la colère ne servait pas à grand chose, ce n'était qu'un baume temporaire qui soignait les symptômes et non les causes du mal.

la pitié est un sentiment mièvre, une hypocrisie. la vie se charge de nous le rappeler et la vérité finit par nous rattraper.

quelque chose d'affreux était arrivé. elle était blessée. elle avait besoin de lui. affolé, il s'efforça de se calmer, de se reprendre. où était-elle? comment l'aider?
ton coeur te le dira. tais-toi et écoute-le.

- que fais-tu ici? lui murmura l'étrange nuit, quelle peau dois-je te donner? tu veux de la fourrure? tu veux de la pierre?
- non, répondit Clara à voix basse; je veux trouver ton coeur et tu me le rendras.

- Y a-t-il un infini hors de nous? cet infini est-il impermanent, permanent; nécessairement substantiel, puisqu'il est infini, et que, si la matière lui manquait, il serait borné là; nécessairement intelligent, puisqu'il est infini, et que, si l'intelligence lui manquait, il serait fini là? cet infini éveille-t-il en nous l'idée d'essence, tandis que nous ne pouvons nous attribuer à nous-même que l'idée d'existence?
En d'autres termes, n'est-il pas l'absolu dont nous sommes le relatif?
en même temps qu'il y a un infini hors de nous, n'y a-t-il pas un infini en nous? ces deux infinis [...] ne se superposent-ils pas l'un à l'autre? le second infini n'est-il pas pour ainsi dire sous-jasent au premier? n'en est-il pas le miroir, le reflet, l'écho, abîme concentrique à un autre abîme? ce second infini est-il intelligent lui aussi? pense-t-il ? aime-t-il ? veut-il ?
si les deux infinis sont intelligents, chacun d'eux a un principe voulant, et il y a un moi dans l'infini d'en haut comme il y a un moi dans l'infini d'en bas. le moi d'en bas, c'est l'âme; le moi d'en haut, c'est Dieu.

croyez-moi sur parole. c'est parfois dans les moments les plus sombres qu'on perçoit une petite lumière, cachée au coeur des choses.

- Éternels? reprit Fénoglio, rien n'est éternel, Balbulus, et il ne peut rien arriver de mieux aux mots que d'être chantés par un ménestrel ! Certes, de la sorte, ils changent, ils sont toujours chantés de façon différente, mais n'est-ce pas fantastique? une histoire qui revêt une nouvelle tenue chaque fois qu'on l'écoute, qu'y a-t-il de mieux? [...]
regardez à côté celles qu'on enferme dans des livres ! elles vivent peut être plus longtemps, c'est vrai, mais elles ne respirent que lorsque quelqu'un ouvre le livre. ce sont des sons pressés entre des pages et une seule voix peut les faire revivre! alors, elles lancent des étincelles, Balbulus! elles sont libres comme des oiseaux qui prennent leur envol dans le monde. oui, vous avez peut être raison, le papier les rend immortelles. mais que m'importe à moi!

les ténèbres ont toujours eu leur rôle à jouer. sans elles, comment saurions-nous que nous marchons dans la lumière?

n'existait-il qu'un seul monde finalement, qui passait son temps à rêver à d'autres mondes?

projeter sa propre âme dans quelque forme gracieuse et la laisser s'y attarder un moment; entendre l'écho de ses opinions intellectuelles enrichies par la musique de la passion et de la jeunesse; transmettre à autrui son tempérament comme un fluide subtil ou un parfum étrange: il y a là un vrai bonheur, peut être le bonheur le plus satisfaisant qui nous reste à une époque aussi bornée et vulgaire que la nôtre, une époque grossièrement charnelle dans ses plaisirs et grossièrement commune dans ses objectifs...