’enfants de survivants – d’avoir lui-même vécu la Shoah à travers ce que ses parents lui ont fait ressentir dans son enfance. En un mot, il se sent témoin du passé.
… etc. …

En conclusion, on peut penser qu’Hitler avait tout faux ! En voulant exterminer le peuple juif, en plongeant l’occident dans l’horreur indicible « le traumatisme de la Shoah est venu imposer un non-sens radical dans un monde qui déjà commençait à perdre raison », il a permis aux enfants de survivants de chercher un sens à leur Histoire, un sens à leur vie, un sens à leur existence qu’ils ne peuvent trouver hors du groupe.

Un acte fédérateur qui se chiffre en millions de morts.
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Voilà un dinosaure. Pas si vieux que ça, après tout, seulement vingt-cinq ans ! En cherchant un peu on trouve encore quelques exemplaires (d’occasion) à la FNAC, d’une édition de 2008. Celle en ma possession date de 1998 et a coûté 198 Francs à ma femme. Mais pour ce prix elle a eu droit à une dédicace de l’autrice (mot inusité à l’époque) qu’elle était allée voir présenter son livre à la librairie Mollat à Bordeaux (une institution).

Ça fait donc 25 ans que ce livre prend la poussière sur une étagère attendant que je me décide, enfin, à l’ouvrir. Ma femme vient de me faire l’aveu qu’elle l’avait acheté en pensant à sa future petite-fille, qu’elle pourrait initier ainsi à la musique. Quelques années plus tard ce fut un petit-fils qui nous arriva et, tel qu’il est, elle n’a pas jugé opportun d’essayer de le guider dans les arcanes de la musique classique…

Et pourtant Michèle Lhopiteau-Dorfeuille accomplit des miracles de pédagogie en rendant son ouvrage d’initiation non seulement très accessible, mais absolument passionnant !

Native du bordelais, Michèle Lhopiteau-Dorfeuille est professeur de musique et chef de chœur. Elle collabore, en 1985, avec Jean-Claude Casadesus et l'Orchestre national de Lille à une tournée africaine. Aux États-Unis, elle fonde et dirige pendant trois ans le Chœur international de l'Alliance française. De retour à Bordeaux en septembre 1995, elle crée le Chœur international de Bordeaux qu'elle dirige jusqu’en 1999, date où elle retourne aux États-Unis. Elle vit actuellement en Dordogne et dirige trois chœurs mixtes pour adultes, dont un à Bordeaux-Mérignac.

Dans la collection "Toutes les clés pour explorer la musique classique", elle a édité :

• En 1998 : "De l'Antiquité à nos jours" avec 2 CD audio (celui dont on va s’entretenir).

• En 1999 : "La musique Vocale Sacrée", avec 3 CD.

• En 2001 : "La musique instrumentale sous toutes ses formes", avec 3 CD.

• En 2005 : "L'opéra dans tous ses états", avec 4 CD.

• En 2011 : "Wolfgang Amadeo Mozart", avec 2 CD.

• En 2013 : "Brèves histoires de chœurs", un recueil de 40 nouvelles.

• En 2014 : "Jean-Sébastien Bach, un sacré tempérament", avec 2 CD.

• En 2017 : "Ludwig van Beethoven, l’Art pour unique raison de vivre", avec 2 CD.

• En 2019 : "Franz Schubert, la Musique du Cœur", avec 2 CD.

• En préparation : "Georges Frédéric Haendel, un homme libre", avec 2 CD.

Ma culture musicale personnelle est relativement limitée bien que pendant ma jeunesse j’ai pratiqué un instrument dans un orchestre à cordes pendant une dizaine d’années, pendant que je découvrais, en autodidacte, quelques grands compositeurs grâce à un abonnement à la Guilde Internationale du Disque commencé avec l’intégrale des symphonies de Mozart (un coffret de douze 33 tours) qu’il m’arrive encore d’écouter 70 ans plus tard. En effectuant quelques recherches, j’ai appris que la Guilde avait pris naissance en 1953 et avait disparue dans les années 80 mais qu’elle fait, encore aujourd’hui, le bonheur de quelques collectionneurs…

Alors, c’est avec un plaisir qui me surprend moi-même – je craignais cette lecture nettement plus austère – que je tourne les pages de ce livre, me laissant bercer de périodes en époques et de découvertes en révélations, le casque sur les oreilles pour écouter les plages musicales commentées (153) des deux CD d’accompagnement.

Ainsi, si les « Civilisations antiques » nous ont laissé des temples majestueux et des pyramides imposantes, des peintures et des bas-reliefs montrant des musiciens, des danseurs et des chanteurs, elles ne surent immortaliser leur musique sur le papyrus ou la pierre. On ne sait rien de leur culture musicale.

Puis vint le « Moyen Âge », une longue période considérée comme obscure et souvent méprisée (du Ve au XVe siècle). Pourtant elle vit l’élaboration d’un système de notation musicale qui pris six à sept siècles. C’est dire que ce n’était pas évident. Ce sont d’abord les moines – les seuls à posséder un minimum d’instruction et à accéder à l’écriture – qui se mirent à dessiner des accents ascendants ou descendants au-dessus des chants en latins qu’ils interprétaient pendant les offices religieux. Voilà qu’un jour quelqu’un eut l’idée géniale de choisir une note fixe pour servir de point de repère, ce fut la note sol, désignée par les anglo-saxons par la lettre majuscule G qui, entre les mains expertes des moines enlumineurs, finit par donner, au fil des siècles, notre clé de sol moderne qui trône au début de chaque portée…

Et puis les moines – toujours eux – dessinèrent une ligne horizontale à partir de ce G et des petits carrés noirs de part et d’autre de la ligne… l’ancêtre de la portée ! Quelques siècles plus tard elle comptait jusqu’à 11 lignes et 7 clés !... Mais ce n’est qu’à la fin du Moyen Âge que la notation moderne fut fixée avec ses 5 lignes, ses noires, ses blanches, ses croches, ses silences, etc. (les barres de mesure attendront le XVIe siècle).

Une époque pas si nulle que ça donc, surtout si on ajoute l’épanouissement du chant Grégorien, l’avènement de la polyphonie vocale et, n’oublions pas qu’à l’époque l’église interdisait l’usage d’instruments de musique (et des voix de femmes – impures) lors des offices mais qu’à partir de l’an mille sous couvert de reprendre le tombeau du Christ tombé aux mains des Turcs, les croisés vont découvrir une civilisation arabe bien plus avancée que la leur, ce qui va brutalement faire avancer l’histoire de la musique avec l’utilisation d’instruments de musique ramenés d’Orient : la famille des cordes frottées, les hauts bois, les bassons, de nombreuses percussions, etc.

Et comme pour enfoncer un peu plus cette période, on a appelé la suivante « Renaissance » (fin XVe à fin XVIe siècle) ! En fait, c’est en peinture, sculpture et architecture que cette renaissance – un retour à la culture antique – a eu lieu, mais pas en musique, et pour cause (voir plus haut). L’auteure nous rappelle la délicatesse et le raffinement de l’époque, celle des Borgia, de la Saint Barthélémy, de l’Inquisition, des assassinats d’Henry IV ou du Duc de Guise… mais aussi celle de Ronsard, de Marot et de Botticelli…

En musique, la Renaissance a vu la généralisation de l’usage des accords modernes (exemple : do, mi, sol et non plus do, sol comme précédemment). L’emploi systématique, dans la polyphonie, des quatre voix mixtes. Le retour des voix de femmes dans la musique sacrée dont elles étaient exclues (d’où l’usage de castrats et de contre-ténors). Et des progrès techniques dans la fabrication des instruments comme a naissance de l’épinette ancêtre du clavecin (lui-même précurseur du piano).

De la fin du XVIe siècle à 1750 (mort de J.S. Bach) voici l’époque « Baroque », un terme qui, dans le domaine de l’art peut parfois prêter à confusion, allant jusqu’au "style rococo", surchargé et excessif. Mais en musique, « le foisonnement des notes, l’éclat des chœurs, la grandiloquence des sujets d’opéra ou d’oratorio, et surtout l’explosion de la musique instrumentale ont fait de cette période l’une des plus brillantes » illustrée magnifiquement par des œuvres de Georges Frédéric Haendel, Antonio Vivaldi ou Jean-Sébastien Bach, pour ne citer que les plus célèbres. Alors, Le Baroque, c’est la naissance de la véritable musique instrumentale qui accueille les grandes orgues, le clavecin, les trombones à coulisse, les hautbois, bassons et autres trompettes baroques, et le violon. En Italie, c’est la généralisation des concerts publics, l’apparition du Concerto, de l’Oratorio et de l’Opéra. Et dans toute l’Europe de la Suite instrumentale ou orchestrale.

Suit la période la plus courte de l’histoire de la musique, de 1750 à 1797 : l’époque « Classique ». Je n’ai pas compris si c’est le type de musique qui a donné son nom à la période en question ou, inversement, si c’est cette période qui a prêté son patronyme à l’ensemble de la musique dite « savante ». Toujours est-il que cette ère est née avec le pianoforte porté par des génies comme Wolfgang Amadeus Mozart et Joseph Haydn, la naissance de la Symphonie et de la Forme Sonate à deux thèmes. Le siècle suivant sera celui du Romantisme, mais avant d’aborder cette période si riche en compositeurs prestigieux, faisons une pause.

Non, ne vous fiez pas à ce que j’écris, mon texte est muet ! En effet, ce livre n’est pas ce que je laisse paraître : "un livre d’histoire de la musique". Non ! Ce serait oublier les disques d’accompagnement. Ce livre donne bien des « clés » pour reconnaître les époques. Ainsi pour montrer, après le foisonnement Baroque, le retour à la rigueur et à la simplicité du mouvement "Classique" : « C’est désormais le règne des lignes mélodiques simples, à peine soutenues par des accords verticaux, sans surcharges, comme celles,plage 37, de la"Danse des Esprits" de Gluck. » Ou encore « Nous retrouvons le pianoplage 39avec une œuvre de Joseph Haydn, l’autre génie de cette période. Il incarna, du moins dans sa jeunesse, le prototype du compositeur classique […] Dès le premier mouvement de son"Concerto pour piano N° 4", carré et enjoué, comme mû par un rythme d’horloge, nous prenons la mesure de l’insouciance et de l’énergie vitale du personnage. »

Et des plages sonores commentées, les deux CD qui accompagnent le livre en proposent 143, plus un "Quiz" – encore un néologisme inutilisé il y a 25 ans – de dix plages en fin d’ouvrage, pour vérifier ses acquis.

« Le Romantisme » (de 1797 au début XXe) pris ses racines dans l’affectation du détachement rigoureux du Classicisme précédent. Et si j’en crois notre charmante Chef de chœur et autrice « Nous abordons ici pour la première fois un style extrêmement complexe, car l’appellation de "Romantisme" recouvre des réalités tellement diverses qu’elles en sont parfois contradictoires. » Pour l’illustrer elle utilisera pas moins de 36 plages musicales rendant hommage aux grands noms du romantisme, depuis Beethoven et Franz Schubert, en passant par Frédéric Chopin et Robert Schumann, sans oublier Franz Liszt et son piano magique, Brahms et Berlioz lequel inventera l’orchestre symphonique moderne, avec plus de cent musiciens, de nombreux cuivres et l’usage systématique des percussions. Ce qui constitue un point de repère pour la musique symphonique romantique : adieu le petit orchestre classique à base de cordes et de bois.

Quant à la musique de chœur, quel ne fut pas ma surprise d’ado – qui pensait déjà tout savoir – de découvrir le chœur du 4e mouvement de la "Neuvième" de Beethoven, moi qui pensais que les symphonies étaient toutes purement instrumentales…

Mais là, arrivé à la fin du chapitre romantique, j’en veux beaucoup à Madame Lhopiteau : pas un mot sur mon compositeur préféré, pas une note sur la symphonie révélatrice de ma jeunesse que j’écoutais en boucle comme d’autres l’ont fait, plus tard pour des Johnny et autres Cloclo… Et mon Anton, alors !...

Eh bien non, Madame Lhopiteau ne l’a pas classé parmi les romantiques mais au chapitres des « Écoles Nationales » (de 1850 à nos jours) nées, pour de tristes raisons politiques, de la rupture avec l’universalisme ou du moins de l’européanisation qui présidait jusque-là dans le domaine de l’Art. Pourtant, il est alors directeur du Conservatoire national de New York (1892-1895) lorsque Antonín Dvořák composa sa célèbre 9e symphonie, dite « La symphonie Du Nouveau Monde » (que l’on retrouve sur la plage 17 du second CD) et que Madame Lhopiteau a classé dans l’École Tchèque qui, comme l’École Italienne est en rupture du joug autrichien éprouvant le besoin d’écrire une musique nationale correspondant à leurs traditions.

Et pour faire bonne mesure, on apprendra les spécificités des Écoles Hongroise, Norvégienne, Espagnole, Sud-Américaine, Russe, Allemande, Française et Américaine.

Attention, Terrain miné ! Nous voici parvenus à l’époque « Contemporaine » : le temps n’a pas encore fait le tri ! (Et n’oublions pas que le livre a été écrit alors que le XXe siècle n’était pas achevé) Rappelons-nous qu’en leur temps J.S. Bach fut qualifié de médiocre, ou que l’on reprocha à Mozart d’écrire trop de notes (!?) tandis que Salieri était porté aux nues…

« Il ne doit pas faire bon être un artiste créateur au XXe siècle. Il suffit en effet qu’un musicien ou qu’un peintre s’inspire de l’écrasant passé, pour que d’aucuns lui reproche aussitôt de n’être qu’un vulgaire plagiaire. Que, dans un louable soucis d’innover, il bouscule au contraire les règles et les codes établis avant lui, et c’est alors souvent le public qui part en courant… »

Notre autrice en veut pour exemple Erik Satie (1866-1925) dont la modernité des œuvres pour piano annonçait tellement les surréalistes que sa place se situe bien parmi les contemporains. Dans les années 20, sa musique fit un triomphe chez les surréalistes, il devint la bête noire des musicologues dans les années 30 et ne retrouva le succès que dans les années 80. Dans les années 60, le compositeur Jean Barraqué écrit dans un ouvrage dédié à Debussy, au sujet de Satie, qu’il s’agit d’un « bouffon », d’un « pauvre hère » et d’un « analphabète musical » … Et dont Madame Lhopiteau nous permet d’écouter un extrait de sa si poétique « Première Gymnopédie » Et commente son œuvre d’« Harmonies étranges et amicales, climat mélancolique, absence de tout effet grandiloquent, la musique de Satie, reflet de la fin d’un siècle, semble, après avoir été totalement ringardisée pendant 40 ans par une certaine intelligentsia parisienne, coller parfaitement avec la sensibilité de cette autre fin de siècle que nous sommes en train de vivre. »

Je vous fais grâce des travaux d’Arnold Schœnberg et de sa musique dodécaphonique – ou musique sérielle – qui défie les lois de la physique et risque de vous rendre accro au Paracétamol. Néanmoins, on doit à son « Pierrot Lunaire » une modification du concept de la beauté : « Une œuvre d’art n’a plus désormais à être nécessairement harmonieuse, jolie ou délicate pour être "belle". » (!?)

J’avoue que l’écoute de la Gavotte de la « Suite pour piano opus 25 » purement sérielle, datant de 1921 (plage 41 du 2e CD), considérée comme LA référence en la matière, m’a laissé un sentiment de désordre cacophonique dénué de sens… Moi qui n’ai jamais pu supporter longtemps les Valses de Chopin, je crois qu’après ça, je vais pouvoir les écouter avec délice…

Si l’on en croit Madame Lhopiteau, tous les compositeurs contemporains n’ont pas adhéré au modèle sériel mais « La musique du XXe siècle est d’une telle richesse et d’une diversité que bien d’autres nouvelles voies, originales tout en étant moins radicales, furent explorées. »

Alors j’ai essayé de me familiariser avec la « polytonalité » d’un Stravinsky, avec les « dissonances » d’un Ravel, avec les « mouvements rotatoires » d’un Wyschnegradsky, la « musique concrète » d’un Schaeffer et même, pourquoi pas, « aléatoire » … etc.

Je dois reconnaître que Papy n’est plus dans le coup. Dépassé, le vieux ! Manifestement, il y a des chercheurs, laissons-les chercher, il y a des trouveurs, laissons-les trouver et revenons voir dans un siècle ou deux ce qui subsistera. C’est un travail de longue haleine, laissons du temps au temps. Et éduquons nos oreilles comme nous devons éduquer notre regard.

J’en ai fait l’expérience avec la peinture, un jour, par amusement, j’ai peint une nature morte (fruits et légumes, succursale de marchand primeur) très réalistes, en clair-obscur, en m’inspirant de l’École Flamande, pour voir… Travail facile, une copie de la nature, qui ne demande qu’une bonne technique (de la m… quoi), ceinturé d’un beau cadre doré par les soins de mon épouse, le tableau trône quelque part dans mon séjour et fait l’admiration de quelques visiteurs, proche d’un autre, nettement moins figuratif, qui m’a demandé de l’imagination et de longs tâtonnements pour obtenir le dynamisme souhaité et des recherches de couleurs pour ajouter aux mouvements, simplement posé sur un chevalet, maintenant au chômage, un vrai travail de création (à mon modeste niveau)… parfaitement invisible à tous !

Quant au livre de Madame Lhopiteau, un coup de cœur dont je la remercie chaudement pour tant de richesse dans un si petit volume !
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date : 09-03-2023
« Le clou qui dépasse appelle le coup de marteau… »
« Proverbe japonais », vérité universelle…
Et le "clou", c’est qui ?
Ici, c’est Joséphine !... Oh, pourtant elle est bien modeste, Joséphine, elle est bien effacée, de nature, de naissance, génétiquement programmée par des générations de femmes soumises à leur mari japonais tout puissant. Car Joséphine, la bretonne, est la fille d’un couple de japonais qui, justement, a fuit leur pays pour que leur enfant (ce sera une fille !) échappe à la tyrannie machiste nipponne.

Non, ce n’est pas une blague, rien d’exagéré là-dedans. Une anecdote perso : un jour (un soir), ma femme et ma fille se sont trouvées dans un cabaret parisien, lors de l’arrivée d’un Tour-operator de japonais prévu pour assister à une partie du spectacle, et bien, tous les hommes se sont assis et les femmes sont restées debout, au garda vous, derrière eux, déjà bien heureuses d’être là, tout sourire, alors que leurs Jules tiraient des figures de thanatopracteurs…

Bien, revenons à Joséphine. Pourquoi est-elle un clou qui dépasse ? Parce qu’à trente-quatre ans elle est Cheffe de partie poisson dans un "trois étoiles" parisien ! Qu’est-ce que c’est que ce truc ? La cuisine, c’est sa passion, c’est toute sa vie :
« Je teste, j’essaie, je rate. Brouillonne dans la vie, je me découvre précise en cuisine. La gourmandise ne m’intéresse pas. Ce que j’aime, c’est l’association d’idées. »

Anne de Kinkelin nous explique que dans les cuisines des restaurants gastronomiques étoilés, tout est très hiérarchisé. Ce n’est pas pour rien que le personnel de cuisine forme une « brigade » sous les ordres d’un Chef – qui reçoit comme accusé réception à ses ordres le fameux « Oui, Chef ! » bien hurlé et articulé par tous – et d’un Sous-chef. Laquelle brigade est elle-même divisée en « Parties », partie viande, partie sauce, partie pâtisserie, partie poisson (assez peu prisée à cause des odeurs, des viscères, etc.)… Et chaque partie gouvernée par un Chef de partie (ça va de soi) … D’où notre Joséphine, Cheffe de partie poisson ! (CQFD)

Elle s’est drôlement documentée notre autrice.
Anne de Kinkelin est journaliste et écrivain. Elle obtient son Master en journalisme en 2003 à l’Institut International de la Communication de Paris. Dès 2000, elle travaille pour les Éditions de Tournon. En 2006, elle effectue un remplacement au poste de rédacteur en chef pour le groupe Bleucom, qu’elle occupe jusqu’en 2007. Elle est alors nommée rédactrice en chef permanente du site joyce.fr, le premier site du luxe sur le web. En mai 2008, elle est promue rédactrice en chef adjointe d’aufeminin.com. Elle est actuellement Directrice du Parisien TV.

Et Joséphine dans tout ça ?
Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais dans la cuisine du Palace, toute la hiérarchie est au masculin ! C’est un monde d’hommes. Et, c’est bien connu, les hommes tiennent à leur suprématie, et c’est normal puisqu’ils sont les meilleurs :
« Quand les femmes font une cuisine traditionnelle et classique, on dit que c’est de la cuisine de maman. Quand les hommes le font, on applaudit parce qu’ils révisent le répertoire. »
Alors, si une femme vient à s’aventurer dans cette arène, si elle veut survivre au milieu des taureaux, elle a tout intérêt à « Être nulle et, du coup, ne pas être une menace pour le chef en place. Coucher avec le sous-chef ou le chef… Plus classique mais visiblement efficace. » Seulement voilà ! Joséphine n’est pas nulle, loin de là, elle serait même exceptionnelle, ce qui fait d’elle « un clou qui dépasse », et comble de malheur : elle ne couche pas ! Du moins, pas avec le chef, ce qui le met dans tous ses états – comme s’il avait besoin de ça ! – et bien sûr il va passer ses nerfs sur la pauvre Joséphine…

Je ne vous en dirai pas plus, sinon que j’ai adoré tout les détails relatifs à la confection des plats, moi qui depuis plus de vingt ans suis le Chef incontesté de ma propre brigade et règne en maître dans MA cuisine. Pour faire respecter ordre et discipline j’ai soigneusement sélectionnés mes chefs de parties, ils me sont tout dévoués. Je n’ai même pas besoin de formuler mes ordres, ils me devancent… même ma femme n’ose pas trop s’aventurer dans la cuisine quand j’officie !
J’ai moins aimé la fin, mais c’est à vous de juger.
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"Sciences et Avenir" de Janvier 2023 l’avait recommandé : « Nous connaissons les précédents ouvrages de Stefano Mancuso, et l’amour indéracinable qu’il voue aux plantes […] Ici, il creuse le sillon avec humour et liberté, en laissant la démonstration des avancées des connaissances émerger par le concours de l’histoire et de l’aventure… » Alors, installez-vous confortablement dans votre fauteuil préféré, à portée de main, votre boisson favorite, et laissez-vous emporter par la narration savoureuse et souvent étonnante de notre ami Stefano qui nous invite à partager un incroyable voyage…

Stefano Mancuso est un biologiste italien né en 1965 à Catanzaro. En 2001, il devient professeur à l'université de Florence. En 2005, il y crée le laboratoire international de neurobiologie végétale, destiné à l'étude du comportement des plantes. En 2012, dans le projet Plantoïd, il participe à la création d’un robot bioinspiré, qui pourrait par exemple explorer un sol peu accessible ou contaminé par un accident nucléaire ou une attaque bactériologique. Il publie L'Intelligence des plantes, coécrit avec Allessandra Viola (version française en 2018)
https://old.senscritique.com/livre/L_intelligence_des_plantes/critique/198781164
Puis La Révolution des plantes en 2019 et Nous les plantes en 2021.

Parce qu’on les a en permanence sous les yeux, les plantes font partie du paysage et on ne les voit plus, enraciné on les croit immobiles mais elles – ou leurs descendances – ont une grande capacité de mouvement, sur un temps long (pour nous), en utilisant toutes sortes de moyens disponibles.
Un exemple ?
L’île de Surtsey : à la mi-novembre 1963, une irruption volcanique sous-marine faisait surgir une île à une trentaine de kilomètres des côtes islandaises. Le 5 juin 1967, l'île a atteint sa superficie maximale de 2,65 km2 et sa hauteur maximale avec 173 mètres d'altitude. Le 1er décembre 1963, seulement deux semaines après le début de l'éruption, les premiers êtres vivants recensés sur Surtsey sont des goélands repérés sur l'île. En 1965, la première plante vasculaire, une Cakile arctica, poussait sur une plage de sable de l’île.
« De toutes les espèces vasculaires répertoriées sur l’île, 9 % ont été transportées par le vent, 27 % par la mer et les 64 % restants par les oiseaux. » En 2008, quarante-cinq ans après sa naissance, on recensait à Surtsey 69 espèces de plantes, dont 30 étaient désormais considérées comme sédentaires.

Revenons sur la terre ferme pour une ou deux histoires parmi d’autres…
Vous connaissez la Senecio squalidus ? C’est une plante d’une cinquantaine de centimètres avec de belles fleurs jaunes réunies en corymbes qui pousse librement sur les flancs de l’Etna. Probablement que dans le cadre d’échanges entre jardins étrangers quelques graines Siciliennes ont été fournies au jardin botanique d’Oxford. En 1794 elle a déjà colonisé tous les murs du Collège. En 1844 le chemin de fer relie Oxford et Londres, une aubaine pour notre Sicilienne qui suit les rails et se retrouve au centre de l’Écosse à la fin du XIXe siècle… Parions qu’entre-temps elle a pris un fort accent Britsh.

Comme ces graines de dattes récoltées durant les fouilles archéologiques, à Massada en Israël, et vieilles d’environ deux mille ans (entre 155 avant J.-C. et 64 après J.-C.). Trois graines furent plantées, huit semaines plus tard, l’une avait germé. Un résultat époustouflant. Si tout se passe bien, un authentique palmier-dattier remontant à l’âge d’or de cette production pourrait recommencer à produire après deux mille ans !

Juste un mot sur les arbres solitaires. Ces arbres tellement isolés qu’ils font dire à l’auteur : « Si l’on y réfléchit bien, un arbre solitaire ne devrait en effet pas exister. C’est un contresens. Chaque être vivant solitaire est en quelque sorte une contradiction. »
Citons le courageux acacia du Ténéré qui survécu vénérablement au milieu de rien, ou plutôt du désert, par 50°C, sans aucune végétation à des centaines de kilomètres à la ronde, bénéficiant du respect des Touaregs le considérant comme un phare au milieu du désert et qui meurt en 1973 d’un… accident de la route ! Renversé par un camion… l’histoire ne dit pas si le conducteur était sous l’emprise de la cocaïne !

Le règne animal et le règne végétal, deux mondes distincts ? Allons donc ! On l’a dit, pour voyager les plantes comptent et utilisent souvent les animaux qui sont heureux de trouver de gros fruits, avec beaucoup de pulpe, colorés, parfumés et appétissants. Mais investir beaucoup d’énergie dans une coque, dont l’unique objectif serait de contenir la graine, pourrait sembler parfaitement inapproprié, si ces gros fruits n’avaient en réalité d’autres tâches à remplir. Ils doivent servir d’appât, et en même temps de récompense, pour tous les animaux qui, s’en nourrissant, rempliront la fonction essentielle de transporter les graines loin de la plante mère.
Vous, je ne sais pas, mais moi, la première fois que j’ai coupé un avocat en deux, j’ai été surpris par la taille de la "graine" à l’intérieur ! Et bien, les avocats sont originaires d’Amérique et remontent à une époque où, il y a 13 000 ans, il y avait profusion d’herbivores géants qui en étaient friands, comme les paresseux géants ou le Megatherium, et dont la taille de la graine ne gênait pas. Mais la disparition de ces mastodontes aurait pu entrainer celle des avocatiers qui furent sauvés in extremis par le diffuseur parfait : l’homme.
S’associer avec l’homme veut dire signer un pacte avec le diable. Tôt ou tard il te demande de le payer de ton âme. Ainsi, comme cela s’est déjà produit par le passé pour d’autres espèces imprudemment associées à l’homme comme les bananes, le raisin, les tomates, les agrumes, etc. En 2017, une chaîne de supermarchés britannique a commencé à distribuer des packs de cinq avocats sans noyau appelés cocktail avocados, qui présentent le bénéfice supplémentaire de pouvoir être mangés avec l’écorce…
« Pour l’avocat aussi le moment est venu de devenir sans graine (sans noyau) pour satisfaire un marché corrompu. Une fois privée des possibilités de produire des graines, une plante n’est plus un être vivant, mais un simple moyen de production aux mains de l’industrie alimentaire qui décide comment, quand et où la reproduire. Cela ne suffit pas. Une plante sans graine ne peut pas se diffuser à travers la reproduction sexuelle, mais de manière seulement végétative, en produisant des plantes filles qui sont des clones génétiquement identiques à la plante mère. La diversité génétique des espèces disparaît, et seuls quelques individus se propagent en des millions d’exemplaires. Un parasite ou une maladie qui frappe l’un de ces individus est en mesure de frapper chacun de ses clones. »
Pour le plus grand bonheur des apprentis sorciers…
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C’est une erreur ! Je n’aurais jamais dû vouloir lire cet ouvrage !
Lorsqu’un livre débute par « J’affirme, dans cet essai, que l’IA n’est ni artificielle ni intelligente. Au contraire, l’intelligence artificielle est à la fois incarnée et matérielle, faite de ressources naturelles, de carburant, de main-d’œuvre humaine, d’infrastructures, de logistique, d’histoires et de classifications… » le « J’affirme que… » met tout de suite mal à l’aise.

Dans ce livre, Kate Crawford fait le procès de l’Intelligence Artificielle, mais un procès à charge uniquement, qui est en fait le procès de l’usage que l’on fait de l’IA.

Née en 1976 en Australie, Kate Crawford est spécialiste des implications sociales et politiques de l’intelligence artificielle. Fondatrice du AI Now Institute à l’université de New York, elle inaugure en 2019 la chaire IA et Justice sociale à l’École normale supérieure de Paris.

Au fil des chapitres, elle va montrer l’asservissement des hommes sous le joug des machines – phénomène connu depuis le XIXe siècle – où, aujourd’hui, des travailleurs à la pièce payés quelques centimes pour effectuer des micro-tâches numériques pour que les systèmes de données puissent paraître plus intelligents qu’ils ne le sont. Avec pour exemple des entrepôts Amazon où des employés doivent suivre le rythme des cadences algorithmiques, ou des abattoirs de Chicago, avec leurs chaînes où on pratique le découpage des carcasses d’animaux qu’on prépare à la consommation.
Elle expliquera la façon dont les systèmes d’IA renforcent la surveillance et le contrôle pour les patrons.
Elle exposera comment les données numériques – dont des données personnelles, potentiellement préjudiciables – sont collectées, assemblées et utilisées pour produire des modèles d’IA, jusqu’à constituer de gigantesques ensembles de données remplis de selfies, de gestes de la main, de gens au volant, de bébés qui pleurent, de conversations de groupes de discussions, etc. qui servent tous à améliorer les algorithmes qui exécutent des fonctions comme la reconnaissance faciale, la linguistique prédictive, la détection d’objet…
Elle montrera comment les systèmes actuels utilisent des étiquettes pour définir l’identité humaine, généralement sur la base de catégories raciales essentialisées et d’évaluations problématiques de la personnalité et de la solvabilité.
Enfin, elle développera comment les systèmes d’IA deviennent l’instrument du pouvoir étatique. Comment la dimension militaire passée et présente de l’IA a façonné les pratiques de surveillance, d’extraction des données et d’évaluation du risque que nous observons aujourd’hui et comment elle fonctionne en tant que structure du pouvoir qui combine infrastructure, capital et travail.

Mais rien sur les applications de l'intelligence artificielle en médecine : rien sur la reconnaissance d'images pour le diagnostic des cancers et des maladies, rien sur la médecine de précision pour les maladies cardiovasculaires et les cancers, rien sur la conception de médicaments et l’amélioration de la prestation des soins de santé, etc…

Mais rien sur les interventions en milieux hostiles ou inaccessibles : rien sur les explorations et interventions dans les grandes profondeurs sous-marines, rien sur les manipulations en milieux corrosifs ou asphyxiants, rien sur les explorations ou futures exploitations extraterrestres (Mars, la Lune…), etc…

Madame Crawford traite de l’aspect politique et social de l’IA, elle conclue en précisant que « L’intelligence artificielle est une idée, une infrastructure, une industrie, une forme d’exercice du pouvoir, et une façon de voir ; c’est aussi la manifestation d’un capital très organisé, soutenu par de vastes systèmes d’extraction et de logistique, avec des chaînes d’approvisionnement qui enveloppent toute la planète. […] L’intelligence artificielle, c’est la politique par d’autres moyens, même si on la reconnaît rarement comme telle. Cette politique est menée par les Grandes Maisons d’IA, soit la demi-douzaine d’entreprises qui dominent la computation planétaire. »
Dans ce sens, elle a probablement raison. Mais, je me répète, ce qu’elle condamne c’est l’usage que l’on fait de l’IA qui, comme toujours peut revêtir des aspects regrettables. Condamne-t-on définitivement l’automobile parce qu’un conducteur irresponsable provoque un accident scandaleusement grave avec son véhicule, sous l’emprise de la cocaïne ? Peut-être que si son véhicule avait été équipé d’IA, celle-ci aurait évité le déport de trajectoire… voire le démarrage du véhicule.

Attaché à l’aspect technique des choses, mon sentiment est que l’auteure s’est trompée d’ennemi. Comme très souvent, l’ennemi n’est pas le progrès, c’est l’Homme.
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« Statistiquement, dire que nous sommes seuls dans l’univers est une absurdité… »
Ainsi s’exprime Nathalie Cabrol, sur France Info, le 6 janvier 2023, lors de la présentation de son livre « À l’aube de nouveaux horizons » et d’insister « Ce qui est sûr, c’est que l’on trouve les briques de la vie partout ».
Nathalie A. Cabrol est née en août 1963 à Paris, elle fait ses études à l'université de Nanterre, puis à Panthéon-Sorbonne où elle obtient son doctorat en 1991. Entre 1985 et 1994, elle fait de la recherche en géologie planétaire avec son mari, Edmond Grin, à l'Université Paris-Sorbonne et à l'Observatoire de Paris-Meudon. En 1994 elle déménage aux États-Unis pour un post-doc à la NASA. Elle et son mari décident de rester aux États-Unis et deviennent citoyens américains. En 1998, elle devient employée de la NASA travaillant à l'institut SETI. Sélectionnée en octobre 2014 pour développer des nouvelles stratégies d'exploration et de détection de biosignatures dans le cadre de la mission Mars 2020. Elle est nommée directrice du centre Carl Sagan pour l'Étude de la Vie dans l'Univers de l'Institut SETI.
Un sacré petit bout de bonne femme ! Comme elle trouve la vie de bureau un peu monotone : "Avec son équipe, elle a escaladé le volcan Licancabur (6014m d'altitude) [Chili] à plusieurs reprises pour y conduire des recherches, notamment en plongeant en apnée dans le lac sur le cratère. Ses activités d'explorations de lac, visant à chercher des extrêmophiles (microbes avec la capacité de survivre dans des environnements extrêmes), font d'elle la détentrice (officieuse) du record féminin d'apnée et de plongée réalisées à la plus haute altitude" (WIKI).
Donc Nathalie, depuis longtemps, est en quête d’indices montrant que la vie existe ailleurs que sur notre bonne vieille Terre « ce que l’on sait, c’est qu’il y a au moins 125 milliards de galaxies dans l’univers, que chacune de ces galaxies contient plus de 100 milliards d’étoiles et qu’autour de chacune de ces étoiles tourne au moins une planète » … d’où le titre de cette chronique ! Il est complètement insensé d’imaginer que la vie n’ait pu apparaître que sur Terre. Et pourquoi donc ? Juste pour satisfaire l’égo de quelques insupportables prétentieux ? C’est une absurdité absolue !
Elle ajoute même que ça ne fait que 150 ans, à peine, que l’on cherche des preuves de cette vie, alors que l’univers, lui, a plus de 13 milliards d’années et, réfléchissons un peu, il est fort possible que des formes de vie, voire des civilisations ayant atteints des stades de développement similaire au nôtre soient nées avant nous, qu’elles aient disparu, que certaines aient été éphémères, que certaines soient en ce moment en activité à des millions d’années-lumière, donc impossibles à déceler, sachant aussi que la plupart n’ont probablement pas dépassé le stade bactérien.
Alors, comme de nombreux autres astrobiologiste, Nathalie consacre son existence à la découverte de signes de vie extraterrestre. Bien que directrice scientifique du centre SETI (Search for Extraterrestrial Intelligence, « Recherche d’intelligence extraterrestre »), ce sont les biosignatures qui sont ses cibles. Ces traces que laissent les organismes vivants dans l’atmosphère ou dans le sol et qui sont la preuve de la présence de vie.
Ce livre, d’une richesse exceptionnelle, fait un point complet des connaissances actuelles sur les explorations spatiales récentes ou en cours (et franchement, on va de découvertes en découvertes – moi qui croyais être à peu près à jour…) et sur les projets prévus dans un proche avenir qui ouvrent sur de nouveaux horizons ! Nous avons vraiment la chance de vivre une époque FORMIDABLE, car les missions prévues pour les vingt ou trente années à venir devraient être d’une abondance, en découvertes, à couper le souffle ! Dans la continuité des trente dernières années qui, grâce au génie humain, aux progrès des sciences et des techniques, nous permet de découvrir et de comprendre l’univers dans lequel nous vivons. Loin des croyances les plus saugrenues et des hypothèses les plus hasardeuses, la conquête de l’espace – que beaucoup considère encore comme un gaspillage inutile – nous abreuve d’images et de caractérisations chimiques incroyablement précises de corps célestes proches ou lointains, grâce aux télescopes spatiaux, sondes et autres rover hyper intelligents comme autant d’éclaireurs de l’humanité (n’oublions pas qu’un mobile qui prélève des échantillons sur Mars n'est pas un drone piloté depuis la Terre : suivant les positions respectives des planètes, un signal radio peut mettre plus 40 minutes pour faire un aller-retour. Il doit donc se débrouiller seul !).
« Les briques de la vie sont partout », demain, on saura si la vie (même microbienne) est partout ! Car, en digne prosélyte de Carl Sagan et en tant que scientifique, Nathalie le paraphrase : « Je ne veux pas croire. Je veux savoir ».
Je regrette vraiment d’être trop âgé pour pouvoir assister au spectacle…
Je recommande chaudement cet ouvrage aux curieux et aux amateurs d’astronomie et d’astrobiologie, même si, par moment, sa lecture est un peu ardue, mais c’est le prix à payer pour un travail complet et de qualité.
Je laisserai le mot de la fin à Nathalie Cabrol désabusée devant notre entêtement à détruire notre environnement :
« Si nous échouons, personne ne saura jamais que quelque part à la périphérie de la Voie lactée, la vie émergea un jour sur une petite planète bleue […] Les couleurs de nos peuples, le son de nos musiques, l’ingéniosité de notre science et de notre technologie, la beauté de notre architecture et la force de notre amour seront perdus et oubliés à jamais alors que les vagues de l’océan cosmique passeront sur un rivage planétaire désormais silencieux où, autrefois, les oiseaux chantaient, Mozart jouait et Einstein rêvait. »
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Avez-vous déjà touché le fond ? Vous êtes-vous trouvés si nuls que tout en comprenant les mots vous ne compreniez pas les phrases ? On lit, on relit, on se pince pour bien se réveiller et relire encore et on découvre avec stupeur qu’on a atteint ses limites et qu’on n’arrive pas à saisir le sens…

« Le réductionnisme scientifique entraîne une violence coloniale inouïe. Il doit donc, pour rester pertinent, être modéré par une re-complexification des enjeux et une re-description fine des mondes qui, de fait, n’ont de cesse de résister à leur schématisation au sein d’édifices théoriques dont la structure ne tient qu’en vertu du régime de scientificité occidental. »

Je ne veux pas vous mettre dans le coup, mais j’ai beau m’arracher les derniers cheveux, me faire un café très fort… je ne parviens pas à traduire dans une langue à ma portée…

Nastassja ! Nastassja, que se passe-t-il ? J’avais tant aimé Croire aux fauves, (https://www.senscritique.com/livre/croire_aux_fauves/critique/207950228 ) J’en salivais d’avance en ouvrant ce livre…
J’aurais dû me méfier : en septembre 2022, TÉLÉRAMA avait attribué 4T à "À l’est des rêves" et par expérience, je savais que plus il y a de T, moins j’aime.

Nastassja Martin est née à Grenoble en 1986. Elle est Docteur en anthropologie, diplômée de l’École des hautes études en sciences sociales, experte reconnue des peuples du Grand Nord.

Elle a travaillé en Alaska avec le peuple Gwich'in, puis a franchi le détroit de Béring pour commencer une recherche comparative au Kamtchatka. En effet, pendant l'époque soviétique, les Even, un peuple nomade d'éleveurs de rennes, ont été sédentarisés dans des fermes collectives. Après la chute du régime, beaucoup ont continué d'être les bergers des rennes. Depuis l'ouverture de la région en 1991, les anciens kolkhozes du Kamtchatka se sont transformés en plateformes touristiques.
Nastassja pu ainsi comparer le gwich’in gathering (rassemblement gwich’in en Alaska) tout entier consacré aux débats concernant un environnement placé sous la double pression du changement climatique et des exploitants des ressources minières et pétrolières en train d’envahir le territoire. Et un nouvel an even, où aucune de ces questions n’est abordée, mais où on en donne à voir d’autres qui restent minoritaires dans les villages autochtones alaskiens : danses et chants sont à l’honneur, les cultures autochtones sont sur le devant de la scène.

« Ces deux événements, typiques d’une situation partagée par une grande majorité de collectifs autochtones de part et d’autre de Béring, mettent en exergue l’opposition qui se dégage entre les politiques d’assimilation mises en place par les États qui se font face : côté soviétique, la diversité des identités ethniques fut appelée à s’intégrer à la société colonisatrice en se fondant dans une collection de cultures exhibées rivalisant dans les concours ; côté américain, cette diversité fut, au contraire, intégrée sous la forme d’agents économiques maximisant leur profit (dans le cas des indigènes assimilés à l’exploitation du territoire) ou en tant qu’ambassadeurs (légitimes puisque authentiques, traditionnels) de la nature sauvage à protéger impérativement. Pour le dire autrement, avec le projet soviétique, le modèle de la « diversité autochtone intégrée » devient la diversité des langues et cultures qui traduisent une intention uniforme ; avec le projet américain, c’est la pluralité des intérêts individuels mis en concurrence sur un marché (qu’il procède de la logique écologique ou exploitante) qui manifeste la diversité intégrée. »

Passionnant. Non ?

Certainement mais je dois humblement reconnaître que je suis tout à fait réfractaire à ce type de conjectures
Me voila aux prises avec une Nastassja didactique et pédagogue et plus drôle du tout. Tant elle me faisait rêver dans la "gueule de l’Ours" ou dans ses oppositions rationnel/irrationnel, tant elle me lasse ici avec le folklore authentique, ou pas. Je devrais, sans doute, c’est ce qui participe de la culture. Mais non. Je suis définitivement plus à l’aise avec les géantes gazeuses et autres naines rouges ...
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date : 26-11-2022
Oh non Madame, on ne s’ennuie pas à la lecture de ce livre.
Encore faut-il s’ouvrir à l’Histoire de l’Espagne.
Encore faut-il s’ouvrir aux "vérités" qui ne sont pas les siennes.
Encore faut-il tolérer de comprendre ce que l’on refuse d’entendre.
Encore faut-il tolérer d’admettre l’intolérable…

« Les Sacrifiés », le roman de Sylvie Le Bihan – parce qu’il s’agit d’un roman – mêle personnages réels et personnages fictifs, entre Séville, Madrid, New York et Paris, de 1925 à 2000, soixante-quinze ans de la vie d’un jeune gitan andalou.

Sylvie Le Bihan est née en 1965 à Nice, c’est une écrivaine française. Elle étudie le droit administratif à l'Institut d'études politiques de Strasbourg (1983-1987) et est titulaire d'une maîtrise de science politique à l'université des Sciences et Technologies de Lille (1996-1997).
Après un passage chez Elf Aquitaine à la direction de la communication et dans le groupe Auchan, elle part à Londres pour être « chasseuse de têtes » dans la finance. Elle passe 14 ans entre Londres et New York.
Depuis 2004, elle est responsable des projets des restaurants Pierre Gagnaire (son mari depuis 2007) à l'étranger.
« Les Sacrifiés » est son cinquième roman.

Sylvie Le Bihan a mis huit ans. Huit années de recherches et d'écriture pour retracer l'effervescence artistique sans pareille qui, de Salvador Dali à Pablo Picasso, de Federico Garcia Lorca à Louis Buñuel, fit les grandes heures de la scène madrilène. Pour ce faire elle choisit de suivre un jeune gitan de 15 ans, Juan Ortega. Qui, en quittant son Andalousie natale, va devenir le cuisinier d'un matador haut en couleur, Ignacio Sánchez Mejías, une célébrité de l'époque (né à Séville en 1891 et mort dans l’arène en 1934).
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ignacio_S%C3%A1nchez_Mej%C3%ADas
Qui, sans tarder, va prendre Juan sous son aile.

Prémonition ? Voilà qu’aujourd’hui, en France, il est question d’interdire les corridas… Et voilà que pendant toute la première partie du livre on parle beaucoup de corrida… Plane l’ombre de José Gómez Ortega dit « Joselito »,
https://fr.wikipedia.org/wiki/Joselito_(Jos%C3%A9_G%C3%B3mez_Ortega)
Célèbre matador, né en 1895 à Gelves dans la province de Séville, et mort dans l’arène à 25 ans.

Le jeune Juan Ortega (fil rouge du roman) a donc 15 ans en 1925, lorsque débute l’histoire et entre au service d’Ignacio (qui en a alors 34). Attendez, ça se complique… Ignacio à épousé Lola Gomez Ortega, la sœur de Joselito et cousine de Juan, et toujours inconsolable cinq ans après le décès de son frère, lequel était fiancé à la belle et fougueuse danseuse andalouse Encarnación (Encarnación López Júlvez) dite « La Argentinita » qui a su trouver du réconfort dans les bras d’Ignacio en devenant sa maîtresse… Alors, évidemment Sylvie (Le Bihan) ne pouvait pas ne pas épicer son histoire en faisant en sorte que Juan, au premier regard, tombe fou amoureux de Encarnación, l’amante de son bienfaiteur (et dont la jeune sœur, Carmen, se morfond d’amour pour le jeune Juan, indifférent) … On se croirait dans une comédie de boulevard, sauf que…

Coïncidence ou pas, on reparle aujourd’hui d’interdire les corridas, en France. Et il en est beaucoup question dans ce livre (des corridas). Évidemment puisqu’il est beaucoup question de matadors ! QUELLE HORREUR !!! Grande levée de boucliers de la part des détracteurs qui, comme tous détracteurs qui se respectent n’ont jamais vu ce pourquoi ils sont contre.
J’en ai entendu parlé par quelqu’un qui n’en a jamais vu non plus et ça me suffit !
Disons-le tout de suite, je suis pour… l’arrêt de ce genre de spectacle, pour différentes raisons.

La première est que j’ai assisté, il y a fort longtemps, à des corridas. Alors que ce n’est pas du tout ma culture, mais davantage celle de ma belle-famille, du Sud-Ouest de la France. Ainsi je me souviens de quelques noms comme Paco Camino, Luis Miguel Dominguín dont l’élégance m’a frappé, ou El Cordobés ce fou furieux, qui enflammait les arènes par une bravoure plus proche de l’intrépidité excessive que du beau geste (il disait lui-même "faire des trucs" avec le taureau) … mais je reconnais qu’il m'a subjugué au point que je me suis retrouvé hurlant avec la foule, et qu’il m’a fallu 24 ou 48 heures pour réaliser que j’avais perdu tout contrôle.
Était-ce le matador ou la foule qui m’aveuglait ?
Peu importe. C’est un état détestable que je hais, qui, certainement, fait le bonheur de tout supporter normalement constitué, mais qui m’est intolérable.

La deuxième raison, bien sûr, est la cause animale.
Un spectacle où l’on n’a d’yeux que pour le courage et la hardiesse du torero, son insolente témérité devant la force brute du taureau dix fois plus puissant que lui. Oublié le travail des picadors qui laisse des plaies béantes sur l’échine de l’animal. Oubliées les banderilles qui pendent, accrochées au dos de la bête, dans un flot de sang. C’est un fauve de combat ! C’est un fauve que l’on blesse atrocement pour le diminuer, l’affaiblir, lui faire baisser la tête, pour lui donner plus facilement l’estocade. Et pendant ce temps, on "l’amuse", avec des passes compliquées, pour qu’il charge un leurre et s’affaiblisse plus encore sous les soubresauts des banderilles qui lui déchirent la chair. Il arrive même, parfois, que du sang se mêle à la bave de la bête, aveuglée de souffrances. Mais la foule en liesse ne voit que l’homme qui évite de justesse les cornes furieuses. Ou, comble de l’exultation, l’homme, à genou, le dos tourné à l’animal exténué et incapable d’attaquer dans cette position…
Spectacle sanguinaire s’il en est, fait pour la jouissance des hommes et, soyons honnêtes, pour le frisson – crainte/plaisir – de la secrète attente du coup de corne qui enverra le torero à l’hôpital. C’est ce même frisson qui faisait accourir les spectateurs en place de Grève, les jours d’exécution.

Et qu’en disent les personnages ?
En voyage à New York, Ignacio et Juan sortent d’un restaurant où ils ont parlé à un couple d’américains. Ignacio, furieux s’adresse à Juan : « Je n’en peux plus de ces hypocrites ! Tu as vu comme elle nous a serrés dans ses bras même si on la connaissait à peine ? Et puis son air outré quand on a parlé tauromachie alors que son mari est un boucher plein de fric qui extermine des milliers de bêtes élevées dans des conditions inacceptables ? […] Bientôt on aura ces hamburgers dégueulasses à Madrid, à Barcelone et à Séville. On les avalera avec leurs milk-shakes et leur Coca-Cola… Et c’est nous qu’ils traitent de sauvages ? Et la grosse vache, quand elle m’a dit que la corrida était cruelle ? J’ai failli m’étouffer ! Son mari venait de nous expliquer comment il comptait révolutionner l’élevage des bovins et des porcs sur le modèle des chaînes de montage automobile ! Tu as remarqué ? À aucun moment il n’a parlé des conditions de vie de ses bêtes. Il s’en fout ! Ce qui l’intéresse, lui, c’est le rendement, l’efficacité, le calibrage ! »
Puis, toujours en colère : « Et elle, avec ses cheveux gonflés comme un Zeppelin, qui verse sa petite larme en pensant aux taureaux de combat qui ont un hectare à eux seuls, vivent en liberté et dans le respect pendant plus de six ans, et non parqués les uns contre les autres pour être tués au bout d’un an ! Tu vois, la souffrance quotidienne de ces millions de bêtes me révulse. »

Et les végétariens et autres végans, qu’en disent-ils ?
Cessons de tuer des animaux, que ce soit pour notre plaisir ou pour se nourrir. Cessons de manger de la viande !
Bon, je veux bien, mais on se nourrit comment, avec des cailloux ? De l’air du temps ? Par photosynthèse ?
Ne me dites pas que vous allez arracher des plantes ? Les tailler en petits morceaux ? Les faire bouillir ? Pire, les manger tout crus, encore vivants ?
Que l’élevage intensif est condamnable, mais que la culture intensive est inévitable…
Renseignez-vous, vous verrez que de plus en plus les biologistes et autres botanistes démontrent que les plantes ne sont pas les êtres vivants aussi passifs qu’on a bien voulu croire, bien sûr, jusqu’à présent, on n’a jamais entendu une carotte hurler de douleur lorsqu’on l’arrachait de son carré de culture… mais lisez-donc les ouvrages de vulgarisation sur ce sujet, vous risquerez d’être surpris.
Comme, par exemple, « L’intelligence des plantes » de Stéfano Mancuso,
https://old.senscritique.com/livre/L_intelligence_des_plantes/32083092
Ou « Dans la peau d’un arbre » de Catherine Lenne,
https://old.senscritique.com/livre/dans_la_peau_d_un_arbre/44864372
Vous y verrez combien les plantes sont sensibles, communiquent entre elles, s’avertissent des agressions et réagissent.

Alors ?

Alors, pour comprendre le toréro, à défaut de l’approuver, écoutons la confidence d’Ignacio, alors qu’il a renoncé à l’arène depuis quelques années et qu’il s’ennuie :
« Je veux retrouver la jouissance du drame. Frôler le corps du taureau. Me mouiller de son sang. Éprouver sa première course, quand il sort du toril, quand je l’observe de derrière le burladero et me demande s’il plantera ses cornes dans ma chair ou si je transpercerai la sienne de ma lance. Je veux sentir son souffle et entendre le bruit de sa charge. »

Et ce retour sur la plaza de toros lui coûtera la vie, mais c’est celle qu’il voulait vivre et qui fera dire à son ami et poète Federico García Lorca dans son célèbre "LLanto por Ignacio Sánchez Mejías" :

« A cinq heures du soir
C’était juste cinq heures du soir.
Un enfant porta le drap blanc
à cinq heures du soir.

Nul ne te connaît plus. Non. Mais je te chante.
Je chante pour plus tard ta silhouette et ta grâce.
L’insigne maturité de ta connaissance,
Ton appétit de mort et le goût de sa bouche.
La tristesse qu’éprouvera ta vaillante allégresse.

De longtemps ne naîtra, si toutefois il naît,
Un Andalou si clair, si riche d’aventures,
Je chante son élégance en des mots qui gémissent,
Et me rappelle une brise triste dans les oliviers. »

Si aujourd’hui on se heurte à une intolérance et une incompréhension sourde entre pro et anti-corrida, à l’époque, dans les années 1930, en Espagne, sous le joug d’une culture catholique ultra-conservatrice, on retrouvait la même haine et répulsion vis-à-vis des homosexuels et des intellectuels de gauche. Haine et intolérance d’autant plus marquée que l’on s’éloignait de la capitale « Madrid n’était pas l’Espagne ».
Je serais curieux de connaître le fond de pensée de mes concitoyens, aujourd’hui, sans hypocrisie, sur ce sujet, malgré tous les mouvements LGBT, donneurs de bonne conscience… Les mentalités ont-elles vraiment changé en un siècle ?
En 1936, l’échec de la jeune République d’Espagne – et de la gauche républicaine – ouvre la porte à la guerre d’Espagne, au général Franco et à la droite traditionaliste.
À la fois homosexuel et intellectuel de gauche, rejeté par tous, le poète Federico García Lorca sera arrêté par les phalanges franquistes et exécuté sommairement le 19 août 1936.
Bien sûr Sylvie n’y était pas, mais elle a imaginé une belle fin pour un poète : « Alors que les premiers chants d’oiseaux montaient de la vallée, il tomba, emportant avec lui l’ultime vers. Avant de fermer les yeux pour une nuit éternelle, il sourit à l’idée qu’il resterait lui-même et que, des années plus tard, lorsque ses vers seraient lus à haute voix, on y entendrait sûrement le chant des oiseaux. »

Ce livre, recommandé dans un magazine (Version Fémina du 30/10/22), par ses références à l’Espagne, avait provoqué une irrésistible envie de lecture chez mon épouse, biberonnée de culture hispanique dès le plus jeune âge. Elle l’a lu en moins de 48 heures sans parvenir à cacher son émotion. « Et la fin !!!… » – Chut, ne me raconte pas, je vais le lire !

Alors j’ai imaginé ce qui pouvait advenir… Guerre civile ?… Franco ?… Persécutions ?… 39-45 ?… Etc.

Bon, et bien, laissons les horreurs de la guerre de déchaîner, et arrêtons ce commentaire sur un chant d’oiseaux…

Non, Madame, on ne s’ennuie pas à la lecture de ce livre… mais, franchement, « La fin » tombe dans la comédie de boulevard (promise) "branquignolesque"… Documentée mais pas des plus légères, madame Le Bihan !
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