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Extrait ajouté par Underworld 2019-09-25T01:30:02+02:00

** Extrait offert par Maggie Cox **

2.

Après sa rencontre avec Elizabeth, Nicolaï avait, pour la première fois depuis des années, assisté à une réunion d’affaires sans avoir été capable d’y prêter toute son attention. Des pensées inspirées par la tante et ancienne nounou d’Irina avaient parasité son esprit d’habitude parfaitement organisé.

En entrant dans l’ascenseur de l’hôtel – il avait réservé une suite dans le même qu’Elizabeth dès qu’il avait su où elle logeait –, il repensait au tête-à-tête qu’ils avaient eu un peu plus tôt. Longtemps, l’idée de ne jamais retrouver Elizabeth Barnes l’avait rongé, et il avait commencé à croire qu’il ne lui resterait d’elle à jamais que des souvenirs perturbants. Puis un jour, par hasard, il l’avait aperçue à la télévision lors d’une interview et il avait découvert qu’elle était devenue le Dr Ellie Lyons.

La surprise l’avait d’abord laissé sans réaction, avant qu’une fureur noire ne l’envahisse. Mais, sous sa rage, il avait perçu des sentiments confus qu’il n’avait pas réussi à analyser. Comme s’il s’était soudain trouvé sous l’emprise de quelque chose d’impossible à nommer, qui existait en lui depuis sa rencontre avec Elizabeth, et dont il n’avait pas pris conscience du temps où ils se côtoyaient dans la maison de Park Lane.

Une vague d’images venues du passé le submergea. La dernière fois que Nicolaï l’avait vue, elle était extrêmement mince, presque maigre. Ces cinq années avaient développé ses jeunes formes anguleuses en courbes voluptueuses. Son visage, dont la grâce attirait déjà les regards autrefois, était devenu d’une beauté saisissante – yeux lumineux, bouche charnue, et ces somptueux cheveux blonds comme les blés retenus en queue-de-cheval. Dans le monde de la télévision, on devait la considérer comme un don du ciel : non seulement elle était une psychologue reconnue, à une époque où chacun semblait fasciné par les problèmes relationnels des autres, mais elle avait, en outre, l’air d’un ange. Le changement qui s’était opéré en elle était à la fois subtil et saisissant, en tous les cas extrêmement intéressant…

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Extrait ajouté par Underworld 2019-09-25T01:29:38+02:00

** Extrait offert par Maggie Cox **

1.

– Elizabeth, vous m’entendez ?

La voix semblait venir de loin – comme dans un rêve. A demi réveillée, elle ne cherchait pas à se concentrer sur ce qu’on lui disait, au contraire. Cela lui paraissait demander un effort surhumain, noyée qu’elle était dans une brume cotonneuse, beaucoup plus effrayante qu’agréable. Elle n’avait qu’une envie : sombrer de nouveau dans le confort d’une totale inconscience et échapper aux questions qu’on lui posait.

– Vous rappelez-vous ce qui s’est passé, Elizabeth ?

Quelque chose de grave avait dû arriver… Pourquoi cet homme l’obligeait-il à essayer de se rappeler ce que c’était ? Elle battit des paupières et entrouvrit brièvement les yeux pour le voir. Son visage dur, ses traits virils et affirmés lui laissèrent une impression désagréable. Elle referma les yeux. C’était comme s’il lui faisait comprendre qu’elle avait commis une faute… une faute vraiment grave. Si seulement elle pouvait se souvenir de quoi il s’agissait !

Quoique… peut-être valait-il mieux que la mémoire ne lui revienne pas. Grâce au ciel, la masse ouateuse autour d’elle s’épaississait progressivement. Elle n’avait plus à s’efforcer de ramener à la surface des réminiscences susceptibles de lui faire mal. Elle se trouvait dans un hôpital. De cela, au moins, elle avait la certitude. C’était déjà bien assez traumatisant.

Mais pourquoi l’homme à la mine sombre, assez intimidant dans son costume noir – peut-être était-il en deuil… –, se tenait-il près de son lit presque chaque fois qu’elle ouvrait les paupières ? Il n’était pas médecin ; alors, qu’attendait-il ?

Et elle, quelle catastrophe avait-elle provoquée ? Toujours ce sentiment persistant d’être responsable d’un événement dramatique…

Délibérément, elle chassa ces pensées trop perturbantes et focalisa son attention sur la pièce aux murs grisâtres, imprégnée des odeurs caractéristiques de l’hôpital. Tout à coup, elle perçut une lourdeur dans la partie inférieure de son corps. Elle baissa le regard et, pour la première fois, prit conscience qu’elle avait les deux jambes dans le plâtre. Elizabeth émit un petit cri de détresse avant de tourner sa joue contre l’oreiller et de refermer les yeux.

– C’est le moment de vous rendre en salle de maquillage, docteur Lyons. Suivez Susie. Elle s’occupera de vous.

Participer à ce programme télévisé ne réjouissait pas vraiment Ellie. Quelques mois plus tôt, elle avait aidé le fils d’un homme politique renommé à se sortir de l’enfer de la drogue. Du coup, un producteur lui avait proposé de collaborer, huit jours durant, à un programme traitant des problèmes d’adolescents en situation de détresse, qui avaient tous la particularité d’être fils et filles de célébrités.

Elle ne recherchait pas la notoriété, et se serait volontiers passée du surnom réducteur de « psy des démunis », ainsi d’ailleurs que de l’adjectif « jeune » qu’on y accolait systématiquement quand on la présentait à l’antenne. Cela lui donnait l’impression d’avoir quinze ans. Elle n’était plus une débutante inexpérimentée, songea-t–elle tandis que la maquilleuse lui poudrait les joues. La vie ne lui avait-elle pas appris qu’avec l’âge certaines choses se bonifiaient ? Le chemin parcouru jusqu’à ce jour avait été pour elle parsemé de quelques gros obstacles…

Pourtant, elle avait réussi à les franchir et, depuis un an, à développer son petit cabinet de conseil en psychologie dans la banlieue est de Londres. L’argent que lui rapporteraient ces émissions télévisées lui permettrait d’investir une somme non négligeable dans le foyer pour jeunes sans-abri de l’East End qu’elle avait mis sur pied. Ayant elle-même souffert de l’abandon, de la solitude, elle se sentait plus que quiconque habilitée à apporter son soutien à ces enfants livrés à la rue.

L’arrivée dans la loge de maquillage de la présentatrice vedette de la chaîne tira Ellie de ses pensées. Il était temps de s’installer sur le plateau, devant les caméras.

***

Après avoir quitté les studios d’enregistrement, Ellie retourna directement à son hôtel, un petit bijou de confort et d’élégance situé au cœur de Chelsea, non loin de Kings Road où la production l’avait installée pour la durée du tournage. Elle fut accueillie par la jeune réceptionniste habituelle, roide dans son uniforme impeccablement repassé.

– Quelqu’un qui veut vous voir, docteur Lyons. Il vous attend dans l’une des salles de conférences.

Ainsi, vous pourrez vous parler en privé. Salle numéro un.

Ellie fronça les sourcils.

– Est-ce qu’il a donné son nom ? demanda-t–elle.

– M. Nicolaï Golitsyn.

Les jambes d’Ellie fléchirent. Elle eut l’impression de se vider de toute son énergie.

– Vous êtes sûre ?

Nicolaï Golitsyn… Ce nom hantait ses rêves. Il appartenait à l’homme qui avait apporté plus de tumulte dans sa vie que ne l’avait fait son incontrôlable père. Bien qu’elle redoutât de le revoir, sous sa peur se cachait une nostalgie que les années n’avaient pas réussi à émousser.

– Parfaitement sûre, docteur Lyons.

La réceptionniste semblait froissée que l’on puisse douter de la fiabilité de sa mémoire.

Ellie se mordilla nerveusement les lèvres. Comment avait-il réussi à la retrouver après tout ce temps ?

Cinq ans auparavant, lorsqu’elle avait eu son accident, son père l’avait aidée à quitter Londres pour l’Ecosse, en prenant bien soin de brouiller les pistes derrière elle, allant jusqu’à lui conseiller de prendre le nom de jeune fille de sa mère et raccourcir Elizabeth en « Ellie ». Et Elizabeth Barnes était devenue Ellie Lyons.

– Ne te fais pas de souci, ma fille : ton vieux père sait ce qu’il faut faire. Je vais t’emmener loin d’ici dès que je le pourrai. Tommy Barnes connaît un ou deux trucs pour se fondre dans la nature et disparaître. Je n’ai pas passé les vingt dernières années à faire ce que je fais sans apprendre quelques tours de passe-passe !

Elle entendait encore sa voix alors qu’allongée sur son lit d’hôpital, elle se sentait fragile et démunie comme une enfant sans défense. Depuis, elle avait toujours considéré son départ pour l’Ecosse comme l’un des événements les plus bénéfiques de sa vie. Ce changement ne lui avait-il pas donné le coup de fouet nécessaire pour persévérer dans ses études de psychologie et pouvoir exercer le métier de ses rêves ?

Ce devait être sa petite notoriété nouvellement acquise, à son corps défendant, qui avait attiré sur elle l’attention de son ancien employeur…

Instinctivement, Ellie porta les doigts à ses cheveux blonds retenus en queue-de-cheval. Elle tremblait. L’espace d’une seconde, une bouffée de panique la submergea, lui donnant conscience de sa vulnérabilité.

– Merci, murmura-t–elle.

– Je vous en prie, répondit la jeune réceptionniste.

Aucune trace d’amour-propre blessé ne subsistait sur son visage éclairé désormais par un sourire rayonnant. Le sourire de quelqu’un qui avait connu la chaleur, la douceur d’un foyer, l’amour de parents attentionnés, l’affection d’amis, tous ces remparts protecteurs contre les coups durs de l’existence. Quelqu’un qui ne s’était pas encore cogné aux angles tranchants de la vie.

Machinalement, Ellie remit en place quelques mèches échappées de sa barrette, défroissa du plat de la main le pantalon de son élégant ensemble noir puis, essayant d’arborer un air détaché, elle se dirigea vers la salle de conférences qu’on lui avait indiquée.

Le « bonjour » banal qu’elle lança en entrant résonna d’une manière incongrue à ses propres oreilles.

Le visiteur assis à la longue table de réunion se leva lentement. Ellie tressaillit. Il émanait toujours de lui une énergie formidable, un magnétisme rare. Grand, mince et athlétique, on devinait aisément ses muscles puissants sous les vêtements d’une coupe impeccable.

Cet homme représentait une menace pour la paix de son esprit. Une paix gagnée au prix d’une longue bataille. En voyant ses cheveux clairs coupés très court, à la façon militaire, ses traits toujours aussi bien dessinés, Ellie fut d’abord portée à penser que les années écoulées s’étaient montrées clémentes à l’égard de Nicolaï Golitsyn ; mais l’amertume qui étirait la commissure de ses lèvres et la tension de la peau sur ses pommettes racontaient une histoire différente.

– Elizabeth.

Les yeux bleus se plissèrent. Ellie eut l’impression qu’un rayon laser la traversait et un frisson lui parcourut l’échine.

– Je préfère que l’on m’appelle Ellie maintenant.

Sa voix trahissait sa frayeur. Elle se détesta de ne pouvoir montrer plus de sang-froid.

– Je n’en doute pas.

Les lèvres du Russe esquissèrent un sourire cynique.

– Je suis même sûr que vous auriez préféré rester anonyme pour moi le reste de votre vie. Mais vous auriez dû savoir que ce ne serait pas possible. Et vous m’avez considérablement aidé en apparaissant dans les médias. J’avoue que j’ai été surpris de votre audace. Avez-vous pensé que j’avais renoncé à vous rechercher ? Si tel était le cas, alors vous seule êtes à blâmer pour votre arrogance.

Le visage magnétique de Nicolaï prit une expression si dure que l’estomac d’Ellie se noua. En arrivant à l’hôtel, elle avait espéré savourer un bon bain chaud dans sa suite ; au lieu de cela, elle avait droit à une douche froide ! Pour la première fois depuis cinq ans, elle se retrouvait en tête à tête avec Nicolaï Golitsyn, l’homme à cause duquel elle avait été obligée de fuir la ville où elle avait grandi.

L’homme qui l’avait accusée d’être responsable de la mort de son frère.

Elle avait la gorge sèche. Un verre d’eau fraîche lui aurait fait le plus grand bien…

– Je n’ai plus aucune raison de me cacher ou de m’enfuir, déclara-t–elle. Si je me suis sauvée comme je l’ai fait, c’était uniquement pour suivre les conseils de mon père. Il s’inquiétait pour moi et a voulu m’emmener dans un endroit où je pourrais me remettre tranquillement de mes blessures.

– Je ne crois pas un seul instant que ce soit l’unique raison pour laquelle vous avez disparu. Sinon, pourquoi ce changement d’identité, docteur Lyons ?

Après avoir prononcé son nouveau nom avec ce dédain ironique, Nicolaï se dirigea vers elle. Le sang d’Ellie se glaça. Pourtant, rassemblant son courage, elle s’obligea à ne pas montrer sa frayeur. Autrefois déjà, bien qu’ayant les cheveux plus longs et les traits moins durs, il l’impressionnait profondément. Il émanait de lui quelque chose d’agressif, d’énigmatique, de puissant, qui la tétanisait chaque fois qu’elle se trouvait en sa compagnie. Pour ne rien arranger, Sasha avait un jour qualifié son frère d’impitoyable, un homme dont on ne provoquait pas impunément la colère, avait-il ajouté, et dont le pardon n’était pas le fort.

Sasha… Se souvenir de lui, là, face à son frère, faisait affluer les images dans l’esprit d’Ellie. Il avait toujours été jaloux de son aîné, dont il enviait le charisme. Lui-même ne manquait pas de charme – d’ailleurs, il était très entouré – mais l’assurance de Nicolaï, son éthique à toute épreuve lui valaient un respect, l’admiration dont son jeune frère aurait eu bien besoin… Elle se rappelait comment les disputes entre les deux frères avaient fait trembler les murs de la maison de Park Lane, où habitaient Sasha et sa femme Jackie.

Ellie réprima un sanglot venu des profondeurs du passé. Jackie, sa sœur, morte en mettant au monde une petite fille, dont elle avait alors proposé à Sasha de s’occuper.

– Pourquoi êtes-vous venu me voir, Nicolaï ? demanda-t–elle, s’arrachant à ses douloureux souvenirs.

– Vous avez l’audace de me poser la question ?

Outre le russe, il parlait plusieurs langues et son anglais était presque parfait. Mais son léger accent le trahissait.

– Ce qui est arrivé à Sasha était la chose la… la plus t… terrible, bégaya-t–elle.

Elle s’interrompit quelques secondes pour reprendre ses esprits :

– Je suis disposée à vous parler, naturellement, reprit-elle. Tout à fait disposée. Mais il n’y a rien de nouveau que je puisse vous dire au sujet de ce drame, je le crains.

– Vraiment ?

– Je sais que ces années écoulées depuis la mort de votre frère ont dû être dures pour vous, mais j’ai toujours espéré que lorsque nous nous reverrions, vous auriez fini par prendre conscience que l’accident n’était pas de ma faute, et que nous pourrions laisser de côté toute animosité.

– C’était ce que vous espériez ? Eh bien, autant vous avertir tout de suite : un espoir si futile constitue un leurre et une perte de temps complète. Vous auriez dû me parler après l’enquête, ou au moins vous assurer par vous-même que votre nièce allait bien. Et qu’avez-vous fait ? Vous avez préféré vous enfuir avec votre bandit de père. Depuis, vous vous êtes construit une vie agréable, le succès vous a souri. Alors, naturellement, vous avez envie que cela continue. Mais à présent, il faut que vous commenciez à vous rendre compte qu’il pourrait y avoir une fin à votre petit confort. Sachez aussi que je ne vous laisserai pas en paix avant d’avoir obtenu la réponse qui m’obsède jour et nuit depuis l’accident…

Cette question, Ellie s’en souvenait. Nicolaï la lui avait lancée au visage, à la sortie du tribunal. Il la lui répéta, presque mot pour mot :

– Pourquoi avez-vous accepté de conduire Sasha ce jour-là dans ma voiture alors que vous veniez juste de passer votre permis, et que je lui avais dit de ne pas bouger jusqu’à mon retour ?

A l’époque, son père, en l’entourant de son bras, avait pris sa défense :

– Laissez-la tranquille ! avait-il crié. Ne pensez-vous pas qu’elle en a enduré assez comme cela ?

De nouveau la gorge d’Ellie s’assécha.

– Je ne peux toujours pas vous donner d’explication. Vous n’avez sans doute pas oublié que ma tête a été touchée dans l’accident, et que je n’ai aucun souvenir de ce qui s’est passé. Cinq ans après, la mémoire ne m’est pas revenue. C’est comme si j’avais perdu une pièce d’un puzzle et que je n’arrivais pas à la retrouver, malgré tous les efforts que je fais. Les médecins m’ont dit à l’hôpital que cela pourrait resurgir d’un seul coup ou pas du tout. Je suis désolée si vous avez du mal à l’accepter mais c’est la vérité.

– Comme c’est pratique pour vous !

La réaction caustique de Nicolaï décupla l’angoisse d’Ellie. Elle noua les mains étroitement devant elle. Croyait-il qu’il lui était facile, lorsqu’elle essayait de se rappeler les faits de cette journée, de se retrouver en face d’un trou noir ? Certains considéreraient cette amnésie comme une bénédiction. Pas elle. Au contraire. Elle ne connaissait que doute, peur et culpabilité depuis le tragique événement, parce qu’elle ne savait pas pourquoi, conductrice inexpérimentée, elle était montée dans une voiture avec Sasha.

Bien que charmant, celui-ci avait toujours été léger, imprévisible. La mort de Jackie l’avait rendu encore plus inconscient. Il n’avait fait aucun effort pour créer des liens avec sa petite fille. Si Nicolaï ne lui avait pas donné un foyer, Irina aurait été privée de tout l’amour et de toute l’affection dont un bébé avait besoin. Mais c’était surtout l’état de dépendance de Sasha qui l’avait perturbée à l’époque.

– Comment pouvez-vous affirmer que c’est pratique ! Croyez-vous que ce qui est arrivé n’a pas laissé de traces en moi ? Et je ne parle pas seulement des cicatrices physiques.

– Evidemment. Vous en connaissez un rayon sur les séquelles psychologiques laissées par un tel traumatisme, docteur Lyons, n’est-ce pas ? Surtout celles associées à une culpabilité extrême.

Ellie s’écarta de Nicolaï, dont la colère péniblement maîtrisée lui faisait peur.

– Oui, je me sens coupable, je ne le nie pas. Mais uniquement parce que j’ai fui en Ecosse en abandonnant Irina, et non parce que je me sais responsable de l’accident. Comment pourrais-je admettre une chose aussi terrible quand je ne me souviens de rien ?

– Mon frère n’avait que vingt-huit ans, Elizabeth… Il était trop jeune pour mourir d’une manière aussi insensée. Ne pas savoir pourquoi il a quitté ce monde m’empêche de faire mon deuil. Que dirai-je à Irina quand elle sera grande ? Avez-vous une seule fois pensé à cela ?

Etourdie tout à coup, Ellie ne trouva pas les mots pour lui répondre.

– Et sa disparition n’est pas le pire dans ce drame. Ce que je ne peux pardonner, c’est qu’en décidant de prendre le volant, vous avez aussi emmené Irina avec vous. Un bébé ! Où aviez-vous la tête ?

Sa nièce, attachée sur son siège à l’arrière, était sortie indemne du terrible accident qui avait coûté la vie à son père. Grâce à Dieu, la collision n’avait broyé que l’avant du véhicule. Si Irina avait péri, Ellie n’y aurait pas survécu…

– Que puis-je répondre à cela ? finit-elle par dire. N’avez-vous rien entendu de ce que j’ai dit ? J’ai pris mes responsabilités très au sérieux quand on m’a confié la garde d’Irina après la mort de ma sœur. Et tout ce que je sais, c’est que jamais je n’aurais fait quelque chose qui puisse mettre sa vie en péril.

– Mais vous avez mis sa vie en péril, Elizabeth ! Elle aurait pu être tuée avec son père.

Ellie eut l’impression que la dernière goutte de sang se retirait de son corps.

– Je n’aurais jamais permis que quelque chose ou quelqu’un fasse du mal au bébé… Je l’adorais. Je… je…

– Quoi ?

– Je l’aimais… Je l’aime toujours.

A l’évidence, Nicolaï n’était pas d’humeur à écouter ses justifications. Cependant, Ellie avait suffisamment de compassion et d’expérience professionnelle pour se souvenir qu’il avait de la peine aussi. Il avait perdu son seul frère et avait reçu un choc terrible en apprenant la présence de sa petite nièce dans la voiture accidentée. Il fallait qu’elle lui pardonne sa colère et son ressentiment envers elle. Mais, de son côté, il devait accepter le fait que cinq années s’étaient écoulées depuis le drame. Qu’attendait-il d’elle ? Qu’elle sacrifie son propre avenir parce qu’elle avait le tort d’être vivante alors que Sasha était mort ? Sans doute sa réussite sociale et la notoriété dont elle jouissait étaient-elles insupportables à ses yeux… De son côté, elle les tolérait seulement dans la mesure où elles l’aidaient dans son œuvre caritative. Elle les aurait volontiers jetées aux orties si ce geste avait pu ramener Sasha en ce monde.

– Je comprends que vous éprouviez le besoin de savoir ce qui s’est passé. Vraiment.

Elle mit autant de compassion qu’elle le pût dans ses paroles, avec l’espoir insensé de toucher une corde sensible chez cet homme au regard glacial, réservé, maître de lui, et souvent hautain. Nicolaï Golitsyn avait toujours représenté une énigme pour elle.

Lorsqu’elle avait commencé à travailler pour lui, Ellie s’était souvent demandé ce que cachait la muraille derrière laquelle il semblait si fréquemment s’abriter. Occasionnellement, elle avait surpris quelques éclairs de chaleur dans ses yeux – particulièrement quand il se trouvait en présence de sa petite nièce – et cela avait encore aiguisé l’intérêt qu’il suscitait en elle.

– Ne pensez-vous pas que j’aimerais le savoir aussi ? reprit-elle. J’ai l’impression d’être une sculpture à laquelle on a enlevé trop de matière. Je me sens creuse, mal équilibrée à l’intérieur. Et je sais… je sais que je ne serai plus jamais la même.

Nicolaï glissa la main dans la poche de son pantalon. Il soupira, sans cependant laisser apparaître la moindre trace de sympathie.

– Que la mémoire vous revienne ou non, vous et moi avons un compte à régler ; et n’espérez pas y échapper.

Sa mâchoire se crispa.

– Vous ne tarderez pas à apprendre que de vous enfuir comme vous l’avez fait entraîne des conséquences, Elizabeth.

– Des conséquences ?

– Je dois partir, maintenant. Mais j’ai réservé une table au restaurant de l’hôtel. Je vous y attendrai pour dîner. Dans deux heures. Et inutile de songer à refuser mon invitation.

A ce moment-là, on frappa à la porte de la salle.

– Oui ? lança Nicolaï d’un ton impatient.

Un homme à la carrure imposante, les cheveux coupés ras, vêtu d’un costume impeccable, passa la tête par l’entrebâillement de la porte. Se souvenant qu’il arrivait à Nicolaï d’engager des gardes du corps, Ellie frissonna. L’homme prononça quelques mots en russe, puis disparut après que son employeur lui eut répondu tout aussi brièvement.

– J’ai une réunion et je suis déjà en retard, fit remarquer Nicolaï, comme si Ellie avait porté l’entière responsabilité de ce contretemps.

D’un geste nerveux, elle joua avec un bouton de sa veste.

– Vous semblez chercher à vous venger d’une manière ou d’une autre, se risqua-t–elle à avancer. Est-ce que je me trompe ?

Il sourit en haussant négligemment ses larges épaules.

– Appelez cela comme vous voulez, docteur Lyons… Mais quelle que soit la signification psychanalytique ou autre que vous donnerez à mes intentions, sachez seulement que vous paierez pour vos actes.

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Extrait ajouté par SuBla65 2018-07-18T14:13:42+02:00

Après avoir quitté les studios d’enregistrement, Ellie retourna directement à son hôtel, un petit bijou de confort et d’élégance situé au cœur de Chelsea, non loin de Kings Road où la production l’avait installée pour la durée du tournage. Elle fut accueillie par la jeune réceptionniste habituelle, raide dans son uniforme impeccablement repassé.

– Quelqu’un qui veut vous voir, docteur Lyons. Il vous attend dans l’une des salles de conférences. Ainsi, vous pourrez vous parler en privé. Salle numéro un.

Ellie fronça les sourcils.

– Est-ce qu’il a donné son nom ? demanda-t–elle.

– M. Nicolaï Golitsyn.

Les jambes d’Ellie fléchirent. Elle eut l’impression de se vider de toute son énergie.

– Vous êtes sûre ?

Nicolaï Golitsyn… Ce nom hantait ses rêves. Il appartenait à l’homme qui avait apporté plus de tumulte dans sa vie que ne l’avait fait son incontrôlable père. Bien qu’elle redoutât de le revoir, sous sa peur se cachait une nostalgie que les années n’avaient pas réussi à émousser.

– Parfaitement sûre, docteur Lyons.

La réceptionniste semblait froissée que l’on puisse douter de la fiabilité de sa mémoire.

Ellie se mordilla nerveusement les lèvres. Comment avait-il réussi à la retrouver après tout ce temps ?

Cinq ans auparavant, lorsqu’elle avait eu son accident, son père l’avait aidée à quitter Londres pour l’Ecosse, en prenant bien soin de brouiller les pistes derrière elle, allant jusqu’à lui conseiller de prendre le nom de jeune fille de sa mère et raccourcir Elizabeth en « Ellie ». Et Elizabeth Barnes était devenue Ellie Lyons.

– Ne te fais pas de souci, ma fille : ton vieux père sait ce qu’il faut faire. Je vais t’emmener loin d’ici dès que je le pourrai. Tommy Barnes connaît un ou deux trucs pour se fondre dans la nature et disparaître. Je n’ai pas passé les vingt dernières années à faire ce que je fais sans apprendre quelques tours de passe-passe !

Elle entendait encore sa voix alors qu’allongée sur son lit d’hôpital, elle se sentait fragile et démunie comme une enfant sans défense. Depuis, elle avait toujours considéré son départ pour l’Ecosse comme l’un des événements les plus bénéfiques de sa vie. Ce changement ne lui avait-il pas donné le coup de fouet nécessaire pour persévérer dans ses études de psychologie et pouvoir exercer le métier de ses rêves ?

Ce devait être sa petite notoriété nouvellement acquise, à son corps défendant, qui avait attiré sur elle l’attention de son ancien employeur…

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Extrait ajouté par marine811 2015-04-27T10:42:24+02:00

La voix semblait venir de loin comme dans un rêve. A demi réveillé, elle ne cherchait pas ? se concentrer sur ce qu’on lui disait, au contraire. Cela lui paraissait demander un effort surhumain, noyée qu’elle était dans une brume cotonneuse, beaucoup plus effrayante qu’agréable. Elle n’avait qu’une envie?: sombrer de nouveau dans le confort d’une totale inconscience et échapper aux questions qu’on lui posait.

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