Extraits

On est ici, ensemble. Dans ce monde immense et sauvage, nous avons réussi à nous retrouver.

~ p 246 [CASSIA] ~

Vick continue de me parler tandis que je sculpte une pierre en forme de poisson pour poser sa tombe de fortune. Ses écailles sont oranges et ternes. Une truite arc-en-ciel sans couleurs. Pas comme la vraie. Mais je ne peux pas faire mieux. J'aimerais qu'on sache non seulement qu'il est mort, mais qu'il a aimé et a été aimé en retour.

~ p 221 [KY] ~

Avant de s'endormir, il sort son agate pour faire une entaille dans la semelle.

Une journée de plus sans elle.

~ p 210 [KY] ~

Il s’arrête juste à temps pour que je voie le bleu de ses yeux, que j’oublie le rouge sur mes mains et le vert de la robe que j’aurais aimé porter.

_C’est toi, c’est bien toi, souffle-t-il d’une voix rauque.

Il est en sueur, couvert de poussière, et il me regarde comme s’il n’y avait plus que moi sur la terre.

J’ouvre la bouche pour dire oui, mais il est déjà contre moi. Et ses lèvres se posent sur les miennes.

Elle est là-haut, au sommet de la Colline, un objet rond et doré à la main : la boussole. Un disque rond et doré se dessine à l'horizon : le soleil levant. Elle ouvre la boussole, regarde la flèche. Les larmes roulent sur ses joues, le vent souffle dans ses cheveux. Elle porte une robe verte. L'ourlet frôle l'herbe lorsqu'elle se penche pour poser la boussole par terre. [...]

Vick allume sa torche et la braque sur moi.

- Tu as fait un cauchemar. Tu rêvais de quoi ?

Je secoue la tête.

- De rien, dis-je en contemplant la pierre au creux de ma paume.

La flèche est figée. Elle ne tourne pas. Elle ne bouge pas. Comme moi avec Cassia. Je suis tendu vers un seul but, un seul projet. Une vérité à laquelle je me raccroche alors que tout s'écroule autour de moi.

~ p 188 [KY] ~

Le silence se fait. Je remarque alors que, même dans cette étroite rivière de ciel, je vois plus d'étoiles que je n'en ai jamais vues à Oria. Et ça me redonne espoir, car il y a sûrement tant d'autres choses que je ne vois pas, que je n'imagine même pas. [...]

Dans le sable, j'écris un début de poème et, pour la première fois, un deuxième vers également :

"Je grimpe vers toi dans la nuit,

M'attends-tu là-haut, dans les étoiles ?"

~ p 143 [CASSIA] ~

La lune blanche s'élève dans le ciel, éclairant la silhouette noire de la falaise. Je ne l'avais pas remarquée. Pourtant, j'aurais dû : là où elle se dresse, il n'y a pas d'étoiles. Ici, elles brillent, innombrables, étincelant dans la nuit claire.

~ p 113 [CASSIA] ~

Je l'aime, il m'aime, il m'a appris à écrire pour que je puisse m'exprimer. Je ne peux pas rester là à ne rien faire. Je creuserai la terre, je poursuivrai le vent pour recueillir le moindre de ses mots. [...]

Mon amour pour lui m'a donné des ailes et, maintenant, il faut que j'aie la force de les remuer.

~ p 78 [CASSIA] ~

Hier la neige, aujourd'hui le coton m'ont rappelé Cassia et ses peupliers qui neigeaient à gros flocons en plein mois de juin. La Société détestait ces arbres, mais c'est pourtant le genre qui pousse par ici. Une écorce tendre, facile à graver. Si j'en trouvais un, je couvrirais le tronc de son nom, comme je couvrais sa main de la mienne, sur la Colline.

~ p 65 [KY] ~

Je regrette de ne pas être monté là-haut pour écrire quelques mots et marquer au moins l’endroit où ils sont morts. Parce que maintenant il n'y a plus aucune trace de leur passage. La neige a fondu avant même qu'ils aient pu y laisser leurs empreintes. Leur vie s'est achevée avant même qu'ils aient su quoi en faire.

~ p 56 [KY] ~