Extraits

Pour qui se prend-elle ? Que sait-elle de mes désirs, de qui je suis ? Elle se croit donc si irrésistible ? Certes, elle est belle – d’une beauté presque surnaturelle. Certes, lorsque nous avons commencé à discuter, alors qu’elle me faisait rire, j’ai espéré que… Mais ça ne sert à rien de repenser à ça. Je me suis trompé en pensant qu’elle était charmante : elle est tout bonnement insupportable.

– Je suis déçu par votre silence, conclus-je avec un sourire satisfait. Je m’attendais à une nouvelle théorie passionnante à mon sujet. Un peu plus et vous aviez matière à écrire une thèse entière !

Je m’apprête à partir sur cette ultime réplique cinglante quand je constate que le regard de Robe Émeraude se remplit de larmes.

Merde. Qu’est-ce que j’ai dit ?

Est-ce que j’y suis allé trop fort ? Après tout, je ne sais rien de cette jeune femme : peut-être ai-je touché une corde sensible ? Peut-être a-t-elle eu une dure journée ? Qu’est-ce qui me prend de lui parler comme ça juste parce que je suis contrarié ?

En plus, c’est bien ma veine : ses yeux sont encore plus beaux lorsqu’ils sont rougis. Et la fragilité lui va tout aussi divinement que la colère.

– Laissez-moi vous inviter, proposé-je en me radoucissant. Juste cette fois, juste cette nuit. Puisque nous ne nous reverrons jamais et que je vous ai visiblement contrariée. J’ai une dette envers vous.

Comme ça, au moins, mon karma me laissera tranquille.

Il ne faut pas contrarier l’univers.

Décidément, cette fille me perturbe. Elle n’est pas seulement magnifique : elle est drôle. Mais elle a l’air d’avoir un fichu caractère ! J’ai de plus en plus envie de l’embrasser, tout en me disant que si je cède à mon impulsion, je vais m’embarquer dans une sacrée galère.

« L’amour est un frémissement de l’univers entier, mystérieux, altier, un tourment et un délice pour le cœur. »

Il faut dire que cette fille est la tentation personnifiée.

Si son corps m’excite, son visage, lui, me fascine. Une peau de pêche, des pommettes hautes, une nuque fine et gracieuse, un front noble, des yeux de chat… Une chevelure qui tombe comme une cascade d’or sur ses épaules nues… Je n’arrive pas à détourner mon regard d’elle, ça en devient inconvenant. D’ailleurs, Robe Émeraude ne rit plus : elle me toise, délicieusement effrontée. Nos yeux se mêlent. Les siens sont d’un gris mystérieux.

Qui est-elle ?

Je n’ai jamais ressenti ça – un désir tellement total, tellement violent pour une inconnue. Je suis à deux doigts de me lever et d’aller lui parler, sans aucun égard pour Amanda toujours pendue au téléphone… sauf que je ne peux pas faire ça à mon amie ! J’ai quand même un minimum de décence. Par chance, le destin semble être avec moi ce soir.

[Hello, beau gosse. Je rentre de la fête de fin de tournage, c’était barbant – probablement parce que tu n’étais pas là. J’ai très envie de te voir. Si tu veux passer, où que tu sois… Tu sais où je cache ma clé. Xxxo, Penny]

« L’amour est un frémissement de l’univers entier, mystérieux, altier, un tourment et un délice pour le cœur. »

-Vous voulez en parler? propose-t-elle, de nouveau charmante.

-De quoi? De mon costume tapageur? plaisanté-je.

-De votre sale soirée. Ou de votre sale décennie, comme vous voudrez.

-Commençons déjà par la soirée, on verra si on a le temps pour le reste, dis-je en choquant mon verre contre le sien afin de finir d'enterrer la hache de guerre.

-D'accord. C'était à cause de votre... compagne?

-Amanda? Celle qui était avec moi? demandé-je, étonné qu'on puisse la prendre pour ça. Ce n'est pas ma compagne.

-Votre copine, alors?

-J'ai passé l'âge d'avoir des <copines>, remarqué-je, amusé.

-Votre plan cul? me provoque-t-elle avec malice.

-Je ne raconte pas ma vie sexuelle aux gens dont je ne connais pas le nom. Mais je veux bien faire une exception, à condition que vous me donniez au moins la première lettre... tenté-je de négocier.

-Vous changez de sujet, relève-t-elle, triomphale. J'avais vu juste: Amanda est votre copine de baise!

Cette fois, c'est moi qui me vexe.