Pour une nuit entre tes bras

** Extrait offert par Carol Marinelli **

Prologue

— Tu viendras me rejoindre tout à l’heure à l’aéroport ? insista Matteo. Tu pars à Londres avec moi ?

Bella regarda l’homme à qui elle avait donné son cœur le premier jour où elle avait travaillé au Brezza Oceana. Elle se revit, encore mal à l’aise dans son uniforme de femme de chambre, longeant un couloir avec Sophie, sa meilleure amie embauchée en même temps qu’elle. Soudain, quelques-uns des hommes de Malvolio, dont Matteo et son demi-frère Dino, avaient surgi devant elles.

Aussitôt, elles s’étaient effacées pour les laisser passer, tandis que Bella serrait les mâchoires : les remarques salaces allaient pleuvoir sur elle, comme d’habitude…

Promise depuis sa prime enfance à Luka, le fils de Malvolio, Sophie n’avait rien à craindre de son côté, même en l’absence de Luka qui vivait actuellement à Londres.

Bella représentait la cible exclusive, parce que tout le monde savait comment Maria Gatti, sa mère, gagnait sa vie.

— Ça suffit ! avait soudain lancé Matteo d’un ton autoritaire.

Tout d’abord, Bella avait cru qu’il s’adressait à elle, mais il s’était tourné vers ses compagnons. Et, lorsque Dino avait lancé une nouvelle plaisanterie obscène, son demi-frère l’avait plaqué au mur en ordonnant aux deux amies de ficher le camp.

Bella avait depuis longtemps un faible pour Matteo qu’elle avait régulièrement l’occasion de voir, même si lui ne semblait pas la remarquer quand il passait à la maison. Car c’était lui et non Dino que sa mère appelait quand elle avait de l’argent à remettre à Malvolio.

« Au moins, Matteo, lui, se contente de prendre l’argent », disait-elle à sa fille.

C’est ainsi qu’au fil des années Matteo avait conquis le cœur de Bella sans le savoir, et maintenant il le possédait tout entier.

Car cette nuit il lui avait fait l’amour…

Pourtant, la soirée avait commencé de façon horrible. Mais c’était justement cela qui les avait rapprochés.

* * *

Bordo Del Cielo, petite ville côtière de l’ouest de la Sicile, ployait sous le joug de Malvolio. Véritable tyran, celui-ci faisait régner la terreur sur les habitants, les manipulant comme de simples pions.

Non seulement il possédait le Brezza et la plupart des entreprises locales, mais aussi la majeure partie de la ville. En dépit de la beauté du lieu, crime et corruption faisaient loi, et quiconque refusait de se plier à la loi imposée par Malvolio risquait gros.

Cependant, en dépit de cette atmosphère délétère, Bella et Matteo avaient partagé des moments merveilleux. Si merveilleux que Matteo venait de lui demander de quitter Bordo Del Cielo avec lui.

— J’essaierai de te rejoindre, promit Bella.

— C’est ta seule chance, Bella. Mais, si tu restes, personne ne doit savoir que je t’ai demandé de partir avec moi. Si… si Malvolio l’apprenait, s’il devinait ce qui s’est réellement passé, tu aurais de gros ennuis.

— Je ferai tout mon possible pour partir.

Elle le regarda nouer sa cravate. Matteo était toujours très élégant, bien plus que les autres. Il portait des costumes taillés sur mesure et des chaussures cousues main. A présent, elle savait pourquoi il accordait autant de soin à son apparence : au cours de cette nuit magique, il lui avait confié des secrets qui pourraient leur coûter cher à tous les deux.

Il enfila sa veste d’un beau gris foncé, presque noir, sur sa chemise de coton blanc à peine chiffonnée. Au cours de son lent et sensuel déshabillage, il avait suspendu ses vêtements avec soin.

— J’aime ce tissu, dit-elle en passant les doigts sur le revers.

Elle glissa la main sous la veste et apprécia la finesse de la doublure, en soie de première qualité. Non seulement elle était bonne couturière, mais elle avait des talents de styliste qui, hélas, demeuraient inexploités.

Doucement, Bella suivit du bout des doigts les minuscules pinces invisibles, juste en dessous de la ceinture de cuir, laissa descendre sa main…

— Viens te recoucher, murmura-t-elle.

Il se passa la main dans les cheveux.

— Non, je dois m’en aller…

Bientôt son regard serait dissimulé sous ses lunettes noires de créateur. Bella l’avait toujours vu ainsi, mais cette nuit-là elle avait pu admirer ses beaux yeux gris qui se teintaient de reflets vif-argent tandis qu’il lui faisait l’amour.

A présent, elle savait que ses costumes luxueux, sa barbe de deux jours soigneusement entretenue, tout cela était une façade, une image, créée par Matteo pour survivre.

Et maintenant, il lui demandait de partir à Londres avec lui et Luka, son meilleur ami. De recommencer à zéro.

— L’avion décolle à 9 heures, dit-il en s’asseyant sur le lit.

Il prit une mèche de cheveux qu’il lui repoussa derrière l’oreille.

— Accompagne-moi, s’il te plaît.

Matteo la regarda dans les yeux. Ils étaient d’un vert limpide, lumineux mais, si Bella restait à Bordo Del Cielo, ils perdraient tout éclat. Et un jour son regard serait vide.

— Si tu ne pars pas maintenant, poursuivit-il, Malvolio t’obligera à travailler au bar dès ce soir, et cette fois je ne serai pas là pour…

Te sauver. Il ne prononça pas ces mots mais ils restèrent suspendus entre eux.

— Si tu restes, continua Matteo, tu devras y aller tous les soirs et je ne veux pas que tu appartiennes à d’autres. Je suis sincère, Bella : je veux vraiment recommencer à zéro. J’en ai assez de cette vie. Demain, Malvolio compte sur moi pour le venger de tous ceux qui ont témoigné contre lui au cours du procès…

Bella frissonna. Malvolio, Luka et Paulo, le père de Sophie, avaient été condamnés à six mois de détention provisoire, et durant le procès beaucoup d’accusations avaient été portées contre Malvolio. Croyant qu’il y avait assez de charges contre lui pour le faire condamner à perpétuité, les gens avaient tout déballé, ou presque.

Mais, au lieu de cela, le tyran avait été relâché et après la fête de ce soir il ferait de nouveau régner la terreur sur Bordo Del Cielo.

— Je dois m’en aller parce que je ne veux plus lui obéir, insista Matteo. Je ne serai pas un assassin. Ce que je désire, c’est vivre une vie honnête et devenir quelqu’un. Alors comme j’aurai déjà assez de mal à justifier mon passé, je ne veux pas être en plus freiné par le tien.

Ses paroles étaient dures, mais franches. Il offrait à Bella une chance de s’enfuir, sans savoir si elle la saisirait, et tenait à lui faire comprendre que c’était sa seule chance de partager sa vie.

— Prostituée un jour…

— J’ai compris, coupa Bella.

Tout en parlant, il avait sorti son portefeuille qu’il vida complètement. Il posa tous les billets sur le drap — et ce jour-là il y en avait beaucoup —, puis y ajouta les pièces.

— Je te donne cet argent pour t’aider à t’en aller, pas pour cette nuit — je n’ai jamais payé une femme pour coucher avec elle. Si ta mère refuse de partir avec nous, tu n’auras qu’à le lui donner.

Bella n’arrivait pas encore à y croire. Elle avait dix-huit ans, Matteo occupait toutes ses pensées depuis longtemps, et maintenant, assis sur le lit où ils avaient fait l’amour, il lui offrait une nouvelle vie, qu’ils vivraient ensemble.

Etait-ce stupide de croire que ce qu’ils avaient partagé dans cette chambre pourrait survivre en dehors ?

Alors que la pendule accrochée au mur indiquait 6 heures, tout lui sembla soudain miraculeusement simple et, lorsque Matteo la prit dans ses bras, l’avenir lui parut soudain radieux.

— Je m’occuperai de toi, murmura-t-il avant de sceller sa promesse d’un baiser.

La laine de son costume, les effluves de son eau de toilette, mêlés à ceux de son essence virile, enveloppèrent Bella qui se perdit dans sa chaleur.

Matteo serra son corps mince contre lui. S’il en avait eu le temps, il se serait déshabillé et se serait allongé auprès d’elle sur ce lit qui avait accueilli leurs merveilleuses étreintes.

Elle était nue et souple dans ses bras, douce et chaude, et, quand il mit fin à leur baiser, il sourit dans ses cheveux au parfum de lavande.

— Je t’interdis de te rendormir quand je serai parti.

— Je ne me rendormirai pas. Mais ne t’en va pas tout de suite. Tu as bien quelques minutes…

La perspective de le voir partir rendait Bella nerveuse. Une fois loin d’elle, il changerait peut-être d’avis…

— Je dois y aller.

— Que dira Luka ? Il va sûrement essayer de te dissuader de nous emmener, ma mère et moi.

— Je ne lui en parlerai que lorsque vous serez là, Bella. C’est ma décision, et elle n’a rien à voir avec Luka. S’il refuse, ça m’est égal. Il retournera à Londres tout seul et, nous, nous irons à Rome, c’est tout. Je pars d’ici pour ne plus dépendre de personne…

Il recula la tête et plongea son regard dans le sien avant de poursuivre.

— Si ta mère veut rester, si elle te dit qu’elle ne peut pas partir, alors tu lui auras au moins donné le choix. Mais, toi, tu dois t’en aller. Maintenant.

Pour toute réponse, Bella l’embrassa, en y mettant tout son cœur. Et, lorsque Matteo la repoussa doucement sur le lit sans écarter sa bouche de la sienne, elle enfouit les mains dans ses cheveux noirs en laissant échapper un gémissement.

Matteo glissa la main sous le drap, puis entre ses cuisses à la peau satinée.

— Merci pour ce matin, murmura-t-il en interrompant un bref instant son baiser.

Ce matin, elle avait fait des merveilles avec ses lèvres : il sentait son érection revenir rien que d’y repenser…

Tout en dévorant sa bouche, Matteo glissa un doigt dans le sexe gonflé, brûlant, délicieusement moite et doux de Bella. Il adorait la façon dont elle gémissait, dont sa main fine se posait sur la sienne — pas pour l’arrêter, au contraire.

— J’ai encore envie de toi, chuchota-t-elle tandis qu’il soulevait une longue jambe galbée.

— Nous n’avons pas assez de temps…

Matteo avait du mal à contrôler sa respiration. Il avait compté laisser Bella sur sa faim pour qu’elle aille le rejoindre — et aussi parce qu’il voulait garder son parfum de femme sur ses doigts. Mais il n’avait pas prévu de se retrouver lui-même au bord de la jouissance.

Quand elle referma la main sur son érection, il enfonça un doigt de plus en elle, afin qu’elle s’envole seule vers l’extase.

Les yeux fermés, elle referma les cuisses sur sa main tandis qu’il prenait sa bouche. Ivre de son baiser, ivre d’elle, il sentit de longs tremblements la parcourir tout entière, jusqu’à ce qu’elle se resserre autour de lui, encore et encore.

Matteo regarda Bella rouvrir lentement les yeux. Quand un sourire rassasié et follement sexy se dessina sur ses lèvres, il fut saisi d’un doute. Il n’avait confiance en personne. Depuis toujours. Même avec Luka, il gardait ses distances.

— Ne me joue pas de mauvais tour, Bella.

— Tu n’as rien à craindre.

— Alors, on se retrouve tout à l’heure ?

Après une légère hésitation, elle hocha la tête.

— N’oublie pas : tu n’auras pas de seconde chance. Ou tu pars avec moi ce matin, ou tu restes ici pour toujours…

Si elle ne le suivait pas, Matteo l’oublierait, comprit Bella. Malvolio le considérait désormais comme son bras droit, mais elle savait maintenant ce qui se dissimulait sous son attitude froide et distante : une nature chaleureuse et bonne. Ainsi qu’une belle âme.