Psy malgré moi, Tome 13 : D'un deuil à finir pour de bon

10 juin

On m’assoit. On me donne un verre d’eau. Je suis encore sonnée. On me parle, aussi. En fait, c’est comme si j’étais un poisson et qu’on essayait de communiquer avec moi à travers la vitre d’un aquarium. Je nage en eaux troubles : Axel a eu un accident. Mais était-ce bien un accident ? Les deux policiers debout devant moi, un blond et un brun, n’ont pas l’air convaincu. C’est pour ça qu’ils sont là : ils veulent en savoir plus.

Nous sommes dans le bureau de M. Gagnon, le directeur. Je commence seulement à reprendre mes esprits. Je me suis évanouie. Mon absence n’a duré que quelques secondes, mais mon état de panique, lui, persiste depuis un bon quart d’heure.

— Ça va mieux, Ariane ? s’inquiète M. Gagnon.

Je lui fais un sourire. Je voudrais lui répondre, mais on dirait que mes lèvres sont soudées.

— Il faut que tu te ressaisisses, me dit le policier blond. On a besoin de ton aide.

Pourquoi ont-ils besoin de moi ? On se croirait dans un épisode de CSI. Je ne comprends plus rien.

M. Gagnon me regarde avec inquiétude. Je ne veux pas qu’il se fasse du souci pour moi. Ça va. Je n’ai rien. Ce n’est pas à moi qu’il est arrivé quelque chose, mais à… À qui donc ? Nadia ! Nadia est dans le coma. On s’est chicanées juste avant qu’elle tombe dans les pommes. Je lui ai dit des choses méchantes qui ont affecté son cerveau.

— C’est de ma faute, pour Nadia. Je suis la seule à blâmer, bredouillé-je, les larmes aux yeux. Vous pouvez me conduire en prison. Je suis prête.

— De quoi parle-t-elle ? demande le flic brun au directeur.

M. Gagnon lui répond discrètement quelque chose que je ne comprends pas. Le policier me regarde avec compassion. Il reprend :

— On a besoin de toi, Ariane. Allez, prends quelques grandes respirations. Fais comme moi.

Il s’accroupit devant moi et me donne l’exemple. Je l’imite. Après quelques secondes, je vais un peu mieux.

— Ariane, ce qu’on a voulu te dire tantôt, c’est qu’il est arrivé un accident à Axel. C’est pour ça que les policiers sont ici.

— Qu’est-ce qui s’est passé ?

— Savais-tu que ton ami faisait du car surfing ? me demande le policier blond.

— Axel ? Jamais il ne ferait ça !

— C’est ce que je vous disais, renchérit M. Gagnon. Axel n’est pas le type de garçon à prendre de tels risques. C’est un artiste, un passionné de guitare, qui a beaucoup de talent.

Heureusement, le directeur n’est pas au courant de la séance d’escalade au gym avec Justin le mois passé. Je ne suis pas certaine qu’il dirait la même chose.

— Donc, tu es sûre que ton ami ne pratiquait pas le car surfing ? s’enquiert le policier brun.

— Oui, je suis sûre. Dites… Axel est le garçon dont on a parlé aux infos ?

Le directeur et les deux policiers opinent du bonnet.

— C’est impossible ! Pas Axel. En plus, il était avec moi hier soir. Quand on s’est quittés, il rentrait directement chez lui.

— Crois-tu que quelqu’un pourrait lui en vouloir ? me demande le policier blond.

— Axel ? Je ne lui connais aucun ennemi… Comment peut-on le détester ? Il est si gentil, si généreux, si compréhensif ! À moins que…

Les deux policiers m’écoutent avec attention.

— Récemment, j’avais un petit ami que j’ai laissé pour Axel. Mais ça ne peut pas être lui. Je crois qu’il souffre de dépendance affective, mais ce n’est sûrement pas un criminel.

— Son nom ?

— Il s’appelle Justin. Mais…

— Vous nous donnerez ses coordonnées, demande tout de suite le policier brun à M. Gagnon, qui s’empresse de consulter son ordinateur.

— Penses-tu à qui que ce soit d’autre ?

— Ben, il y aurait un autre garçon… Il s’appelle Josh Bernard. Mais il est en maison de correction, à cause de moi d’ailleurs. Il est donc hors d’état de nuire.

— Je peux vous mettre en contact avec lui, intervient le directeur. C’est mon neveu. Ce n’est pas un garçon facile. Il taxait les autres élèves. Mais je ne vois pas comment il aurait pu s’en prendre à Axel, puisque, en effet, il est en maison de redressement.

— On va vérifier ça, dit le policier brun.

— Il y a quelque chose que je ne comprends pas, reprends-je. Comment Axel a-t-il pu se retrouver sur le toit d’une voiture à pratiquer ce sport débile… ce n’est pas un accident, hein ?

— Bien, quand nous l’avons trouvé, ses poignets semblaient avoir été attachés…

— C’est affreux ! Il faut que je le voie. Tout de suite ! À quel hôpital est-il ?

— Il est à Maisonneuve-Rosemont, répond le flic blond. Mais…

Je me lève d’un bond. Ma tête tourne, je vacille.

Le directeur vient me soutenir.

— Ariane, je vais te ramener chez toi. Attends-moi deux petites minutes à l’extérieur du bureau, veux-tu ?

Avant que je sorte, le policier blond se tourne vers moi :

— Ariane, si jamais tu as des flashs, ou si tu apprends quelque chose qui pourrait nous aider dans notre enquête, appelle-nous, me dit-il en me tendant sa carte.

Je sors du bureau et laisse le directeur parler avec les agents. La secrétaire vient tout de suite me rejoindre et m’offre une tasse de thé. Elle me fait asseoir en me tenant par les épaules. Sans un mot, ce que j’apprécie. Le simple fait de sentir la chaleur du thé et la compassion de la secrétaire me fait beaucoup de bien. Puis le directeur quitte son bureau en compagnie des policiers.