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Encore un point à éclaircir plus tard. Pour le moment, ma priorité c’est Alex : il faut que je l’emmène ailleurs. Elle fixe cette porte comme si son père allait l’ouvrir et ce n’est pas bon.
— Tu me montres ta chambre de petite fille, ma puce ?
Aussitôt, elle m’entraîne vers le fond du salon où je découvre, dans la pénombre, un escalier. J’allume la torche de mon téléphone et nous grimpons. Parvenues à l’étage, nous faisons face à un immense couloir : au moins six portes le longent. Nous passons la première. Je suis prête à parier ma moto que nous venons de passer devant la chambre de ses parents. Je vois un rai de lumière, je m’arrête une seconde pour ouvrir le volet et la fenêtre avant de parvenir à la seconde porte : je respire. J’éteins la loupiote de mon téléphone. Être prévoyante, toujours. J’ignore comment la journée va se dérouler et ne plus avoir de batteries n’est franchement pas une bonne idée. Alex me tire pour avancer. Elle semble impatiente. Devant moi, se découvre une chambre toute rose avec un lit à baldaquin encore fait et une coiffeuse. Un amoncellement de peluches dans un coin paraît attendre le retour de sa propriétaire. Idem pour les cahiers et stylos abandonnés ouverts, sur un gros bureau en chêne. Près d’un cartable rose, un projet de science attend lui aussi. Ce n’est pas en désordre mais plutôt comme si la petite fille qui vivait ici était partie précipitamment.
Mon nez me chatouille : la poussière va me faire éternuer. Il faut que j’aère un peu. Deux grandes baies vitrées face à moi. J’ouvre de nouveau volets et fenêtres pour découvrir un petit balcon qui dévoile une vue magnifique sur la mer. Si je ne présumais pas d’un dénouement tragique, j’envierais la petite fille qu’était Alex. Je retourne dans la chambre où je l’aperçois tenant un cadre serré contre son cœur. Elle me le tend.
— C’est Jessie et moi. Maman nous avait surprises, endormies dans le hamac.
Une petite fille dont le visage est caché par une masse rousse tient dans ses bras un gros chien blond paisiblement assoupi.
À voir Alex aussi triste, je regrette de l’avoir emmenée ici. Tout ceci pour rien, a priori, puisqu’aucun souvenir ne semble lui revenir. Elle aussi paraît dépitée.
Afficher en entierDésormais, j’en étais certaine, j’avais trouvé une perle rare pour me seconder, quadrilingue, calme, dynamique et serviable. Seul petit bémol, ce licenciement.
— Pourquoi avez-vous été renvoyée ?
— Compression de personnel : du balai, la petite dernière rentrée dans les rangs. Mais c’est pas grave, j’aimais pas trop rabâcher vingt fois par jour le même discours. J’étais guide de musée.
— Vous cherchez toujours du travail ?
— Oui. J’ai un truc en vue mais bof. Faut bien payer le loyer !
— Je vous engage. Enfin, si ça vous intéresse ? On devrait pouvoir se compléter. Tout à l’heure, j’ai raté un gros contrat parce que je ne comprenais pas le client. Je travaille avec les Allemands, les Anglais et les Français mais je voudrais développer mon business avec les Chinois et pourquoi pas les hispanophones. Vous me servirez d’interprète au début et puis je vous apprendrai les ficelles du métier.
J’avais ensuite expliqué brièvement à Vanessa en quoi consistait ma profession en espérant très fort qu’elle accepte ma proposition. Je me sentais particulièrement à l’aise en sa compagnie et je pensais qu’ensemble nous pourrions réaliser de grandes choses. Elle m’a écouté attentivement. Nous avons discuté de conditions de travail, de salaire : le projet avait l’air de lui convenir. Nous allions conclure quand elle a repris la parole pour clarifier un point qui m’a semblé déplacé sur le moment mais qui paraissait important pour elle.
— Avant de dire oui, pour que les choses soient claires, je tiens à ce que vous sachiez que je suis homosexuelle.
— Eh bien, pour que les choses soient claires, je suis hétérosexuelle.
Nous avons papoté jusqu’au dîner et bien après. Nous avons signé le contrat deux jours plus tard. Je venais d’embaucher ma première salariée et, surtout, je venais de rencontrer la personne en qui j’ai le plus confiance, celle qui est toujours là dans mes galères, qui me remonte le moral quand un client me lâche, qui vient me chercher en pleine nuit à l’aéroport quand les taxis font grève ou quand j’oublie de faire le plein de ma voiture. Elle n’est pas ma meilleure amie, je n’en ai pas, mais celle qui s’en rapproche le plus.
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