Qui sème le vent...
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Cela faisait à peu près deux semaines que j'avais repris ma place derrière le comptoir du Midtown Sheraton, après une interruption de six mois : c'est le temps qu'il avait fallu aux incapables de mon syndicat pour obtenir ma réintégration après mon licenciement par la direction, l'un et l'autre espérant sans doute que je mourrais de faim dans l'intervalle.
Je m'apprêtais à vivre une de ces périodes de sérénité à laquelle aspire tout individu à peu près sensé lorsqu'il a subi trop d'émotions pendant trop longtemps. Ce jour-là, j'étudiais dans le Daily Racing Form les pronostics du quinte de Belmont en regard des précédents résultats, avec l'espoir d'inscrire un pari supplémentaire sur les courses de la matinée. Dans un état proche de la béatitude, je ne me doutais guère que les spectres des bars de ma jeunesse et leur cortège d'intrigues inextricables m'attendaient à l'issue de la première course.
Nous étions vendredi, à la période calme entre le déjeuner et les cocktails. De fort méchante humeur, Alphonse, le gérant, martelait le plancher pour me signifier qu'il n'appréciait pas que je lise le journal. Il en fallait davantage pour m'émouvoir. Depuis que j'étais revenu, il me tournait autour comme un moustique, attendant que je commette une erreur pour me virer une fois de plus. Présentement, il allait et venait derrière le comptoir de service mais je ne m'en souciais guère, car les préparatifs étaient déjà bien avancés et les armoires frigorifiques dûment garnies.
Je travaillais surtout le soir, même si mon système nerveux en pâtissait, parce que cela rapportait davantage. Et aussi parce qu'à plus de quarante ans je nourrissais encore l'espoir insensé de devenir acteur. En travaillant le soir, je pouvais aller passer une audition le matin de temps en temps. Car non content de me faire quotidiennement insulter par des patrons pontifiants, j'aspirais aussi à me faire descendre par des metteurs en scène dédaigneux deux ou trois fois par mois. Le vendredi, je travaillais toute la journée et consacrais la soirée à mon fils. Les rares fois où je décrochais un rôle, je m'arrangeais avec les barmen de jour, qui ne demandaient pas mieux que d'empocher quelques dollars supplémentaires en faisant des nuits.
«McNulty, a déclaré Alphonse en passant une main manucurée sur la surface polie, le comptoir est poisseux.
- Eh bien essuyez-le, ai-je suggéré.
- Vous refusez d'obéir aux ordres d'un supérieur ?» Il a fait claquer ses doigts pour attirer mon attention et s'est redressé du haut de son mètre soixante-cinq, histoire de filer la métaphore militaire, je suppose.
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Date de sortie
Qui sème le vent...
- France : 2007-08-22 - Poche (Français)
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Editeurs
Résumé
Dans une vie précédente, Brian Mcnulty était un barman-aspirant acteur d’une quarantaine d’années, divorcé, père un peu dépassé mais aimant d’un adolescent nommé Kevin. Un new-yorkais comme bien d’autres.
Et puis un ex-collègue devenu patron, « Big » John Wolinski, a déboulé. Depuis ce jour, Brian a dû quitter son emploi, il a été témoin d’un meurtre, puis arrêté, il a reçu une balle dans la jambe, s’est retrouvé patient malgré lui chez un étrange ophtalmo, a revu un ancien pote qui lui a cassé la figure… et ce n’est pas tout.
Bref, le retour de ses vieux copains de l’époque où il était barman à Atlantic City est pire que les dix plaies d’Egypte, et Brian a beau être un brave type, il n’aime ni l’injustice ni la trahison. Et encore moins qu’on cherche à le tuer.
Le héros sympathique de est de retour derrière le comptoir. Cornelius Lehane n’a rien perdu de son affection pour les ambiances nocturnes, les personnages idéalistes et décalés, ni de son acuité de critique social, le tout agrémenté d’un solide sens de l’humour.
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