Extraits

- C'étaient tes préservatifs, mon vieux  ! C'est moi qui devrais être furieuse contre toi, n'inversons pas les rôles. Non, mais pour qui tu te prends  ?

Elle tenta de s'accrocher à sa colère, mais celle-ci s'évanouit peu à peu, ne laissant derrière elle que la déception.

Elle voulait que son enfant ait deux parents. Qu'il se sente aimé, protégé, en sécurité. Apparemment, il allait devoir chercher tout cela ailleurs. Et elle, elle allait devoir puiser en elle pour lui procurer tout cela toute seule.

Charlie sourit faiblement, malgré la persistance d'un reste de nausée.

- Merci de me rassurer, dit-elle. Tu es trop mignon.

- Je ne crois pas. Bois et cesse de t'inquiéter de ma famille. Tu les as mis dans ta poche avec ta remarque traîtresse sur mon manque d'humilité. Tu peux être tranquille...

- Si seulement c'était aussi facile...

- Mais ça l'est, crois-moi. Ils ne sont pas difficiles à séduire.

Elle sourit, consciente du mal qu'il se donnait pour la mettre à l'aise, comme la semaine précédente, au restaurant. Maintenant qu'elle commençait à le connaître, elle soupçonnait cette réaction d'être une seconde nature chez lui, aussi naturelle que de respirer.

- On ne doit pas souvent te dire non, je parie, fit-elle remarquer.

Rhys observa un petit silence éloquent avant de répondre :

- Non pas souvent.

- Donc je n'avais aucune chance cette nuit là, à partir du moment où tu as jeté ton dévolu sur moi ?

Bien qu'elle plaisante, elle le sentit se tendre près d'elle.

- C'était une plaisanterie, Rhys. Pas très réussie, apparemment.

- Je confirme. Tu ne regrettes pas notre...rencontre alors ?

Elle se tourna vers lui. Il était penché, face à elle. Leurs regards se croisèrent.

Soudain les souvenirs de cette nuit là revinrent en foule. Les mains de Rhys sur ses seins....

Son poids pesant sur elle...

Les muscles de son torse, de son dos, chauds et lisses sous ses caresses...

Assise dans ce jardin avec un arrière goût de bile dans la bouche, tout cela lui paraissait infiniment lointain, irréel. Comme si c'était arrivé à une autre. Mais non, c'était arrivé à elle. A eux. L'espace d'une nuit, elle avait oublié toutes ses inhibitions, ses doutes et ses certitudes sur elle-même et sur le reste du monde et s'était autorisée à éprouver.

Cela avait été bon Cela avait été...merveilleux.

-Non, je ne regrette pas, répondit-elle. Pas de t'avoir accompagné chez toi, en tout cas.

Elle était peut-être inconsciente, mais malgré tout, elle ne pouvait se résoudre à regretter les heures passées dans son lit.

-Mais ça, cette relation forcée à laquelle nous sommes contraints pour le reste de notre vie... je m'en serais bien passé, ajouta-t-elle.

- Cela aurait pu être pire tu sais.

- C'est-à-dire ?

- Tu aurais pu être une écervelée hystérique et j'aurais pu être un chômeur fainéant accro à la marijuana.

- Non. Je n'aurais pas suivi chez lui un chômeur fainéant accro à la marijuana. Même atteinte d'hystérie.

- Tu n'aurais pas eu le choix. Tu m'aurais trouvé trop mignon.

- Je ne crois pas que j'aurais pu te trouver trop mignon si tu avais été fainéant et shooté.

- Ah bon ?

- Non.

- Je le prends comme un compliment.

Elle laissa échapper un petit rire. Cette relation forcée avec Rhys ne serait pas très désagréable, après tout. Rhys était un homme intelligent, avec un sens de l'humour qui lui plaisait. Sans compter son charme troublant...

Elle but une gorgée de champagne, un peu honteuse de ce toast. L’armée lui avait pour ainsi dire servi de famille pendant près de la moitié de son existence, et elle avait toujours porté le treillis avec fierté. Même si elle était prête à commencer une nouvelle vie, elle ne regrettait pas les années consacrées à servir son pays. Ces années avaient fait d’elle ce qu’elle était, l’avaient façonnée, pour le meilleur ou pour le pire. Et maintenant…

Une nervosité familière s’empara d’elle, comme chaque fois qu’elle envisageait sa vie hors du cadre de l’armée.

Tant de possibilités de se réinventer et de réinventer sa vie s’offraient à elle ! Tant de changements, tant d’opportunités ! Saurait-elle y faire face et trouver, dans sa toute nouvelle existence, la place qui lui convenait ?

Gina alla chercher un bocal d’olives dans le frigo. Deux ans auparavant, après avoir quitté l’armée, elle avait trouvé une place de gérante en tant que traiteur, et son réfrigérateur était toujours plein de mets raffinés, restes des buffets qu’elle organisait, ou essais culinaires.

Elle risqua un regard dans sa direction auquel il répondit par un petit sourire.

 -C'est difficile pour moi. Mais j'essaie, dit-elle brusquement.

 -Je sais, répondit-il simplement. Rien ne presse.

Elle éprouva un grand élan de gratitude et d'amour pour lui. C'était comme sil lui avait dit une nouvelle fois qu'il l'aimait.