Extraits

- Je te cherchais, a-t-elle dit en me rejoignant sur le rocher.

- Ah.

- Je suis vraiment navrée, le Gros, a-t-elle déclaré, en m'entourant de ses bras et en posant la tête sur mon épaule.

Il m'est venu à l'esprit qu'elle ne savait pas ce qu'il s'était passé, et pourtant, elle paraissait sincère.

- Qu'est-ce que je vais faire ? me suis-je inquiété.

- Tu vas passer Thanksgiving avec moi, bêta. Ici.

- Mais pourquoi tu ne rentres pas chez toi pour les vacances ?

-J'ai peur des fantômes, le Gros. Et chez moi, il y en a plein.

C'est à cet instant précis, entre le moment où je lui ai posé la question sur le labyrinthe et celui où elle m'a répondu que je me suis rendu compte de l'importance des courbes, de ces milliers de creux par lesquels le corps d'une fille passe d'un endroit à un autre, du cou-de-pied à la cheville,au mollet, du mollet à la hanche, à la taille, aux seins, au cou, au nez qu'elle avait droit,au front, à l'épaule, à la cambrure du dos, aux fesses, au etc. J'avais déjà remarqué les courbes auparavant, bien sûr, mais jamais je n'avais aussi bien compris leur signification.

“Y'all smoke to enjoy it. I smoke to die"

J'espérais vaguement que quelqu'un vienne me parler. J'ai imaginé la conversation.

"Salut. C'est ta première année ?

- Oui. Je vis en Floride.

- C'est sympa. Tu es habitué à la chaleur, alors.

- Je ne me ferais pas à celle d'ici, même si je vivais en enfer",aurais-je blagué.

J'aurais donné une bonne première impression.

" Il est marrant, ce Miles. Impayable.''

Rien de tel n'est arrivé, évidemment. Rien ne se passe jamais comme je l'ai imaginé.

Nous ne pouvons pas être nés ni mourir. Comme les énergies, nous changeons seulement de forme, de taille, de manière de nous manifester. Les adultes l'oublient en vieillissant. Ils sont gagnés par la peur de perdre et de décevoir. Mais cette partie de nous plus remarquable que la somme de nos parties n'a pas de commencement ni de fin, et par conséquent elle ne peut décevoir.

Ma conviction est aujourd'hui que nous sommes plus remarquables que la somme de nos parties.

- Pourquoi tu ne rentres pas chez toi pour les vacances ?

- J'ai peur des fantômes, le Gros. Et chez moi, il y en a plein.

En foirant, il y a de si nombreuses années, petite fille paralysée par la peur, elle s'est noyée dans sa propre énigme.

« Je m’en vais verser ce seau d’eau sur les flammes de l’enfer et mettre le feu aux portes du paradis à l’aide de cette torche. Ainsi les gens n’aimeront plus Dieu par désir du paradis ou crainte de l’enfer, mais parce qu’il est Dieu. »

J’ai décrété finalement que les gens croyaient en l’au-delà pour la bonne raison qu’ils ne pouvaient supporter de ne pas y croire.