Extraits

« Qu’est-ce qu’elle fait ici, celle-là ? demande nerveusement Kelly. La petite fille chérie de Serena, qu’elle couve comme une maman poule dans sa villa douillette, pendant qu’elle envoie les autres au casse-pipe… Excusez-moi les filles, mais perso, j’ai pas confiance. »

Le grand sourire de Serena, qui se voudrait complice, me semble juste carnassier.

Prétendre qu’elle voudrait être avec nous, dans l’antichambre de la mort !

Se positionner comme joueuse d’équipe alors que, à elle toute seule, elle constitue toute l’équipe adverse !

— C’est comme une enquête du Club des cinq, ces livres que je dévorais dans ma jeunesse en Écosse ! continue-t-elle. Sauf que vous êtes six, et même sept avec moi… Le Club des sept, oui, ça me plaît bien !

— Eh ben moi, ça me fait gerber ! rétorque Kelly, dont le franc-parler n’a jamais aussi bien reflété mon propre ressenti. Je n’ai jamais entendu parler de vos vieux bouquins. Niveau littérature, je vous vois plutôt comme la sœur jumelle de Voldemort : méchante comme une teigne, vicieuse comme un serpent, la tronche ravalée à la truelle. »

Harry Potter, ça oui, on l’a toutes lu, c’est un classique. La comparaison de Kelly est bien trouvée ! Encouragée par nos rires, elle renchérit aussitôt :

— Quand je vous vois, quand je vous entends, j’ai juste envie de crier : À dégager ! Expelliarmus !

« Ça fait du bien de respirer, et d’entendre à nouveau le vrai son de ma voix, dis-je. J’avais l’impression de m’être transformée en canard nasillard, sous ce casque ! »

Il ne peut pas m'entendre.

Je ne peux pas l'entendre.

mais je peux lire mon nom sur ses lèvres!

"Léonor,"

"Léonor,"

"Léonor"

"Ma géante rouge!"

Géante? J'ai l'impression d'être toute petite au contraire, malgré la combinaison qui élargit mes épaules, quand les bras de Marcus se referment sur moi.

De l'orphelinat au foyer pour jeunes ouvrières, du foyer au camp d'entrainement Genesis, je n'ai jamais su ce que ça faisait de se sentir chez soi.

Aujourd'hui dans ces bras qui m'étreignent, je le comprends enfin.

Ses yeux d’acier me foudroient comme si c’était moi la responsable, la criminelle, la briseuse de rêve. Comment le lui reprocher ? Moi, j’ai eu des semaines pour nourrir mes soupçons, pour croire à l’incroyable, pour nommer l’innommable. Mais eux ? Ils ne se doutaient de rien, et voilà que je leur balance tout au visage, à tous les onze, comme une gifle.

ALERTE GROS SPOILE !!

Je ressens un immense soulagement comme si on m'otait un poids de cent kilos de la poitrine. Mes craintes étaient infondees : meme s'il a voté pour faire demi tour Marcus m'a gardé en numéro un ! Deux candidats en revanche on dégringole depuis la derniere fois, et les spectateurs doivent bien se demander pourquoi. Alexeï, le jeune premier du du debut du classement, patauge désormais en bas de classements, et j'ai comme dans l'idée que la manière dont il m'a violemment prise à parti y est pour quelque chose. Meme chose pour Elizabeth, qui avait reussi l'exploit d'être la deuxième de toutes les listes de coeur la semaine derniere: elle est désormais la candidate la moins bien notées, sans doute à cause du vol de ma tablette a croquis, qu'elle a avoué devant tous l'équipage. Derrière la joie d'avoir été choisi par Marcus, derrière la farouche volonté de survivre un fois sur mars, je sens se profiler en moi un drole d'impression: celle d'avoir une sorte de passif avec deux être hunmain partis les onzes qui devraient être mes alliées indéfectibles. Mémo a moi meme: mettre mon amour propre de côté et faire un geste vers eux des que possible, pour qu'on se réconcilie, c'est vraiment trop bête de rester fâches...

Kelly à Serena

Ne vous inquiétez pas Serena, lâche t-elle. J'ai toujours trouvé Kenji craquant avec son côté autiste et son regard de chat sauvage. Et puis la dèche, j'ai l'habitude. Je ne suis pas le genre de nana qui tuerait père, mère et enfants pour de l'argent moi...

Et toi Fangfang quel ton choix ? demande Safia. La Singapourienne rajuste fébrilement ses lunettes carrées.

- " Il me faut plus de données, balbutie-t-elle. Je ne peux pas décider comme ça à l'émotion. Je ne l'ai jamais fait. Même pour ma candidature au programme Genesis, j'ai tout analysé pendant des semaines avant de la poster- chaque paramètre technique de la mission, chaque critère de sélection : tout !

- " Et pourtant tu t'es fait avoir comme moi, qui ai signé sur un coup de tête " constate Kelly.

«  Je ne comprends pas, dit-elle en vacillant dans ses bottes. Il faut courir ou il faut sauter ?

— Ni l’un ni l’autre, répond Fangfang. Ou plutôt si, les deux en même temps. Je ne trouve pas les mots, je ne sais pas comment te dire…

— Moi, je sais ! s’exclame Liz. Il faut coursauter !

— Cour-quoi ?

— Coursauter ! »

L’Anglaise, qui maîtrise son corps mieux que personne, enchaîne quelques élégantes enjambées.

« C’est un nouveau mot que je viens d’inventer, dit-elle. On court et on saute : on coursaute ! Quoi de plus génial, pour une danseuse, que de nommer un nouveau pas ?  »

<< Les roses n'ont rien de mièvre ou de gentil, elles sont justes vraies. Cruellement vraies. Si leurs pétales nous montrent que la vie est belle à couper le souffle, leurs épines nous rappellent qu'elle est dangereuse à en crever. >>