Piégée par son patron

Luca Moretti était dans une situation délicate, même pour un homme connu pour son goût du risque. Il avait besoin de se trouver une épouse, et vite. Il n’était pas question de se marier, bien sûr, il n’était pas fou. Il cherchait juste une personne de confiance, discrète et capable de jouer ce rôle le temps d’un week-end.

— Monsieur Moretti ?

Sa secrétaire, Hannah Stewart, frappa une fois avant d’entrer dans son bureau, une pièce immense dont les murs de verre offraient une vue à couper le souffle sur Lombard Street. Malgré la pluie battante, les rues étaient aussi encombrées que d’ordinaire.

— Les lettres à signer que vous m’avez demandées…

Luca s’arracha à sa contemplation de la ville pour observer sa secrétaire. Ses cheveux châtains étaient retenus, comme tous les jours, en une queue-de-cheval stricte. Elle portait une jupe droite gris foncé, des talons et un chemisier blanc. Cet uniforme qu’elle portait tous les jours n’avait rien d’extravagant, mais avait au moins le mérite d’être tout à la fois sobre et distingué.

Luca se tapota les lèvres, songeur. Il n’avait jamais fait particulièrement attention à Hannah Stewart. Il savait juste qu’elle tapait vite à l’ordinateur et qu’elle était discrète lorsqu’il s’agissait de lui passer un appel personnel, dont certains étaient franchement embarrassants. Il fronça les sourcils pour l’examiner de plus près. Sans aller jusqu’à affirmer qu’elle était une gravure de mode, il ne pouvait nier qu’elle était jolie et que son visage, constellé de ravissantes taches de rousseur, possédait un charme certain. Quant à sa silhouette…

Ses yeux descendirent le long de son corps. Rien d’extraordinaire là non plus, mais elle avait ce qu’il fallait où il le fallait. Oserait-il…

Elle fit un pas en arrière après avoir déposé les lettres sur son bureau, laissant dans son sillage un parfum délicat. Machinalement, Luca prit son stylo plume et gribouilla une signature hâtive en bas de chaque lettre.

— Ce sera tout, monsieur Moretti ? demanda la jeune femme quand il eut terminé.

— Oui.

Il lui rendit les lettres et la regarda se diriger vers la porte, sa jupe bruissant à chacun de ses pas. Sa décision fut soudaine, presque irréfléchie.

— Attendez.

Hannah pivota vers lui, l’air surpris. Depuis trois ans qu’elle travaillait pour lui, Luca ne l’avait jamais prise en défaut. Elle était efficace et ne rechignait jamais à la tâche. Il percevait, sous ses allures affables, une détermination et une ambition qui lui plaisaient — d’autant qu’il s’agissait de qualités déterminantes pour le week-end qui s’annonçait. Restait à convaincre sa secrétaire d’accepter. Il suffisait de savoir s’y prendre.

— Oui, monsieur Moretti ?

Luca se renversa dans son large fauteuil, pianotant du bout des doigts sur son bureau. D’ordinaire, il n’aimait pas mentir. Il avait été honnête toute sa vie, fier de son passé et de l’homme qu’il était. Mais ce week-end avait une importance vitale à ses yeux. Hannah n’en était qu’un rouage, si essentiel fût-il. Il pouvait donc se permettre une entorse à ses principes.

— J’ai un rendez-vous très important ce week-end.

— Oui, à Santa Nicola, répondit la jeune femme. Votre billet est imprimé et votre chauffeur passera vous chercher demain matin chez vous à 9 heures pour vous conduire à Heathrow. L’avion décolle à midi.

Luca acquiesça, une nouvelle fois impressionné par l’efficacité et la précision de son assistante.

— Parfait. Mais il s’avère que je vais avoir besoin d’aide.

Hannah fut décontenancée par cette réponse, mais ne laissa pas transparaître la moindre émotion.

— D’une aide professionnelle, voulez-vous dire ?

Luca ne laissa pas place à l’hésitation. Il n’avait pas le temps de se lancer dans de longues explications.

— C’est exact, répondit-il.

— De quoi avez-vous besoin exactement ?

D’une femme. D’une épouse docile et temporaire.

— Je veux que vous m’accompagniez à Santa Nicola pour le week-end.

Jamais il ne lui avait demandé de se joindre à lui dans ses déplacements. Solitaire depuis l’enfance, il préférait voyager seul. Cela lui évitait de devoir être constamment sur ses gardes.

Luca savait que le contrat de Hannah spécifiait qu’elle n’était pas tenue à des horaires de bureau, si bien qu’il ajouta :

— Cela vous pose-t-il un problème ?

Hannah le dévisagea pendant une seconde, puis inclina la tête en souriant.

— Pas le moins du monde, monsieur Moretti.