Extraits

-N'allez pas plus loin, lui ordonna la voix.

Arrêtez-vous

Melvin Crew obtempéra, ébloui par le soleil. Puis des coups de feu éclatèrent, si rapprochés que l'on aurait pu croire qu'il s'agissait de simples pétards, et il se trouva projeté en arrière, aussitôt avalé par le trou noir de la porte.

-Papa! hurla Gideon en traversant à toutes jambes le parking inondé de soleil. Papa!

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Août 1988

Rien n’avait préparé Gideon Crew à l’épreuve qui l’attendait à l’âge de douze ans. Le détail le plus insignifiant, un bruit, une odeur, chaque instant de cette journée resterait gravé à jamais dans sa mémoire, à la façon d’un trésor enfermé dans une vitrine qu’il contemplerait à loisir tout au long de son existence.

Sa mère était passée le prendre au tennis dans le break Plymouth familial. Le thermomètre avait franchi la barre des trente degrés, une de ces journées moites où les vêtements vous collent à la peau, où la chaleur se veut aussi poisseuse qu’un ruban attrape-mouches. À peine installé sur le siège avant, l’enfant avait dirigé les déflecteurs du tableau de bord sur son visage, savourant l’air frais. Le véhicule longeait le mur d’enceinte du cimetière d’Arlington lorsque deux motards l’avaient intercepté, gyrophares et sirènes allumés. D’une main gantée de noir, le premier d’entre eux avait fait signe à sa mère de se diriger vers la bretelle du Columbia Pike, puis lui avait intimé d’un geste l’ordre de se ranger sur le bas-côté.

Gideon comprit qu'il ne s'agissait pas d'un simple contrôle de routine en voyant les deux policiers sauter de leurs machines et se précipiter vers la voiture en courant.

- Suivez-nous, ordonna l'un des flics en se penchant à la vitre côté conducteur. Tout de suite.

- Que se passe-t-il ? s'étonna la mère de Gideon.

- Question de sécurité nationale. Suivez-nous, nous vous ouvrons la voie. Vite !

- Je ne comprends...

Mais les deux hommes enfourchaient déjà leurs engins respectifs.

Toutes sirènes hurlantes, ils les escortèrent sur le Columbia Pike et le George Mason Drive, obligeant les autres véhicules à leur céder la place. À mesure qu'ils roulaient, d'autres motards se joignaient à eux, ainsi que des voitures de police et même une ambulance, jusqu'à former un cortège qui hululait en zigzaguant au milieu de la circulation. Gideon ne savait s'il devait avoir peur ou au contraire profiter du spectacle. En tournant sur Arlington Boulevard, il sut que leur destination finale était l'Inscom, le centre de renseignement militaire de l'US Army.

Les agents postés à l'entrée du complexe s'écartèrent devant le cortège, qui s'engagea à vive allure sur Cérémonial Drive avant de stopper devant un barrage de police, au milieu d'une débauche de camions de pompiers, de voitures de patrouille et de camionnettes aux initiales des SWAT, l'unité d'intervention spéciale. Le bâtiment dans lequel travaillait le père de Gideon se dressait derrière un rideau de chênes parfaitement taillés, sa colonnade blanche précédée d'une pelouse vert émeraude impeccable. L'édifice avait conservé son allure prude de l'époque où il abritait un pensionnat de jeunes filles. Un vaste espace avait été dégagé devant les portes sur lesquelles étaient braqués les fusils de deux tireurs d'élite, allongés derrière un petit tertre.

SOLITAIRE

INDOMPTABLE

ET TRES RANCUNIER