Pour que tu comprennes...

Leurs discussions ne s’arrêtaient donc pas à notre histoire. Mathilde était l’éponge de ma Chiara. Elle a dû absorber toutes ses peines et son désespoir. Est-ce elle qui l’a aidé à tenir si longtemps?

- Je ne savais pas que cette femme possédait un cœur! Tu m’en vois ravie.

- Je ne vous savais pas si amère Mathilde. Vous m’en trouvez un peu…déconcerté.

- Tu me vois ravie de ça aussi ! J’ai pesté longtemps dans mon coin sans pouvoir déverser ma colère sur les responsables de la déchéance de Chiara. Pour une fois que j’en tiens un, je ne vais pas me gêner! Cette jeune femme a tout bonnement vécue un calvaire, une histoire que je ne souhaite à personne. Combien de fois ai-je dû la pousser vers l’avant pour lui éviter de plonger dans un gouffre? Combien de fois ai-je du la dissuader de faire une grosse bêtise? Sais-tu à quel point j’ai partagé sa souffrance, ses cris étouffés d’un appel au secours?

- Quel genre de bêtise?

- Non mais, as-tu écouté un traître mot de ce que je viens de te dire!

- J’ai tout bien entendu, mais ma question est importante!

- Ce que je suis en train de te dire aussi ! J’ai voulu sonner à ta porte plus d’une fois pour te remonter les bretelles, et Dieu sait que…

- Mathilde!…je vous en prie.

-…très bien, que ferait une femme désespérée au bord d’une falaise? Que ferait une femme abandonnée par la vie au volant d’une voiture? Que ferait…

- C’est bon!…j’ai compris…

- Seigneur! Les miracles existent! C’est dur d’entendre que ta femme voulait mourir, n’est-ce pas? Et que penses-tu du fait que se soit en partie ta faute?

- Savez-vous où elle se trouve?

- Non, et quand bien même je le saurais, je ne te le dirais pas!

- Mathilde c’est important, ce n’est pas un jeu.

- Un jeu? Un jeu! Crois-tu que je veuille jouer! Allez, jouons à « qui veut ramasser Chiara à la petite cuillère ». La réponse est « moi ! ». Où étais-tu toi quand elle pleurait à s’en dessécher le corps, quand elle mangeait à ne plus pouvoir s’arrêter, ou encore dans les périodes où elle ne s’alimentait plus? Où donc étais-tu? Tu l’as laissé toucher le fond, puis tu l’as écrasée chaque jour un peu plus, jusqu’à en faire un tas de miettes détrempé de larmes. Sais-tu ce que c’est de perdre l’être aimé sans pouvoir rien y changer? Les jours passent et l’on se meurt à petit feu, à chaque instant un cri dans ta tête retenti « délivrez-moi ou réveillez-moi, je veux que la vie s’arrête, aidez-moi à mourir puisque je n’ai plus rien »…je ne sais pas où elle se trouve ! J’espère seulement qu’elle est plus heureuse loin de tout ça !

- Ce que j’espère moi, c’est qu’elle puisse encore penser à être heureuse.

- Chercherais-tu à réparer tes erreurs?

- Je cherche déjà à la maintenir en vie, Mathilde. La suite nous appartiendra.