Extraits

Je m’assis sur mon lit et elle releva la tête, l’air fâché, le regard tranchant.

— Je suis morte.

— Nous le sommes tous, répliquai-je avec une ombre de sourire.

Un rire sec lui échappa et elle eut l’air surpris.

— Tu n’aurais pas fait une plaisanterie, par hasard ?

— Une petite. Et pas très bonne.

— Et je ne ressens rien. Ou pas de la même façon. Je suis une Cent-soixante-dix-huit. C’est vrai que je ne connais pratiquement pas l’émotion.

— C’est un mensonge, riposta-t-il d’un ton amusé.

— Non, pas du tout.

Callum s’approcha davantage ; je pouvais sentir l’odeur fraîche de sa peau. Il sentait le propre et le vivant, comme un Vingt-deux, et je me serais volontiers enveloppée dans quelque chose pour masquer mes relents de mort.

— Bien sûr que si. Tu m’as filé une sacrée raclée l’autre jour. C’était de la colère. Et ce regard quand tu parles de ta vie humaine, c’est de la tristesse.

L’hôpital parquait les jeunes gens susceptibles de rebooter dans la pièce de réveil, où on les sanglait sur un lit. S’ils rebootaient, on les embarquait pour le centre de rétention ; s’ils ne rebootaient pas, ils partaient à la morgue.

Personne ne devrait avoir à se réveiller à la morgue, cernée par tous les humains décédés dans la journée, en attente d’être incinérés. Le jour où j’y étais, la salle était comble.

— Tu n’as guère le choix, lui fis-je remarquer.

— Mais je devrais. Rien de tout ça n’est ma faute. Je n’ai pas demandé à mourir ni à ressusciter.

Je fis le tour de la salle des yeux. J’espérais que les humains ne pouvaient pas nous entendre. Ce genre de propos valaient aux Reboots qui les tenaient d’être éliminés.

— Prends sur toi, dis-je en baissant la voix. La première sortie est la plus éprouvante. Tu vas t’adapter.

— Je refuse de m’adapter. Je refuse de devenir un monstre qui prend plaisir à pourchasser les gens.

Et là, il me désigna de la main

- Tu n'as guère le choix, lui fis-je remarquer.

- Mais je devrais. Rien de tout ça n'est ma faute. Je n'ai pas demandé à mourir ni à ressusciter.

Je fis le tour de la salle des yeux. J'espérais que les humains ne pouvaient pas nous entendre. Ce genre de propos valaient aux Reboots qui les tenaient d'être éliminés.

- Prends sur toi, dis-je en baissant la voix. La première sortie est la plus éprouvante. Tu vas t'adapter.

- Je refus de m'adapter. Je refuse de devenir un monstre qui prend plaisir à pourchasser les gens.

Et là, il me désigna.

Un couteau se planta dans mon cœur. Je clignai des paupières, ne sachant quoi faire de cette douleur. Ses mots résonnaient dans mes oreilles et soudain, j'avais du mal à respirer.

Un monstre qui prend plaisir à pourchasser les gens. Ces mots me déplaisaient, je n'avais pas du tout envie qu'il pense à moi de cette façon.

Depuis quand je me souciais de ce que mes stagiaires pensaient de moi ?

— Je ne veux pas qu’ils fassent de moi un assassin. Je ne veux pas être cette personne.

Je n’avais rien à répliquer à ça, puisque j’étais déjà comme ça. Les lèvres serrées, je le regardai d’un air implorant.

— Quels yeux ! murmura-t-il en prenant mes joues dans ses mains. Ne me regarde pas comme ça.

— Tu le feras ? Je t’en supplie !

Il me lâcha en soupirant.

— Il faut que je décide maintenant ?

— La mission peut tomber à n’importe quel moment.

— Je… je pourrais essayer, je pense.

Sa voix vaincue me retournait les tripes.

— Merci.

Je reculai d’un pas, une façon de lui faire comprendre que j’étais prête à le voir partir.

— D’accord, je te laisse te doucher.

Il saisit le rideau mais interrompit son geste, l’œil à nouveau pétillant.

— À moins que je reste.

Je laissai échapper un petit cri en croisant à nouveau les bras