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Alors que je tentais de m’habiller sans trop souffrir, les yeux d’Irène avaient pris cette couleur violette qui, habituellement, présageait le pire. Selon les situations, elle me tournait le dos, m’injuriait, me repoussait, me virait. Cette fois-ci, je savais qu’elle se contenterait de me fusiller du regard puisqu’un autre avait déjà fait le travail. Si je n’avais pas pu aller aux obsèques du frère de
Khoupi par la faute d’un corps en service minimum, il était impensable que je ne rendisse pas visite à
mon ancien partenaire, Maurice Choukroun, le jour anniversaire de sa mort. J’avais toujours des comptes
à lui rendre et des conseils à recevoir.
Afficher en entierCette ville, dès les premiers instants, m’était apparue hostile et inhospitalière. Le contexte de mon arrivée, le rapatriement d’un million d’âmes en métropole, avait imprégné durablement mes rétines.
Arriver isolément dans une terre inconnue permettait de se fondre dans le paysage ; débarquer en masse, au contraire, avait induit, chez les Marseillais, la crainte d’une invasion, chez les pieds-noirs, la menace d’une répulsion.
D’autant que tout, dans cette cité, avait un effet miroir désastreux : la même mer, sans la baie ; la même Notre-Dame, sans l’Afrique ; l’équivalent de notre Bassetta1, nommé le Panier, aussi populaire, mais plus malfamé ; une casbah, porte d’Aix, sans la beauté ; le même bleu du ciel, un autre vent, plus violent ; la même langue, un autre accent. La liste en défaveur de la cité phocéenne n’en finissait plus. Parfois je me demandais si je n’avais pas été plus heureux dans l’Alger en guerre que dans la Marseille en paix. Je n’aimais pas cette ville et elle me le rendait bien…
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